Claude Hirsch, chef électricien, nous a quittés
Thierry Arbogast, AFC
Claude Hirsch nous a quittés.
C’était un grand chef électro, un monument de gentillesse et de bienveillance. Il avait toujours en arrivant sur le plateau un petit mot ou une anecdote à raconter à chacun de nous. Il aimait profondément son équipe qui le lui rendait bien. Voici quelques films emblématiques que nous avons fait ensemble ; Une histoire de vent, de Joris Evens, tournage en Chine (20 semaines), Le Hussard sur le toit, de Jean-Paul Rappeneau (25 semaines), Jeanne d’Arc, de Luc Besson (24 semaines), Les Rivières pourpres, de Mathieu Kassovitz (18 semaines), Femme fatale, de Brian de Palma, Bon voyage, de Jean-Paul Rappeneau (plus de 20 semaines). Et bien d’autres films moins connus. C’est sur ces tournages très lourds, où l’on voit passer les saisons, que l’on mesure les qualités humaines de Claude ; sa constance, sa bonne humeur, son professionnalisme et sa modestie... Merci à lui !
Jeanne Lapoirie, AFC
J’ai bien connu Claude Hirsh, il était le chef électro de Thierry Arbogast à l’époque où j’étais l’assistante de Thierry. Nous avons fait plusieurs films ensemble dont le mémorable tournage du Brasier, réalisé par Eric Barbier et tourné en Pologne pendant trois mois et demi à l’époque où le mur était encore présent.
C’était un formidable chef électro, très humain et sensible. Je pense que sa collaboration avec Thierry n’a pas toujours été simple, même s’ils étaient très proches.
Je l’ai un peu revu plus tard à l’époque où il a ouvert son bar derrière le Bataclan.
C’est toujours étrange quand on vous annonce que quelqu’un disparaît, c’est comme un pan de vie qui ressurgit et disparaît à la fois…
Dominique Le Rigoleur, AFC
La première fois que j’ai travaillé avec Claude Hirsch, c’était, je pense, sur Résidence surveillée, de Frédéric Compain, en 1987, avec Maria Schneider.
C’était un grand professionnel, qui avait de l’humour, du talent et une grande humanité.
Nous avons fait ensuite La Lectrice, de Michel Deville, en 1988.
Il faisait des fêtes merveilleuses chez lui…
Puis il a rejoint l’équipe de Luc Besson, et j’ai fait le film suivant avec le chef électricien de Luc Besson avant de travailler avec Alain Grestau.
La dernière fois que j’ai eu le plaisir de le voir, c’était dans son restaurant où l’on s’est régalé.
Là aussi il excellait dans la réalisation de ses plats, le choix de ses vins et l’accueil de ses amis.
Ensuite il est retourné à la profession et a retrouvé Luis Peralta, chef électricien que je lui avais présenté.
Souvenirs chaleureux. Profonde tristesse.
Philippe Pavans de Ceccatty, AFC
Je n’ai malheureusement jamais eu l’occasion de travailler avec Claude. Claude, je le connaissais de réputation bien sûr, mais je l’ai seulement rencontré au "Passage"*. Sans doute est-ce Christophe Dural, chef électro, qui, le premier, m’a amené là. Entre autre parce que nous avions tourné dans ce décor lors d’un film de Marcel Bluwal quelques années auparavant. Et puis, comme beaucoup d’autres du métier, ou du quartier, nous l’avons adopté. Ce n’est pas si fréquent un bar-restaurant où l’on se sente chez soi, un bar de bons copains, un endroit que n’aurait pas renié Brassens. Claude, bienveillant, pudique et chaleureux derrière son comptoir. Toujours quelques amis quelque part dans la salle. Claude a même accueilli une petite expo de mes photos, acceptant que je change la couleur de ses murs à cette occasion. Et puis il a tourné la page du Passage. Je ne sais pas si le restaurant a été repris à sa suite mais cela ne me serait jamais venu à l’idée d’y aller sans sa présence.
Plus tard je suis passé quelques fois le voir dans son échoppe boulevard Beaumarchais. Un jour, il est passé de l’autre côté de son comptoir pour s’assoir à ma table. Il m’a parlé de sa fille, de son décès, il était bouleversé. Voila ma minuscule histoire avec Claude, juste pour dire que c’était quelqu’un que j’aimais bien. De ces personnes particulières qui vous touchent tout de suite, mais que vous croisez juste d’un peu trop loin, tout en vous disant que vous aimeriez bien être son ami.
