"Unedic : le Medef veut supprimer le régime des intermittents"

Par Jean-Baptiste Chastand

La Lettre AFC n°240

Le Monde, 14 février 2014
La négociation va pouvoir entrer dans le vif du sujet. Mercredi 12 février, à la veille d’une nouvelle séance de discussion, le Medef a envoyé aux syndicats ses propositions de réforme de l’assurance-chômage. Si les partenaires sociaux ont jusqu’à fin mars pour trouver un accord, les idées patronales, dévoilées par Les Echos*, promettent de tendre les discussions, tant certaines sont explosives.

Intermittents
Au premier rang des propositions du Medef figure en effet la fin du régime spécifique des intermittents du spectacle. « L’équité entre les cotisants est pour le régime d’assurance-chômage une condition de son acceptation », plaide le Medef qui demande « à l’Etat de prendre en charge, s’il considère qu’il relève de l’intérêt général de mieux indemniser les [intermittents du spectacle], le surcoût de ce traitement plus favorable ».

Le sujet est ultra-sensible : en 2003, une tentative de réforme avait déclenché un vaste mouvement social dans le milieu du spectacle. Syndicats et gouvernement étant tous très réticents à supprimer le régime des intermittents, cette proposition a toutefois peu de chance de se concrétiser. « Je déconseille au Medef de persévérer dans cette voie », a enjoint Jean-Marc Ayrault, sur Europe 1, jeudi matin. En revanche, la fin du régime spécifique des intérimaires, également proposée par le Medef, pourrait bien devenir réalité.

Droits variables
Autre point potentiellement explosif : le Medef plaide pour faire varier les droits des chômeurs en fonction de la conjoncture économique. Si le chômage passait sous la barre des 10 % (il est actuellement à 10,9 % sur la France entière), la durée maximale d’indemnisation passerait de deux ans à un an et demi et la durée minimum de travail pour ouvrir des droits de quatre à six mois. La règle " un jour travaillé, un jour indemnisé " serait remplacée : le jour travaillé permettrait d’obtenir entre 0,8 et 1,2 jour d’indemnisation selon le taux de chômage. Le Medef veut aussi durcir les conditions d’entrée dans le régime senior, qui autorise trois ans de chômage, en faisant passer l’âge minimum pour y avoir droit de 50 à 52 ans.

Cumul activité/chômage
Le Medef propose par ailleurs de simplifier les règles de cumul entre une activité réduite et les allocations-chômage, qui sont actuellement ultra-complexes et n’incitent pas toujours à reprendre un emploi. Les seuils de cumul actuels seraient tous supprimés pour retenir un seul critère : le cumul entre chômage et salaire ne pourrait dépasser 80 % de l’ancienne rémunération (celle d’avant la période de chômage).

Parallèlement, la reprise d’une activité même de courte durée permettrait d’accroitre ses droits au chômage (ce que les partenaires sociaux appellent " les droits rechargeables "). Lorsqu’un chômeur viendrait au bout de ses anciens droits, un nouveau calcul serait réalisé sur la base des périodes travaillées pour prolonger la période d’indemnisation. La CFDT et FO sont sur la même position. En revanche, le Medef ne reprend pas les revendications de FO et de la CGT de faire varier davantage les taux de cotisations des entreprises en fonction du recours aux contrats précaires.

Employeurs publics
Dernier point, le Medef veut faire participer de force les employeurs publics au financement de l’Unedic. Actuellement, ils peuvent choisir pour couvrir leurs contractuels de recourir à une assurance privée ou à l’Unedic. « Il en résulte que les employeurs publics ont tendance à choisir l’option qui leur est la plus favorable financièrement et à assurer les personnels non statutaire à l’Unedic lorsque leurs cotisations sont inférieurs aux prestations. [...] Le système "fonctionne donc comme une subvention des employeurs privés versée aux employeurs publics, sans aucune justification économique », estime le texte patronal.

Jeudi matin, la CFDT et la CGT ne cacachaient pas leur scepticisme. « Ce texte est inacceptable. On va hausser le ton », défend Eric Aubin, au nom de la CGT. « Ce texte propose des évolutions structurelles, alors qu’on veut d’abord mettre en œuvre les droits rechargeables. On ne programmera en aucun cas une baisse des droits », promet Véronique Descacq, pour la CFDT, qui qualifie de " chiffon rouge ", toute suppression du régime des intermittents. Dans un document, FO préconise de son côté des solutions totalement inverses en plaidant pour une hausse des cotisations et pour une aide de fin de droits exceptionnelle de six mois pour tous les chômeurs qui arrivent à la fin de leur période d’indemnisation.

(Jean-Baptiste Chastand, Le Monde, vendredi 14 février 2014)

* Lire l’article " Assurance-chômage : les propositions chocs du Medef ", de Derek Perrotte, paru dans Les Echos du 12 février 2014