Bernard Zitzermann, homme de culture, au ras des villes, au ras des champs

Par Jean-Noël Ferragut, AFC
S’il est des rencontres dont que je garde en mémoire le souvenir, celle avec Bernard Zitzermann, Zizi pour les intimes, y tient une place particulière tant elle fut, sinon déterminante, une belle occasion de partage. Par chance, j’ai pu croiser sa route pendant les deux derniers des six mois qu’a duré le tournage de Molière, le film d’Ariane Mnouchkine.

Eduardo Serra, son premier assistant les quatre premiers mois, au côté de Jean-Paul Meurisse au cadre, m’avait appelé pour faire le point sur une deuxième caméra à la Louma lors des scènes de figuration qui se tournaient dans le superbe décor extérieur de rues de village que Guy-Claude François avait fait construire à la Cartoucherie. J’y découvrais, par parenthèse, le talent d’Ariane pour diriger, non sans une certaine fermeté, au doigt, à l’œil et surtout au porte-voix, les nombreux figurants dans des mouvements de foule assez impressionnants. Eduardo m’avait de nouveau fait signe pour terminer le film car il désirait prendre le large et voguer vers d’autres aventures cinématographiques.
Hormis quelques scènes de raccord tournées au Théâtre du Soleil, les tout derniers jours, nous avons passé ces deux mois sur le plateau du Larzac, entre Millau, La Cavalerie et ses alentours. Comme souvent en extérieur et loin de chez soi, les connaissances se lient, les goûts et les couleurs communes s’affinent.

Le dimanche, par exemple, alors que d’autres membres de l’équipe s’adonnaient à de saines activités sportives – du genre se retrouver la tête sous l’eau au sortir d’un rapide mal négocié dans la descente des gorges du Tarn en canoë-kayak –, nous prenions, lui et moi, un réel plaisir, au hasard des petites routes de campagne qui traversent la région, à suivre un troupeau de moutons étalé au milieu du goudron, roulant au pas pour observer avec délectation la précision du travail de deux ou trois chiens de berger, qui, tout yeux, tout oreilles, obéissent à leur maître et l’aident à rassembler les brebis égarées dans les champs, lui jetant un bref coup œil interrogatif pour savoir s’ils ont bien accompli leur petit boulot. Existe-t-il, dans la vie, quelque chose de plus reposant ? Zizi, c’était des joies simples, des attentions aux petits riens du tout.

Moins pastorales mais plus culturelles, et elles aussi dominicales, nos balades à Montpellier. Nous explorions, de fond en comble et avec émerveillement, les trésors cachés qu’offraient au visiteur curieux le musée Fabre ou le centre historique de la ville, découvrant les splendides cours intérieures à l’italienne – largement éclairées – d’hôtels particuliers des XVIIe et XVIIIe siècles, leurs escaliers à balustrades en pierre et fer forgé. Il suffisait, encore à cette époque, d’entrebâiller une porte cochère, de lever le nez en l’air et d’écarquiller les yeux, pour le plaisir des sens. Zizi, c’était un homme de culture, sous toutes ses formes, au quotidien.

Rien que pour ces moments-là, un grand merci à toi, Zizi !