C’est ici que je vis

C’est ici que je vis, titre original Petit indi.
Après Pau et son frère, Les Mains vides, et Jours d’août, nous continuons notre collaboration, avec toujours la notion de " défi " pour Marc, comme un élément moteur de son travail.

Un film en Super 35, avec les Primo ; après essais comparatifs avec les Cooke S4 et les Ultra Prime, Marc a vite fait son choix ; c’est vrai que la différence de qualité, notamment dans les rendus de peau, était saisissante.
Nous avons fait beaucoup de plans avec la TechnoCrane, autant sur des sols plats (là où il y avait les courses de chiens et les concours d’oiseaux), qu’en extérieur où le sol était plutôt " montagneux " ; le quartier d’habitation du personnage principal est une zone de petites collines que l’on aperçoit de l’autoroute et, comme disent les habitants de Barcelone, « un quartier que tout le monde connaît, mais où jamais personne ne s’y arrête ». Le fleuve Besos le traverse, puis rentre dans Barcelone et se jette dans la Méditerranée. C’est un coin un peu nauséabond, une zone qui reste jonchée de déchets par endroit.
Plusieurs jours avec la Panavision sur pied, dans le Besos, assez profond à cette époque là (avril-mai), dû à des fortes pluies qui venaient des montagnes. En permanence, 3 machinistes – catalans – plus des renforts selon le plan de travail.
Et un film très présent au point, où " petit Indi ", l’oiseau principal du film, a une tête grande comme un timbre poste ; il est constamment en mouvement et nous aussi, sur travelling ou sur grue… Un mélange de plans larges et de plans très serrés.
L’intérieur de la cabane a été filmée essentiellement avec la lumière du soleil, et trois projecteurs installés en permanence sur le toit, à n’allumer qu’en cas de mauvais temps ou de jour qui tombe. Deux électriciens aidaient à la machinerie quand je n’avais pas besoin d’eux ; Marc n’a jamais aimé la lumière des projecteurs, se refusant obstinément à en voir traîner sur ses précédents films, mais là, sa position de producteur lui a fait accepter le principe qu’un intérieur peut devenir un décor de secours en cas de mauvais temps. Et les raccords lumière solaire/lumière de projecteurs passent très bien. Plus simple pour moi la deuxième version, car moins stressant bien évidemment.
Et du stress, il y en avait… Le film était lourd sur les épaules du personnage principal, (pour une fois, pas sur les miennes, que des plans sur tête O’ Connor, quel bonheur !) un jeune garçon, non-acteur, de 15 ans, incarnant un personnage effacé, naïf. Entouré par quelques " loups-adultes ", interprétés entre autre par Sergi Lopez et Edouardo Noriega.
Et des journées à 200 figurants au Canadrome (en plein Barcelone, comme un hippodrome, mais des chiens à la place des chevaux), fermé il y a plus de 10 ans de cela. Marc l’a fait réouvrir pour le film, tondre la pelouse, remettre du sable sur la piste, refaire fonctionner les guichets, la buvette…
Et tous ces visages à filmer (nous étions très souvent en mouvement), ces gens de Barcelone, qui ont l’habitude de parier sur tel ou tel chien, 1, 2, ou 5 euros, ceux qui participent au concours de chants d’oiseaux et ces têtes immenses qui saluent au loin, comme lors des carnavals.
Les courses de chiens ont été filmées à deux caméras, Marc tenait à faire le cadre de la 2e caméra. Nous avons regardé plusieurs fois Pickpocket de Bresson, où les mouvements de figuration sont très étonnants, des gens qui traversent le cadre, en diagonale, de dos, de face, de gauche à droite, de droite à gauche, un morceau de bras, d’épaule en avant plan, une amorce floue …
Nous avons étalonné sur le Lustre, au labo Image Film à Barcelone, et Marc était parti pour faire une image plutôt assez jaune. Après quelques déceptions, et des tons de chair totalement couleur moutarde, nous avons vite refait marche arrière. C’est le risque " de la liberté de l’étalonnage en numérique ", où beaucoup de choses sont possibles…
Le film est sorti cet automne en Espagne, et nous sommes nommés pour le prix Gaudi pour la meilleure production, meilleur scénario, et meilleure image… Nous verrons bien… ce que nous réserve l’avenir…

1er assistant opérateur : Frédéric Serve

Technique

Matériel caméra : Panavision, série Primo
Super 35 Scope
Pellicule : Kodak 5205/5218
Laboratoire : Image Film (Barcelone)