Antoine Roch, AFC, parle du tournage en Zeiss Supreme Prime d’"Un tour chez ma fille", en salles le 16 juin

par Zeiss Contre-Champ AFC n°321

Antoine Roch, AFC, évoque les Zeiss Supreme Prime qu’il a choisis pour filmer Un tour chez ma fille, une comédie de Eric Lavaine avec Josiane Balasko et Mathilde Seigner, qui sort en salles le 16 juin.

Antoine Roch : Le film a été tourné en 2019. Nous avons choisi de tourner en Arri Alexa LF. J’ai essayé trois séries couvrant le grand capteur chez Transpacam.

En quoi ont consisté tes tests ?
AR : C’étaient des essais photographiques qui ont consisté à filmer des visages surtout, à différentes expositions, avec des lumières fortes en contre-jour pour voir comment ça "bavait" en très hautes lumières… Les Supreme avaient un caractère très particulier, au point de me rappeler la douceur des Primo, mais avec trois fois plus de piqué. Le film est la suite de Retour chez ma mère (dont je n’avais pas fait la photo) : c’est une comédie enlevée tournée dans le Sud avec beaucoup d’intérieurs, qui exigeait une image élégante et fluide. J’ai choisi les Supreme pour leur modelé, que j’ai trouvé remarquable. Ils sont précis avec quelque chose de très velouté sur le grain de peau, que je n’avais pas vu chez Zeiss depuis très longtemps.

Le grain de peau est un enjeu assez crucial, notamment quand il s’agit de filmer des comédiennes…
AR : Je trouve que ces optiques sont naturellement flatteuses sur le grain de peau, sans être laiteuses. Je les ai pratiquement utilisées telles quelles, sans filtrer davantage. Je trouve la série aussi assez facile à utiliser, toutes les optiques sont légères, bien carrossées, très cohérentes les unes par rapport aux autres et homogènes en poids. Comme j’utilise beaucoup le Stab One Mark II, tant pour de la caméra portée qu’avec de la machinerie, c’est important pour moi.

Pour le choix des focales au tournage, tu as des préférées ?
AR : Ce sont les focales intermédiaires que je préfère. En l’occurrence c’était surtout le 29 mm, le 50 mm et le 65 mm, pour ce film. Néanmoins, toutes les focales de la série Supreme sont belles, les courtes focales sont impressionnantes, sans aucun problème de déformation ni d’aberration et avec une qualité de flou étonnante. J’avais fait, il y a fort longtemps, un film avec une série Zeiss transformée en anamorphique par Technovision dont j’ai gardé un excellent souvenir. Il me semble que cette série avait fait Le Dernier empereur. Elle était magnifique. Elle avait du gras dans les noirs, un contraste très important. Un vrai look Zeiss ancienne génération. Là j’ai trouvé que les Supreme n’avaient pas trop ce "caractère Zeiss" justement, mais un modelé doux tout en restant contrastes et précises tout le temps.

Photo de plateau : un dîner en intérieur nuit - Photo : David Koskas.
Photo de plateau : un dîner en intérieur nuit
Photo : David Koskas.


Est-ce qu’Eric Lavaine est un réalisateur qui s’intéresse aux focales ?
AR : Eric est surtout avec les comédiens. Avec lui, je participe pleinement au découpage technique des films. Eric s’implique totalement dans la direction d’acteurs et me confie largement la responsabilité de la cinématographie des scènes. Il a des exigences, des désirs profonds et je fais tout mon possible pour aller dans le sens du film qu’il veut faire. Sur ce film-là ce ne sont pas les partis pris photographiques qui doivent attirer l’attention, mais donner une élégance à l’ensemble.

Il existe un certain cahier des charges pour la comédie populaire. En termes de profondeur de champ, par exemple…
AR : Je mets peu de profondeur de champ, et en général il y a beaucoup de mouvements de caméra, utilisant notamment souvent l’Aerocrane. Je ne pense pas que ce soit tout à fait le cahier des charges auquel vous faites allusion… Est-ce que les films sont plus drôles lorsqu’ils sont nets partout et très colorés ? Je ne le crois pas.

Est-ce que tu tournes à pleine ouverture ?
AR : On est à T2,8 au plus fermé. Je travaille toujours assez ouvert, ça fait partie du modelé photographique. Il y a beaucoup d’intérieur nuit avec des lampes dans le champ, et là aussi l’équilibre des optiques est très beau. Les anciens objectifs Zeiss étaient très durs la nuit, mais là, ils gardent du modelé et du détail.

Où avez-vous tourné ?
AR : C’était une superbe maison avec une vue à 220 ° sur la mer, à La Ciotat. On avait des baies vitrées partout. Bizarrement la mer claque beaucoup mais n’apporte pas tant d’entrée de lumière, il y avait des écarts de contraste énormes entre les découvertes et l’intérieur. J’avais fait entourer la maison d’un échafaudage, sur lequel je faisais circuler mes projecteurs comme en studio, pour faire des entrées de lumière.

Tournage sur fond vert - Photo : David Koskas.
Tournage sur fond vert
Photo : David Koskas.


