A propos de " Podium " de Yann Moix

par Agnès Sébenne de L’EST

Deux options s’offraient à nous : utiliser un Claude François en 3D, ou en image d’archives. Yann a tout de suite préféré cette dernière formule, car c’était alors le vrai Claude François que nous utilisions. On restait ainsi plus proche de notre sujet (et de la réalité !).
Il fallut donc trouver les images d’archives adéquates. Le fond de l’INA fut fouillé pour en extraire un choix, le plus large possible, de duos chantés par Claude François. L’idée du duo était qu’il nous suffisait de trouver une séquence qui nous intéressait, puis de remplacer le compagnon de Claude par Benoît Poelvoorde. On gardait ainsi toute la justesse de la scène, des regards...

Yann a très vite choisi le duo entre Claude et Petula Clark, chantant " Comme d’habitude ", privilégiant le décor et la mise en scène de cette séquence. Avec Benoît Delhomme, nous sommes allés à l’INA vérifier la qualité de la séquence, qui heureusement était très bonne (1 pouce transféré sur Beta Num). Malheureusement elle n’était composée que de plans en mouvement, ce qui ne facilita pas notre travail !

Le but était maintenant de remplacer Petula Clark par Benoît Poelvoorde. Il nous fallut déterminer ce qui était ou non utilisable. Nous éliminâmes d’abord les quelques fondus enchaînés qui ne nous permettaient pas d’échanger Petula par Benoît ; puis le dernier plan, car le mouvement de caméra étant très complexe, il était impossible de retourner Benoît dans une géométrie cohérente. Etant dans la logique d’une chanson, il nous fallait une durée équivalente d’image et de son ; toute image d’archive perdue devait être remplacée, il fallait donc des plans complémentaires.
Les éléments à tourner se classaient en deux types :
- Benoît sur fond vert, qui serait incrusté aux côtés du Claude d’archive,
- Des plans complémentaires tournés dans un décor raccord, avec un sosie de Claude, pour remplacer les parties d’archive inutilisables.
Pour les éléments de Benoît sur fond vert il nous fallut décrypter les mouvements de caméra et la focale de l’archive, de manière à faire un tournage strictement homothétique à celui de Claude. Ce travail fait, les mouvements étaient tels, que nous décidâmes de tourner des plans fixes, les mouvements de caméra raccord seraient reproduits en postproduction. Cela nous facilita grandement la tâche pour le tournage.
Pour les éléments complémentaires, il fallut décrypter, avec l’équipe d’Arnaud de Moléron, le décor de l’archive. Grâce à la lecture de la perspective des images, nous retrouvâmes les cotes de différents éléments de décor. Cela permit de reconstruire une partie du décor raccord. Il fallut ensuite trouver un sosie de Claude François nous permettant de croire que c’était lui...

Avec Benoît Delhomme, nous décidâmes de tourner ces éléments en 35 mm, malgré le format d’origine de l’archive. Nous préférions avoir plus de définition d’image, et la qualité de l’image film, nous permettait les manipulations de transformation du rendu de l’image vers la vidéo de l’archive. Nous aurions pu choisir de tourner en HD, mais nous voulions éviter d’utiliser un signal compressé, et avoir une sortie non compressée obligeait à une logistique très lourde, nous avons donc abandonné l’idée. Benoît Delhomme a formidablement travaillé sa lumière, pour être raccord à l’archive, ce qui nous a grandement aidé en postproduction. Les éléments de la séquence furent tournés en 2 jours sur le 800 des Studios d’Aubervilliers.

Il ne restait plus qu’à assembler le tout : " tracking 3D " des archives, extraction de Benoît, conformation du mouvement dans un environnement 3D, raccord des matières d’image... Plusieurs mois de travail qui tiennent en quelques mots !!! Et le miracle fut accompli : ils chantaient ensemble.