Entretiens avec des directeurs de la photographie

Le directeur de la photographie John Davey parle d’"Un couple", de Frederick Wiseman
Par Madelyn Most pour l’AFC

« Prendre des photos a toujours été une passion pour moi. Je pense que le meilleur poste sur un tournage est à la caméra. J’adore opérer, j’aime les défis. Capturer des images - en espérant et en priant pour que les gens aiment les regarder - me donne une grande satisfaction. J’éprouve du plaisir à regarder dans le viseur. J’ai eu tellement de chance. »

Le directeur de la photographie Fredrik Wenzel, FSF, parle de son travail sur "Sans filtre", de Ruben Östlund

A l’occasion de la sortie en salles, le 28 septembre 2022, de Sans filtre (Triangle of Sadness), de Ruben Östlund, lire ou relire l’entretien dans lequel le directeur de la photo suédois Fredrik Wenzel, FSF, raconte son tournage du film, qui a obtenu la Palme d’or du 76e Festival de Cannes et dont l’équipe son a été lauréate du 69e Prix de la CST.

Le chef opérateur Alex de Pablo revient sur le tournage de "As Bestas", de Rodrigo Sorogoyen
Un western au bout du monde

Projeté dans le cadre de la sélection Cannes Première lors de la 75e édition du Festival *, As Bestas, de Rodrigo Sorogoyen, est un thriller psychologique rural dans lequel un couple de jeunes grands-parents français (Denis Ménochet et Marina Foïs) ont décidé de vivre leur passion en s’expatriant dans un petit village perdu au milieu des montagnes de Galice. Quand les relations s’enveniment avec leurs voisins xénophobes au sujet d’un projet d’éoliennes, Antoine décide d’utiliser une petite caméra vidéo cachée pour garder les preuves de leur harcèlement. Alex de Pablo signe les images de ce film, tourné entièrement en décor naturel, sur lequel plane l’ombre du western. (FR)

Dominik Moll et son chef opérateur Patrick Ghiringhelli reviennent sur leurs choix pour le tournage de "La Nuit du 12"
Mais qui a tué Clara Royer ?

Le fidèle tandem Gilles Marchand (scénario) et Dominik Moll (scénario et réalisation) signe un polar ambitieux où, malgré la simplicité apparente de l’histoire, rien ne semble se dérouler comme prévu. La Nuit du 12 a enthousiasmé la critique à l’issue de sa présentation à Cannes Première *, et c’est aussi l’adaptation d’un ouvrage de Pauline Guéna (18.3 - Une année à la PJ – éditions Denoël) qui raconte le travail au quotidien des inspecteurs. Le film se concentrant sur une des enquêtes du livre. Menée par Bastien Bouillon et Bouli Lanners, elle va peu à peu laisser la place à une réflexion sur les rapports entre les hommes et les femmes. Patrick Ghiringhelli signe les images de cette fable tendue et noire, située entre Grenoble et Saint-Jean-de-Maurienne, une petite ville industrielle en fond de vallée alpine que des chats et l’ombre de Twin Peaks traversent parfois. (FR)

Les entretiens au Festival de Cannes 2022

Depuis l’ouverture du 75e Festival de Cannes, mardi 17 mai 2022, nous avons publié 30 entretiens et textes dans lesquels des directeurs de la photographie parlent de leur travail sur un film sélectionné dans l’une ou l’autre des sélections et sections. Voici réunis les liens permettant de lire ou relire chacun d’eux.

