Colombine

La première partie de Colombine a été filmée pendant la Fête des Vignerons de l’été 2019. Véritable institution en Suisse romande qui a lieu tous les 20 ans depuis 1797 à Vevey, fête gigantesque, avec des milliers de figurants, et inscrite au patrimoine immatériel de l’Unesco.
Malgré l’ampleur du projet, le budget du film est très restreint, ce qui m’amène à conseiller une assistante de réalisation dont j’avais loué les capacités organisationnelles : Sophie Bouteiller.
Faute de financement suffisant, le tournage, prévu en octobre 2019, est reporté en avril 2020.
 La pandémie de mars 2020 stoppe net cette possibilité…
L’âge de la comédienne principale, Eléa Dupuis, 13 ans, qui incarne le rôle-titre de Colombine, pose un problème de raccords directs avec les scènes tournées pendant la fête.
Un court tournage de cinq jours, en juin 2020, s’impose juste après ce premier confinement en utilisant la FS7 de Sony en 4K, caméra raccord du tournage précédent mais avec une série d’objectifs fixes, nous ne sommes plus en configuration de reportage.

Le tournage principal a lieu finalement pendant les vacances scolaires de Pâques, en avril 2021, pendant le troisième confinement, à Vevey et à Épesses, commune viticole réputée surplombant le lac Léman, une région magnifique.
 Cette période de confinement me donne l’opportunité de faire venir de France quasiment toute l’équipe image, à l’exception du 2^e assistant caméra ainsi que du DIT / Data Manageur qui, malgré le peu de budget, est présent depuis le début sur ce film, d’où la chance d’avoir des rushes étalonnés.
Suivant les conseils de Forest Finbow, l’étalonneur du film, nous choisissons la nouvelle FX9 de Sony pour rester dans le même espace couleur. Nous tournons occasionnellement à deux caméras avec une série Sigma et un zoom 30-300 mm de Canon. Fabienne Roussignol, la cadreuse et opératrice Steadicam, assure les prises de vues de la caméra principale, me permettant d’être plus disponible pour la lumière avec Yann Ody, chef électricien qui effectue aussi un travail formidable de préparation dans les nombreux décors du film.
Le choix de la FX9 est très formateur pour le réalisateur et la cadreuse qui ne connaissent aucunement le “grand capteur“.
 Passer facilement la taille du capteur de 4K en Super 35 au 6K en Full Frame – avec un intermédiaire de 5K – tout en gardant l’enregistrement en 4K nous permet d’ajuster le cadre et de pallier le manque d’un 24 mm dans la série d’objectifs en prenant le 32 mm en Full Frame, par exemple ; possibilité offerte par la couverture des optiques Sigma.

Nous commençons en pleine campagne, à Ursy, au studio Swissmovie par beaucoup de scènes dans la régie technique de la Fête, montée sur praticables avec fonds verts en contrebas, pour incruster la scène et les gradins, et de nombreux moniteurs à l’intérieur.
 Sans responsable d’effets spéciaux sur le tournage, je m’applique à équilibrer tous ces moniteurs grâce à un jeu de clefs USB contenant diverses gradations d’images vertes ou bleues avec croix de tracking...

Le reste du tournage se passe à Vevey avec une équipe très soudée du fait que tous les bars et restaurants étant fermés, nous nous retrouvons chaque soir après le tournage dans la grande cuisine collective de notre appart-hôtel échangeant victuailles et recettes, Dominique, le réalisateur, étant parmi nous.
À part un timing très serré le tournage se déroule bien. Les repérages successifs dus aux nombreux reports de tournage nous avaient permis d’affiner chaque décor et chaque séquence. Le découpage était par ailleurs très précis, tout était story-boardé, le réalisateur ne s’est pas couvert par un nombre de plans et prises important, aidé en cela par l’implication de la jeune et talentueuse actrice Eléa Dupuis, présente dans presque tous les plans.

La postproduction image est plus complexe, le petit budget du film pousse la production à choisir la Chine pour les trucages et effets spéciaux, avec un postproducteur reparti à Londres à cause de la pandémie… Loin d’être simple pour la communication aussi bien artistique que technique…
 Le matériel image vient de sources multiples : les deux périodes de tournage, les pelures, les images de la Télévision Suisse Romande en UHD REC 2020 à 50 im/s, les plans de différents drones ainsi que tous les effets et incrustations venant de l’équipe chinoise. Dès le début, j’ai insisté pour que ce film soit finalisé en 4K, pensant à la postérité ainsi qu’à l’impératif des plateformes.
Pour plus de cohérence, je propose au producteur de pré-étalonner le film chez moi à Paris pendant deux semaines et de finaliser l’ensemble une 3^e semaine au laboratoire Color Grade, à Genève.
 Je dispose d’un moniteur Eizo CG319X que je fais calibrer chez Color Grade ainsi qu’un Micro Panel DaVinci. Un ordinateur Apple M1Max nous rend possible le 4K en temps réel. 
La transition de Paris à Genève se fait sans heurt en projection sur DaVinci Resolve 18.

Forest Finbow m’accompagne durant ces trois semaines. J’apprends beaucoup avec lui sur l’ergonomie et les astuces de Resolve ayant déjà étalonné en argentique des films IMAX durant mes deux années passées au laboratoire Arane Gulliver.
 Je pense qu’à notre époque tous les DoP devraient connaitre les possibilités offertes par ces logiciels d’étalonnage qui vont beaucoup plus loin à chaque mise à jour, modifiant la frontière entre étalonnage et trucage.
Pour résumer, un tournage dilué dans le temps mais fort sympathique au cœur de la Suisse romande avec une bonne équipe pour ce qui n’est pas si courant : un conte fantastique destiné aux enfants.

Le film est sorti sur les écrans suisses le 9 novembre 2022.

Bande-annonce officielle