Céline Bozon, AFC, parle de son travail sur "Annie Colère", un film de Blandine Lenoir, et des zooms Leitz

Par Ariane Damain Vergallo pour Ernst Leitz Weltzar
Le dernier tournage de Céline BozonAnnie Colère, de Blandine Lenoir – lui a permis de conjuguer deux des plaisirs essentiels à sa pratique de l’image : être parmi les premières à filmer des scènes encore jamais vues au cinéma et utiliser de nouveaux outils techniques.

Filmer un avortement – quelque chose qui n’avait jamais été fait jusqu’alors – était donc un des défis, délicat mais essentiel, de ce film qui raconte l’histoire du MLAC, un collectif créé par des femmes en 1973 et auto-dissous deux années plus tard, en 1975, après que la loi Veil autorisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) ait été votée, dans le tumulte, à l’Assemblée nationale.

Les premiers choix techniques ont été de tourner en 6K avec la caméra Sony Venice, en format "vintage", 1,66 qui était, au vingtième siècle, le format de la majorité des films français tournés en argentique, et dont le ratio se rapproche fortement de celui de la photo 24x36 mm, qui est de 1,5:1.

Céline Bozon, AFC - Photo : Ariane Damain Vergallo, prise avec un Leica Q2
Céline Bozon, AFC
Photo : Ariane Damain Vergallo, prise avec un Leica Q2

Il aurait été tentant, pour Céline Bozon, de tourner ce film choral, avec Laure Calamy, Zita Hanrot et India Hair, tout à l’épaule, en courte focale, avec ce bougé et ce heurté du cadre qui sont généralement associés à la fièvre et à l’enthousiasme des débuts des mouvements collectifs.
Elle a pourtant choisi un parti inverse en installant, lors des scènes de groupe, un travelling avec une caméra et un zoom qui permettent de longs plans séquences durant lesquels les comédiens évoluent en liberté et qu’elle suivrait au plus près. Sa complicité avec son chef machiniste lui a permis d’inventer, en temps réel, de vrais plans de cinéma.

D’habitude, Céline Bozon est plutôt "anti-zoom" car il y a beaucoup trop d’écart de qualité avec les focales fixes mais, lors des essais, elle a été bluffée par les zooms Leitz – le 25-75 mm et le 55-125 mm – qui "matchaient" impeccablement avec les focales fixes : « Ils sont à la fois définis et doux, cristallins tout en ayant une rondeur que j’aime », dit-elle. Elle a retrouvé dans ces zooms le "look" Leica qu’elle aime particulièrement lorsqu’elle prend des photos avec son Leica M6.

Céline Bozon, AFC - Photo : Ariane Damain Vergallo, prise avec un Leica Q2
Céline Bozon, AFC
Photo : Ariane Damain Vergallo, prise avec un Leica Q2

Le fait que Céline Bozon soit l’une des premières directrice de la photo à les utiliser sur un long métrage a, bien sûr, ajouté à son plaisir, d’autant qu’ils ont été associés à la série des focales fixes Leitz Prime dont, dit-elle, « Tommaso Vergallo avait eu le malheur de parler », et que Transpacam et Franck Graumann ont mis à sa disposition.

Elle a découvert, à cette occasion, le 65 mm Leitz Prime, qui est devenu sa focale préférée et qu’elle a aussi utilisée lors des quelques scènes tournées à l’épaule, la "courte" focale étant le 40 mm ou le 50 mm Leitz Prime.
Elle a également choisi d’éclairer et de ne pas seulement s’appuyer sur la lumière existante pour avoir une ouverture de T5,6 avec de la profondeur de champ, le risque étant, à pleine ouverture en 6K, d’isoler chacun des protagonistes, ce qui allait à l’inverse du propos de ce film collectif.
Elle s’est plus rarement servie de la pleine ouverture à T2,8 pour les zooms et T1,8 pour les optiques fixes Leitz Prime.

Les deux saisons du film – hiver et été – lui ont permis de développer une palette de lumières et de couleurs diverses avec « l’excitation technique » d’utiliser ces nouvelles optiques Leitz.
Un plaisir qui n’a eu d’égal que l’émotion – jusqu’aux larmes parfois – de rencontrer et de filmer les courageuses militantes du MLAC qui ont permis à la loi Veil d’exister. Une histoire française d’il y a maintenant cinquante ans.