Captifs

Captifs est un film de thriller d’angoisse, un " survival " de facture sobre. Le scénario est simple et le film, grâce au talent de Yann Gozlan, le réalisateur, évite les écueils du genre. Je ne suis habituellement pas très sensible à ce type de films, mais ma première collaboration avec Yann sur son court métrage Echo m’a donné envie de l’accompagner sur ce projet.

L’histoire se déroule dans un pays d’Europe de l’Est en guerre, à une époque non définie. Trois membres d’une ONG (Zoé Félix, Eric Savin et Arié Elmaleh) travaillent dans un hôpital. Ils sont relevés par une nouvelle équipe et partent en voiture pour rejoindre la frontière. Un barrage de démineurs les oblige à quitter la route principale. Ils se perdent et sont capturés par des trafiquants. Emprisonnés durant des semaines dans le sous-sol de la maison des ravisseurs, chacun trouvera sa propre issue à ce cauchemar en surpassant ses peurs et ses phobies.

Etienne Saldes règle un cadre avec Zoé Félix - Sur le tournage de <i>Captifs</i> de Yann Gozlan,<br class='manualbr' />photographié par Vincent Mathias
Etienne Saldes règle un cadre avec Zoé Félix
Sur le tournage de Captifs de Yann Gozlan,
photographié par Vincent Mathias


Le budget du film était serré, nous disposions de 35 jours de tournage et nous avions de nombreuses scènes avec des chiens. Nous avons donc choisi de tourner en numérique.
Je n’envisage plus, depuis longtemps, de tourner en HD 2/3 de pouce. Nous avions besoin d’une caméra 35 numérique très mobile, compacte et sensible. Le choix de la RED s’est imposé par élimination. C’était sans regret, car les images tournées en R3D conviennent parfaitement au type d’étalonnage que nous envisagions.
Les contraintes de production nous ont imposé le choix de la légèreté. L’équipe autour de moi se composait de deux assistantes caméra, d’un chef machiniste, d’un chef électricien et d’un électricien. Deux stagiaires sont venus nous aider.

Pour pallier la faiblesse du budget déco, il nous fallait de très bons repérages. Ce fut le cas ; il faut le noter car c’est rare sur les films français. C’est souvent le poste sur lequel les productions " grattent ". En conséquence, le métier de " repéreur " n’est pas très développé chez nous. C’est une tâche souvent confiée à un 3e assistant réalisateur !
Soutenus par la région Alsace-Lorraine, les décors ont été trouvés près de Strasbourg, des paysages et des villages qui ressemblent à ceux des pays de l’Est.

Le bloc de cellules aménagées sous la maison des ravisseurs était un décor introuvable. Le chef décorateur Philippe Van Herwijnen les a construites dans un ancien centre de tri postal. Il a fait un travail absolument remarquable et son équipe s’est surpassée pour réaliser les matières des murs, les teintes et les patines.
Pour optimiser le temps de tournage dans ce décor, nous n’avons jamais bougé les feuilles et tout était éclairé soit par les soupiraux, soit par les fluos des plafonds. Placés en douche, des Mizars sans lentille, filtrés par des grilles métalliques, créent un jeu d’ombre et de lumière dans le couloir. Dans les cellules, en ambiance jour ou en ambiance nuit, la lumière venait du soupirail. Créer des nuances entre ambiance jour et nuit était un exercice vraiment plaisant. La photogénie de tous les comédiens, Zoé en tête, a particulièrement facilité la tâche !
Dans ces décors, je n’ai jamais utilisé plus d’une mandarine en réflexion ou un Kino Flo 2 tubes 60 cm. La contrainte de ne faire entrer la lumière principale que par le soupirail permet plus de réalisme et de sobriété. Les découvertes sont souvent très surexposées, mais qu’importe…

Zoé Félix
Zoé Félix


Pour l’étalonnage, j’ai travaillé avec Aude Humblet, avec qui j’avais déjà partagé l’expérience d’Une affaire d’état en RED.
Les ambiances de nuit dans les cellules sont souvent à la limite de la lisibilité. Le contraste des images est très mesuré : il faut éviter d’être " gris " et à l’inverse, trop de contraste donne à l’image un aspect numérique désagréable. Le travail sur la saturation et la couleur était aussi très fin car on recherchait une tonalité singulière, en restant dans un " cadre colorimétrique " probable.
Pour éviter de glisser dans des dominantes violentes ou des contrastes incorrects sans que l’on s’en aperçoive, nous comparions systématiquement les images étalonnées à une charte de gris ou une " tête de femme " qui sont des références connues.
Les autres difficultés d’étalonnage ont concerné les séquences en extérieur jour, tournées dans toutes les conditions météo possibles !

Au final, l’étalonnage est assez froid et les couleurs souvent en demi-teintes. Ainsi, le retour au film s’avère périlleux car la moindre dérive colorimétrique au tirage ou au développement induit des bascules d’étalonnage. Un vrai point de couleur photochimique d’écart, et la copie 35 mm vire dans la dominante du point en question. En production, la maîtrise est possible, en série elle est plus compliquée. C’est vrai pour bien d’autres films évidemment, mais particulièrement pour ceux qui sont dans des niveaux de saturation faibles.
En projection numérique, je retrouve plus facilement les nuances d’étalonnage.

Films politiques, comédies pour ado, comédies romantiques ou dramatiques, films de genre, films d’époque, films d’action, j’ai la chance – comme beaucoup d’entre nous – d’avoir participé à tous ces genres. L’intérêt de notre travail est de trouver l’image juste pour chaque projet, et de servir l’univers du réalisateur. Le choix du support 35 mm ou numérique lui appartient aussi.

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