Darius Khondji, AFC, ASC, évoque son travail sur "Armaggedon Time", de James Gray
Automne à New York

Film automnal et sombre, baigné d’une lumière solaire dorée vacillante, Armageddon Time, de James Gray, est un long métrage rempli de souvenirs pour son réalisateur. Une histoire constituée d’une galerie de personnages ayant tous existé, tirés de son enfance dans le quartier du Queens. Avec au centre de l’intrigue un adolescent à la recherche de lui-même – interprété à l’écran par le jeune Banks Repeta – entouré de Anne Hathaway (la mère), Jeremy Strong (le père) et Anthony Hopkins (le grand-père). Darius Khondji, AFC, ASC en est le maître d’œuvre à l’image, proposant une image sobre et douce dans ce New York du milieu des années 1980, où la musique hip hop naît tandis que le mouvement punk s’éteint peu à peu. (FR)

Benjamin Loeb, FNF, nous parle du tournage de "Sick of Myself", de Kristoffer Borgli
Grain de beauté

Le directeur de la photo norvégien Benjamin Loeb, FNF, a cette année à Cannes deux films en sélection : When You Finish Saving the World, le premier long métrage du comédien Jesse Eisenberg (le Mark Zuckerberg de The Social Network), et Sick of Myself, de son compatriote Kristoffer Borgli. Deux films indépendants tournés sur pellicule (16 et 35 mm 2p), qui témoignent du retour en force sur la Croisette des projets choisissant l’argentique pour traduire leur vision sur l’écran. (FR)

Hélène Louvart, AFC, évoque son travail de collaboration avec Léonor Séraille sur "Un petit frère"

Alors qu’elle remporte la Caméra d’or en 2017 pour son premier film Jeune femme, Léonor Séraille revient sur la Croisette en Compétition officielle avec Un petit frère. L’histoire se déroule sur vingt ans, on accompagne d’abord la mère, Rose, une jeune femme ivoirienne qui débarque avec ses deux enfants à Paris en 1989. Grâce à des ellipses, la réalisatrice nous guide ensuite vers l’un des fils, Jean, puis vers le plus jeune, Ernest. Trois époques, trois points de vue. La directrice de la photographie Hélène Louvart, AFC, évoque son travail de collaboration avec Léonor. (BB)

Le chef opérateur David Gallego, ADFC, parle de son travail sur "War Pony", de Gina Gammel et Riley Keough
Little Big Men

C’est au cœur de la réserve indienne de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud, que la productrice Gina Gammel et la comédienne Riley Keough ont décidé de s’installer pour leur premier long métrage en tant que co-réalisatrices. War Pony est un film interprété par des non professionnels, qui décrit la vie quotidienne de plusieurs jeunes de la tribu des Lakotas. C’est aussi une plongée dans l’Amérique des exclus, vivant dans des mobiles homes, transpercés par l’économie de la drogue. David Gallego, ADFC, directeur de la photographie d’origine colombienne (I Am Not a Witch, de Rungano Nyoni, remarqué à Cannes en 2017) s’empare de ce film à la fois politique et touchant. (FR)

Antoine Héberlé, AFC, revient sur ses choix techniques pour "Mediterranean Fever", de Maha Haj

Après son premier film, Personal Affairs, sélectionné à Un Certain Regard en 2016, Maha Haj revient sur la Croisette avec son deuxième long métrage, Mediterranean Fever (Fièvre méditerranéenne). Dans cette tragédie glaçante, la réalisatrice, Palestinienne et citoyenne israélienne, aborde très librement la perte d’identité des Palestiniens vivant en Israël. C’est à Antoine Héberlé, AFC, chef opérateur de nombreux films étrangers, qu’elle confie l’image de Mediterranean Fever. Au cours de sa carrière, Antoine a acquis une grande expérience de tournage au Moyen-Orient et adapte sans cesse ses compétences sur ces films parfois périlleux et au budget souvent modeste. (BB)

Le chef opérateur Hooman Behmaanesh revient sur le tournage de "Leila’s Brothers", de Saeed Roustaee
24 carats d’or

Après le très remarqué La Loi de Téhéran, le cinéaste Saeed Roustaee présente, en cette 75e édition, une histoire de famille, Leila’s Brothers, dont les thèmes sont intimement liés à ceux de la société iranienne actuelle. Filmé en grande partie dans un modeste appartement de la capitale iranienne, le film rivalise d’ingéniosité pour gérer les scènes avec les six personnages qui constituent la famille. Hooman Behmaanesh nous parle de son expérience de directeur de la photographie sur ce film. (FR)

