Camerimage 2017
Blockbusters et lumière naturelle
Par François Reumont pour l’AFCSi Claudio Miranda est d’origine chilienne, il travaille à Hollywood depuis de nombreuses années. D’abord "gaffer" attitré de David Fincher (Seven, The Game, Fight Club...), c’est donc aussi un peu lui qui est derrière la continuité visuelle exemplaire de ces trois films signés pourtant par trois opérateurs différents.
C’est lors de la transition numérique pour le réalisateur californien sur Zodiac que Claudio Miranda passe lui-même à l’image en seconde équipe. Le passage aux choses sérieuses vient ensuite sur Benjamin Buttons, dont Fincher lui confie l’image.
Miranda se souvient : « C’est vrai qu’en 2008, quand je suis passé chef opérateur sur Buttons, le milieu de l’image m’a un peu pris de haut, non pas à cause de ma trajectoire venant de l’équipe électro, mais surtout parce qu’on était au début du numérique et que c’était encore assez mal vu de s’y lancer quand la majeure partie des productions était encore en argentique ». Rapidement, l’ancien chef électro fait ses preuves et décroche même plusieurs nominations prestigieuses (Oscar, Bafta, Prix ASC...)
C’est ensuite, sur Life of Pi, que vient la consécration, avec un Oscar en chair et en os. « C’était un film très compliqué à gérer », explique le chef opérateur, « à la fois une histoire censée se dérouler en extérieur sur un radeau, mais en 3D, et bien sûr avec un tigre du Bengale ! » Pour cela, il explique à l’assistance sa stratégie afin d’essayer de tourner le plus souvent possible en lumière naturelle.
« On a construit un bassin à vagues de 75 mètres par 30, et on a modélisé le trajet du soleil du premier au dernier jour de tournage pour pouvoir anticiper sur les axes. Une structure de 120 mètres par 40 me permettait de tendre des tissus diffuseurs (silk) pour recréer des passages nuageux, voir obscurcir avec des borgniols... De même, le fond bleu pouvait aussi s’ouvrir de manière à laisser passer le soleil couchant ou un projecteur le cas échéant... »
Autre projet mais même démarche, dans un certain sens : Oblivion, de Joseph Kosinski (2013). « Sur ce film d’anticipation, le décor principal est une tour immense qui est censée se terminer dans les nuages. » Là encore, de nombreuses discussions ont été nécessaires en préparation pour trouver la bonne manière de tourner ces scènes...
« Pour ma part, j’ai travaillé avec beaucoup de cinéastes qui essaient de faire un maximum de choses à la prise de vues. Se décharger sur la postproduction et les effets spéciaux, c’est un peu déposséder le tournage d’un certain contrôle, sans parler du budget qui souvent peut s’envoler et qui prend la production en otage. »
Le chef opérateur finit donc par convaincre le studio Universal de ne pas faire appel au traditionnel fond d’incrustation sur ce décor. « Cette espèce de tour de contrôle est entièrement couverte de surface de verre à 360°, et offre une vue panoramique sur les nuages. » Outre les problèmes de retour de couleur et de reflet sur les baies vitrées, Claudio Miranda insiste aussi sur la difficulté d’éclairer correctement en même temps le fond et les comédiens.
« Finalement, on a tapissé le tour du cyclo avec des écrans de projection, j’ai envoyé une deuxième équipe filmer au sommet d’un volcan hawaïen les pelures destinées à la projection (avec une combinaison de caméras RED filmant sur 360°). Le résultat : 21 projecteurs diffusant une image 15K sur un écran panoramique circulaire de 150 mètres de circonférence.
« Pour obtenir une sensation de réalisme, j’ai quand même dû tourner ces scènes avec des optiques Master Primes à 1,4, réglant la Sony F65 à 800 ISO. Je crois que j’étais vraiment la limite de ce qu’on pouvait faire accepter à un producteur, doubler le nombre de projecteurs pour gagner un diaph aurait été la goutte d’eau qui aurait fait déborder le vase ! »
Au résultat, selon Claudio Miranda, un tournage incroyable avec des acteurs enthousiastes de se retrouver réellement milieu des nuages, et une projection frontale qui devient aussi source de lumière principale pour le décor.