Caroline Champetier se souvient de Jean-Luc Godard

Contre-Champ AFC n°338

Dans un article daté du 14 décembre 2022 et publié sur le site Internet du quotidien britannique The Guardian, rubrique "The Observer’s obituaries of 2022", la directrice de la photographie Caroline Champetier, AFC, évoque ses souvenirs de Jean-Luc Godard.

3 décembre 1930 - 13 septembre 2022
La directrice de la photographie se souvient avoir travaillé avec le réalisateur français radical, un homme qui a transformé le cinéma et vivait d’omelettes et de bière.

Je n’ai pas grandi dans une famille cinéphile - nous allions rarement au cinéma. Cependant, j’avais une étrange habitude de jeune adolescente : je lisais avidement les critiques de films de l’hebdomadaire français Le Nouvel Observateur. Une fois, j’ai demandé à mes parents la permission d’aller voir Pierrot le fou, de Godard. Ils m’ont répondu : « Certainement pas ». J’ai demandé pourquoi. « Parce que c’est violent », fut la réponse. J’ai finalement vu Pierrot le fou quand j’étais étudiante à l’école nationale de cinéma [l’IDHEC, NDLR]. Le film n’était pas violent dans le sens où ils l’ont vu, mais c’était quand même un choc. Je ne savais pas alors que j’allais passer quelques années au côté de Jean-Luc Godard.

En fait, j’ai commencé à graviter autour de son cercle dès que j’étais à l’école de cinéma et pendant ma vingtaine, grâce au grand directeur de la photographie William Lubtchansky, avec qui j’ai travaillé comme assistante. Lubtchansky avait été le directeur de la photographie de Godard, d’Agnès Varda, de François Truffaut, de Jacques Rivette, entre autres noms illustres de la Nouvelle Vague française. C’était tous des anciens, à mes yeux ; mais en fait, ils n’avaient que la cinquantaine et étaient très actifs. A l’école de cinéma, on s’était imprégné de la Nouvelle Vague ; ils étaient nos maîtres de cinéma. Mais il fallait quand même prendre parti. Il y avait les Rohmeriens (pour Eric Rohmer), les Godardiens et les Truffaldiens. J’étais une vraie godardienne. J’étais attirée par sa radicalité. A l’époque, Godard et Truffaut s’étaient brouillés et ne résoudraient jamais leurs différends. La principale distinction entre Godard et les autres était la façon dont il faisait des films. Godard avait sa propre façon d’écrire, de produire, de filmer et de monter un film. Plus encore, contrairement à d’autres cinéastes de sa génération, il ne croyait pas aux personnages, il ne croyait qu’aux acteurs répondant à sa mise en scène. [...]

(Traduit de l’anglais par Laurent Andrieux)

Sur la vignette de cet article, Jean-Luc Godard sur le tournage de One plus one / Sympathy for the Devil, avec les Rolling Stones, 1968 - Photo Hulton Deutsch/Corbis/Getty Images