Ce n’est pas anodin de choisir de tourner dans un tel décor plutôt qu’en studio.
AR : Oui. Les films d’Éric sont très souvent des films chorals, toujours dans une grande maison, parce que ce qui l’intéresse ce sont les caractères. Il est très fort pour travailler avec beaucoup de comédiens en même temps et leur donner à chacun une vraie couleur. C’est ce qu’il aime, tourner autour des tics des gens. Son humour vient de là. L’appartement du personnage de Josiane Balasko, censé se situer à Aix-en-Provence, a été tourné dans un appartement haussmannien à Paris, et les intérieurs nuit étaient sur fond vert, pour pouvoir tourner de jour. J’avais fait un système d’accroche qui permettait de descendre les fonds verts à la demande. Éric trouve que la nuit le jeu des acteurs perd en influx, donc il préfère tourner ces scènes de jour.

Quel est ton workflow ?
AR : On a tourné ce film en ArriRaw et les rushes étaient étalonnés chez Mikros qui a aussi assuré les VFX. Cependant dès que je peux travailler avec un DIT, je le fais. Je retrouve avec le DIT ce qu’on pouvait faire quand on avait les projections de rushes, c’est-à-dire la possibilité d’affiner la photo en cours de tournage, d’aller plus loin. Artistiquement c’est intéressant. Ne pas avoir de DIT nous empêche de prendre des risques, au lieu de pouvoir voir ses LUTs et de gagner du temps à l’étalonnage. Avec la suite FilmLight par exemple, on est presque directement sur une deuxième passe, à l’étalonnage. Sur ce film malheureusement je n’ai pas pu avoir de DIT, mais j’avais des rushes étalonnés, ce que j’exige quand je n’ai pas de DIT. Après il y a toujours des discussions et des habitudes de production sur lesquelles il est compliqué de revenir. Ça vient doucement.

Est-ce que tu as un ou des étalonneurs avec lesquels tu as l’habitude de travailler ?
AR : Je fais appel à des personnes précises, en fonction du sujet. Là c’était Réginald Gallienne, avec qui j’avais déjà fait Chamboultout et Les Apparences, notamment. Il faut quelqu’un qui aime le cinéma d’Éric, sinon ça me déprime ! Sur ce genre de film les partis pris ne sont pas les plus marqués, il s’agit surtout de faire en sorte que l’ensemble soit élégant et plaisant à regarder. C’est une histoire contemporaine dans une maison de famille, je ne vais pas travailler avec des patines comme ça m’arrive par ailleurs. Par exemple je viens de terminer une série tirée des Particules Elémentaires pour laquelle j’ai utilisé des optiques vintage, des filtres colorés, pour tordre le signal et créer un déséquilibre. Dans ce cas les optiques sont là pour appuyer ces choix.

Je change très souvent d’optiques. Je choisis aussi en fonction du capteur avec lequel je vais tourner : récemment j’ai beaucoup tourné en Sony Venice, j’avais essayé des optiques Super Baltar B&S qui sont très belles, pas hyper piquées, mais entrer dans les pores de la peau n’est pas ce qui m’intéresse le plus. Si on peut dire que les Supreme entrent dans les pores de la peau, ils le font agréablement ! (rires) Mon prochain film sera en Alexa LF, rien n’est jamais acquis et j’adore changer d’habitudes !

Intérieur jour - Photo : David Koskas.
Intérieur jour
Photo : David Koskas.


Est-ce que les comédiennes se préoccupent de l’image ?
AR : Josiane Balasko et Mathilde Seigner sont plutôt confiantes et sereines avec la caméra, d’autres sont plus angoissées ou inquiètes, mais je prends toujours du plaisir avec les acteurs en général et j’aime qu’ils soient concernés par l’image. Avec le numérique tout a changé, le maquillage a changé, et on n’a plus le temps de faire des essais maquillage poussés comme on pouvait le faire avant. Il y a encore des réflexes de fond de teint, et des idées sur les brillances de peaux : en numérique ça peut vite "plaquer", il faut éviter de trop en rajouter, surtout que ça se gomme difficilement à l’étalonnage, ça ternit les visages. Il y a un équilibre à trouver pour obtenir un éclat juste.

Je n’avais pas tourné avec des Zeiss depuis presque quinze ou vingt ans. J’avais tourné avec des Master Prime mais il faut avoir un sujet qui le permette, ils n’ont pas le modelé des Supreme. Pour moi, les Supreme, ce sont des Zeiss qui ne ressemblent pas à des Zeiss, et c’est ce qui m’a beaucoup plu. Ils sont simples à travailler dans des situations de lumière parfois complexes, les très fortes lumières par exemple. Je vais les tester pour un film en Grèce avec des hautes lumières et un traitement un peu high key, je pense qu’ils pourraient convenir.

En format large ?
AR : Quand on a goûté au format large on a envie d’y rester, c’est quelque chose qu’on attendait tous. Je fais beaucoup de photo, avec le moyen format quelque chose se passe, il y a très vite de beaux flous, les courtes focales en ont encore, esthétiquement c’est très payant.

Un mot sur ton équipe ?
AR : Mes assistantes, à la caméra, étaient Prune Saunier Dardant et Sophie Quaglino avec Emile Bore en second. Mon chef électricien, Xavier Cholet, mon chef machiniste, Laurent Bourlier. Le loueur était Transpacam, Transpalux, Transpagrip.

  • Voir le teaser :

https://youtu.be/p5_3Le8dfHQ