Sébastien Buchmann, AFC, revient sur les défis relevés pour filmer "Le Parfum vert", de Nicolas Pariser

C’est dans l’univers du théâtre que Nicolas Pariser plante l’intrigue de son nouveau film Le Parfum vert, en sélection à la Quinzaine des réalisateurs. Entre le film d’espionnage et l’univers de la BD, les ombres d’Hitchcock et de Tintin planent tout au long des péripéties un peu rocambolesques vécues par l’étrange tandem Vincent Lacoste et Sandrine Kiberlain. Sébastien Buchmann, AFC, fidèle collaborateur de Nicolas Pariser que la Quinzaine des réalisateurs avait déjà accueilli à Cannes en 2019 pour Alice et le maire signe une image colorée et contrastée, avec des effluves de vert… (BB)

Fredrik Wenzel, FSF, raconte le tournage de "Triangle of Sadness", de Ruben Östlund
Carl et Yaya sont dans un bateau...

Après The Square (Palme d’or 2017) et Snow Therapy (Un Certain Regard 2014), le Suédois Ruben Östlund revient en force sur la Croisette avec une bombe hilarante où certaines scènes se hissent à la hauteur de l’Himalaya des Monty Python. Triangle of Sadness a enthousiasmé le public lors du premier week-end du Festival, déclenchant des fous rires dans la salle tandis que des seaux de vomi se déversent à l’écran. Le directeur de la photo Fredrik Wenzel, FSF, refait équipe avec le réalisateur de Göteborg sur ce tournage marathon de près de quatre-vingt cinq jours (interrompu au tout début de la pandémie en mars 2020, puis repris à l’automne). Il nous fait part de sa joie d’avoir pu filmer ce nouveau sérieux candidat au palmarès. (FR)

Hazem Berrabah, AFC, TSC, parle d’"Ashkal", de Youssef Chebbi
Le béton, les flics et le feu

Ashkal, de Youssef Chebbi, est un film qui prend comme décor un quartier particulier de la capitale tunisienne : "Les Jardins de Carthage", lotissement immobilier symbole de l’ancien régime, resté en plein chantier depuis la révolution de 2011. Cette enquête policière est aussi un film politique et social sur la Tunisie d’aujourd’hui, tout en y intégrant une dimension métaphysique et religieuse. C’est Hazem Berrabah, AFC, TSC, qui est derrière la caméra et il nous parle de ce film où les images donnent à ce quartier en chantier, un vrai premier rôle au cinéma. (FR).

Judith Kaufmann, BVK, revient sur les choix techniques et esthétiques de "Corsage", de Marie Kreutzer
As Tears Go By

Désirant remettre au goût du jour la figure un peu poussiéreuse de l’impératrice d’Autriche, la cinéaste allemande Marie Kreutzer a décidé de proposer sa version, résolument féministe. Enserrée par ce corset qu’on lui lace fermement autour de sa taille de guêpe, la comédienne luxembourgeoise Vicky Krieps prête désormais ses traits à Sissi. Pour mettre en images cette princesse en fuite émotionnelle perpétuelle, la directrice de la photo Judith Kaufmann, BVK, a effectué un travail très subtil, en 35 mm argentique 3P et format 2,39 sphérique. Un film remarqué en cette 75e édition du Festival, section officielle Un Certain Regard. (FR)

Julien Poupard, AFC, évoque son travail sur "L’Innocent", de Louis Garrel

J’avais déjà tourné le film La Croisade avec Louis. Lorsqu’il m’a parlé de L’innocent, Louis m’a tout de suite dit qu’il voulait explorer d’autres chemins visuels, voire presque construire le film à l’opposé du précédent. Très vite, on a parlé du mélange des genres. Le film navigue entre la comédie, le film policier, la comédie romantique, le film d’action. Il fallait jouer avec les codes du genre, jouer avec le cinéma tout court. Nos références allaient de Uncut Gems, des frères Safdie, Vertigo, de Hitchcock, Conversation secrète, de Coppola, La Règle du jeu, de Renoir. Il fallait chercher une photographie romanesque qui pourrait envelopper tous ces genres.