L’éditorial de la Lettre de janvier 2014

Charivari amphigourique

Par Matthieu Poirot-Delpech, AFC
La transition fulgurante de l’argentique vers le numérique en bouleversant nos habitudes a aussi modifié notre vocabulaire. Rarement pour le meilleur, souvent pour le pire… Les acronymes et les sigles ont envahi nos conversations. Les contresens absurdes aussi.

Le fichier " souche " délivré par nos nouvelles caméras, par exemple, est couramment appelé " négatif numérique ". S’il est bien numérique, il n’a par contre rien d’un " négatif ".
En fin de journée de tournage, il est courant d’entendre la régie réclamer les " rushes " pour les emporter au laboratoire. La dénomination " rushes " n’a pourtant jamais désigné un élément original irremplaçable. C’est initialement un premier tirage positif sans aucune valeur patrimoniale. La confusion peut être très dangereuse…

Le vocabulaire est comme le ciment dont on fait les fondations : il reste fluide quelque temps avant de se figer définitivement. Il est donc urgent de remédier aux imprécisions du langage actuel afin de le rendre plus précis donc plus efficace.
L’AFC et les autres associations de techniciens ont un rôle à tenir dans l’établissement et l’adoption de nouvelles terminologies. Le chantier est, pour une fois, plaisant et ludique. Il est cependant important. Il est certain que notre langue nous permet de donner des noms clairs à toutes choses.

Jeune assistant, j’avais entendu au laboratoire Eclair cette consigne surréaliste d’un étalonneur pour le tirage d’une copie : « La muette, il faut la tirer par les pieds ! ». Ça avait du sens et, en plus, ça faisait rêver…
Par certain que l’on puisse trouver dans les hermétiques LUT, DCP, DLP (nom déposé par Texas Instruments) et autres DIT autant de poésie et de clarté. A nous de faire évoluer les choses…

D’ici là, bonne année à tous !