Camerimage, du voyage initiatique au pélerinage
Par Denis Lenoir, AFC, ASCDevenu au fil des années un habitué de Camerimage, j’ai maintenant admis qu’une fois revenu dans le monde réel – celui dont les habitants ne sont pas tous des étudiants de cinéma, des responsables d’industries techniques liées à notre métier et des chefs opérateurs de tous les âges et de toutes les nationalités – il est vain d’essayer de transmettre, ou même simplement de raconter ce qui tous les ans au mois de novembre attire au fin fond de la Pologne une foule aussi disparate dans son origine qu’homogène dans ce qui la rassemble, foule de passionnés venus communier autour de 288 films projetés, je ne sais combien de conférences et d’interventions, un nombre incalculable de rencontres inopinées et enfin (surtout ?) de fêtes aussi bruyantes qu’alcoolisées (à ce propos cette année j’ai essayé, avec succès et c’est pour cela que je l’écris ici, un régime qui m’a réussi : ne boire que de la vodka et de l’eau fraîche, pas la moindre goutte de vin, de bière ou même de soda ou de jus de fruit : mes nuits furent calmes et mes réveils clairs).
Le lendemain de mon arrivée, ma femme me disait regretter de ne pas être avec moi. Je lui ai expliqué qu’être à Camerimage, c’était comme d’assister à un congrès de dentistes norvégiens : nous, les dentistes norvégiens, avons un univers commun de couronnes, de bridges, de piolets et de roulettes (les industries techniques !), nous pouvons écouter les communications et assister admiratifs aux prouesses filmées de nos collègues les plus brillants, mais l’ennui pourrait mener les non-dentistes, s’il y en avait présents parmi nous, à des actes extrêmes ! Déjà la dernière fois que j’en revenais, il y a deux ans je crois, et que dans l’inactivité forcée de l’avion je me demandais comment partager quand je la retrouverai ce que j’avais vécu pendant cette semaine de festival, j’avais conclu qu’il valait mieux renoncer, c’est incommunicable.
Camerimage est un voyage initiatique quand on y vient pour la première fois, un pèlerinage quand on appartient déjà à la secte ; on adresse la parole à ou se fait aborder par quiconque porte le badge autour du cou, certain de trouver, en dépit de possibles grandes différences d’âge ou de culture, quelque chose à se dire, à échanger. Je m’y suis fait des copains (Edu Grau, jeune chef opérateur catalan rencontré par hasard dans la voiture qui me conduisait à Bydgoszcz il y a deux ans et que je vois toujours de temps en temps), j’y ai retrouvé des amis perdus de vue depuis trop longtemps (Pascal Lagriffoul), j’y ai entretenu des relations d’amitié trop lâches, car faites de pointillés transatlantiques (Caroline Champetier, Nathalie Durand), j’y ai eu de passionnants contacts techniques (je ne peux les nommer tous), j’y ai rencontré des personnes que j’espère retrouver d’une manière ou d’une autre bientôt (Claude Mouriéras, Lucy Allwood, Jim Stark), et tous les matins je me suis couché (un peu éméché) heureux à l’idée de vivre à mon réveil un jour de plus à Camerimage.