Antoine Bonfanti

par Jean-François Robin

(Difficile de ne pas écrire " je me souviens " comme le faisait Pérec)

Je me souviens d’Antoine Bonfanti, le premier ingénieur du son que j’aie rencontré dans le cinéma, auréolé d’une gloire toute neuve venue de la Nouvelle Vague. Homme silencieux, aux gestes suggestifs qui réduisaient la parole (la sienne) au minimum, il écoutait. Pour lui la vie n’était que son et bruits qu’il fallait enregistrer.

Je me souviens qu’il aimait bien manger et bien boire. En province, il savait tout des bonnes tables et du bon vin.

Je me souviens qu’en 1969, c’était sur le tournage de La Fin des Pyrénées de Jean Pierre Lajournade (tous ces gens disparus et ces films oubliés !) avec une partie de l’équipe, nous étions partis de nuit dans une grotte à l’écho miraculeux enregistrer une espèce de successions de bruits faits en soufflant dans des tuyaux, des bruits qui, remixés, deviendraient la musique du film. Antoine Bonfanti était là penché sur son Nagra qui participait à cette espèce de folie collective.

Je me souviens d’un homme chaleureux qui n’hésitait pas à donner son temps et son savoir-faire pour aider le petit jeune que j’étais à mixer son premier court métrage, le soir après la journée de tournage d’un autre film.

Je me souviens d’un homme droit qui ne connaissait pas le mot concession dès qu’il s’agissait de son travail, de ses idées ou de la morale de son travail.

Le temps a passé, je ne l’ai plus revu pendant des années.

Figure précieuse, on entendra encore longtemps les échos de son travail qui avait révolutionné les techniques de la prise de son au vingtième siècle.