Andrée Davanture, chevaucheuse d’imaginaires

AFC newsletter n°246

Pour évoquer le souvenir de la chef monteuse Andrée Davanture récemment disparue, Gaston Kaboré, réalisateur, témoigne.
« Que dire d’elle ? DD était la puissance de l’écoute de l’autre, la curiosité bienveillante, l’amour du cinéma. Elle a travaillé avec une diversité d’auteurs sans jamais trahir aucun et tout en étant toujours elle-même. »

DD ne cherchait pas à éliminer les fautes et les maladresses, voire des insuffisances dans le scénario, la mise en scène ou le langage cinématographique, bien au contraire elle voulait toujours comprendre l’intention profonde de l’auteur, le désir caché, la tentative inaboutie et à partir de là le matériau filmique disponible pouvait être réinterprété, remodelé, redécoupé pour parvenir à un sens, une métaphore, un symbole, un reflet culturel singulier.

En réalité pour chaque film, DD acceptait d’aller à l’école d’un nouveau regard, de faire l’apprentissage d’une nouvelle culture, de nouveaux codes de narration et de récit qui sont autant de ferments de fécondation pour l’histoire du film en construction.
DD était toujours prête à s’embarquer dans un voyage à la rencontre de personnages, d’ombres et de lumières, de sonorités et de formes, d’univers et de mondes qui creusent son propre regard et la fait vibrer. Elle ne cherchait pas à soumettre le récit de l’auteur mais plutôt à aider ce dernier à accoucher de l’être qui l’habite au plus profond de ses désirs de raconter.
Jamais DD ne jugeait, ne censurait ni ne proscrivait ; elle irriguait, elle scrutait et sondait, elle communiait et entendait chaque musique et toutes ses harmoniques les plus inattendues.

DD semblait capable de s’infiltrer dans la moindre fissure pour l’explorer, d’épouser les moindres aspérités pour mieux les révéler et les exposer.
Plus qu’une monteuse de talent, elle était une chevaucheuse d’imaginaires, de légendes et de mythes prête à toutes les plongées et à tous les vertiges pour peu que cela soit au service d’une histoire, d’un film, d’un auteur qui se bat pour conter quelque chose aux spectateurs.
Pour elle, tout film a droit à la vie car chacun a sa vérité, sa justification et son besoin d’être.
DD, c’était de l’humilité, du respect, de l’exigence, de la curiosité, une soif d’apprendre et de comprendre, une générosité qui se fonde sur la liberté et l’indépendance que chacun a pour donner et recevoir. Elle nous a quittés en laissant de profonds sillons dans lesquels nous pouvons continuer à semer avec la promesse de récoltes immémoriales.

Voilà la DD avec qui j’ai travaillé, celle avec qui j’ai conversé au-delà des films et celle avec qui j’ai partagé des visions et des convictions, celle que j’appelais affectueusement « Capitaine ».

Gaston Kaboré