* "Au Passage", bar-restaurant situé passage Saint-Sébastien, Paris 11e – NDLR
Luis Peralta, chef électricien (texte lu lors de la cérémonie d’obsèques)
Ça doit bien le faire marrer, Claude, de me voir aligner ces quelques mots devant vous tous.
Je vais essayer. Ce n’est pas simple. Je n’ai jamais imaginé être là à parler de Claude.
Claude et moi, nous nous sommes connus en 1986, sur le tournage du film Résidence surveillée. C’est Dominique Le Rigoleur et Loïc Jouan qui nous ont présentés.
La 1e fois qu’on s’est vus, on a tout de suite sympathisé à travers l’humour car on aimait blaguer avec les mots, on aimait parler de cinéma, de livres et de nos vies autour d’un verre.
Nous avons fait pas mal de films ensemble, Le Brasier, Le Hussard sur le toit, Ridicules, L’Appartement, Jeanne d’Arc, Bon voyage, soit une quinzaine d’années de travail et le début d’une longue amitié. On ne travaillait pas toujours ensemble mais on se voyait très régulièrement. On habitait le même arrondissement et fréquentions les mêmes bars et le dimanche on se retrouvait souvent sur le marché Richard Lenoir.
Notre amitié était très simple. Des fois, on était vraiment des amis, des fois on était comme frères et d’autres fois, il était comme un grand frère. Un grand frère d’un autre pays, d’une autre culture, d’un autre humour, j’aimais beaucoup cette facette de Claude.
Quand il a arrêté le cinéma après le film Bon voyage, il a ouvert le restaurant "Au passage". Pendant toute cette période au Passage, c’était génial de voir se mélanger autour de lui tous les gens du quartier, les amis du cinéma, électros, machinos, décos et sa grande bande de copains.
Alors qu’il n’était plus dans le cinéma, il a réussi aussi ce mélange extraordinaire de faire revivre un plateau de cinéma dans son restaurant ; beaucoup de monde y passait.
Je passais souvent, tôt le matin pour un café, déjeuner ou dîner le soir, même très tard.
Ce qui est difficile aujourd’hui, c’est de parler de tout ça et je ne peux pas croire que tout est fini.
Quand Claude m’a appelé pour m’annoncer sa maladie, je me suis dit "il faut faire tout ce qui est possible, quelle que soit l’avancée de la maladie et je ne lâcherai pas la main de mon ami".
Même pendant cette période, de nouveau, il a réussi à s’entourer, à réunir autour de lui toute une équipe, comme sur un tournage, comme au Passage et à l’Annexe entouré de sa famille très présente, chaleureuse, accueillante, avec beaucoup de tendresse.
C’était difficile de voir Claude souffrir, mais il n’a jamais baissé les bras pendant tous ces mois. Claude a traversé toute cette période avec beaucoup de courage et de force. Une grande dignité.
Mon cher Claude, je ne sais pas faire simple, je ne sais pas faire court et dans ma tête ça se bouscule de partout.
Je m’arrête là et je ne m’y habitue pas. Je pense que je te prends la main et voilà, on va s’amuser, Comme tu le disais sur ton lit d’hôpital.
C’est difficile de perdre un ami. Les souvenirs, c’est une chose, mais ce qui est bon, c’est de s’assoir à une table et savoir que son pote est là.
Et que tout est possible.
William Watterlot, directeur de la photographie
Ah ! ce Claude, aimé de tous, merveilleux compagnon de route, ami fidèle, chef électro talentueux, exceptionnel patron de bar resto où tout le cinéma français et artistes du passage Saint-Sébastien aimaient se retrouver. Nous avons traversé la Chine ensemble en 1987 sur le film de Joris Ivens* et ne nous sommes jamais quittés depuis. Ne plus jamais voir ce sourire inimitable me met dans une tristesse infinie. Je pense à Annette, sa fille, Anouk, sa petite fille, et toute sa famille qui l’ont soutenu jusqu’au bout. Quel vide tu nous laisses. Nous t’aimons.
* William Watterlot était 1er assistant opérateur sur Une histoire de vent, de Joris Ivens, photographié par Thierry Arbogast, AFC, et Jacques Loiseleux, AFC - NDLR