Une peau de chagrin

Catherine Schwartz, chef monteuse

La Lettre AFC n°233

Dans ce climat délétère qui règne autour de l’extension de la Convention collective à la production cinématographique, je ne peux m’empêcher de revisiter mes trente années passées dans les salles de montage et ressentir une profonde amertume, voire un certain écœurement qui pourrait me laisser sans voix mais continuant à aimer mon métier, je choisis d’écrire ces quelques lignes.

Comme d’autres, j’ai travaillé sur des films mal financés, non payée ou si peu, je l’ai fait par choix personnel, avec le désir d’accompagner un réalisateur complice dans la fabrication de son film, mais cela ne reflétait en aucun cas la valeur intrinsèque de ce qu’est le travail de montage. Cela restait le désir de faire un don de soi, et au bout de l’aventure reconnaissance et fidélité. Je continuerai d’ailleurs avec un immense plaisir ce type de collaboration, bien sûr dans un contexte de totale transparence.
Mais à côté de ça, force est de constater qu’au cours de ces années les amputations en tout genre se sont multipliées, le temps de montage habituellement considéré comme le temps de la réflexion s’est réduit comme une peau de chagrin.
Garder un assistant pendant la durée du montage devient le parcours du combattant, la liste est encore longue mais tout y est décrit dans les e-mails anonymes des monteurs qui circulent, comme autant de témoignages de leurs conditions de travail devenues de plus en plus précaires.

C’est parce que j’ai eu la chance d’être l’assistante pendant de très nombreuses années d’une monteuse qui nous a quittés depuis peu, qui m’a transmis cet amour pour son métier, son dévouement aux réalisateurs avec lesquels elle collaborait, qu’à mon tour je n’aimerais pas laisser aux monteurs en devenir, cette étape fondamentale dans la fabrication d’un film qu’est le montage, une zone de non droit...