"Consternés et en colère", une tribune de la SRF

AFC newsletter n°263

La Société des réalisateurs de films (SRF) à publié, le 21 mars 2016, une tribune adressée à Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication, et Frédérique Bredin, présidente du CNC, pour les alerter de nouveau sur le dysfonctionnement qu’elle constate dans l’exploitation des films en salles. Nous reproduisons ici cette tribune et relatons un article du Monde consacré en partie à cette question.

Madame la Ministre de la Culture,

Madame la Présidente du CNC,

L’ensemble de la profession cinématographique est unanime depuis des années sur un sombre constat. L’exploitation des films en salles dysfonctionne : concentration des entrées sur les salles des grands circuits, multidiffusion, surexposition de certains films au détriment de tous les autres, accélération de la rotation des films, augmentation exponentielle des coûts de promotion, difficulté d’accès des salles art et essai à certaines œuvres.

Réalisateurs, scénaristes, producteurs, techniciens, distributeurs, exploitants indépendants, toutes les organisations professionnelles n’ont eu de cesse d’alerter les pouvoirs publics à ce sujet depuis près de dix ans.

Une concertation sous l’égide du CNC devait s’ouvrir lundi 21 mars, dans le cadre des Assises du cinéma, en parallèle au projet de loi relatif à « la liberté de création » qui prévoyait enfin des bases solides à une régulation des conditions d’exposition des films en salles (au sein de l’amendement n°216).

Nous apprenons que jeudi dernier, sous la pression des grands circuits, cet amendement a été modifié in fine par le gouvernement, et se retrouve amputé de toutes les mesures concernant la diffusion des œuvres.

Nous sommes consternés et en colère devant ce que nous considérons comme une nouvelle lâcheté des pouvoirs publics sur cette question.

Pour autant, nous n’arrivons pas à croire, Madame la Ministre de la Culture, Madame la Présidente du CNC, que vous soyez prêtes à sacrifier la qualité de la diversité de la production et l’exceptionnel tissu des salles art et essai françaises aux seuls intérêts financiers des grands groupes d’exploitation.

L’équilibre précaire qui régnait jadis entre les différents types d’exploitation et les différents acteurs de la filière s’est insidieusement déréglé et ce déséquilibre s’est très nettement accentué ces dernières années. L’immobilisme récurrent des pouvoirs publics qui atteint aujourd’hui son apogée fait que nous sommes au bord de la rupture.

Il y a donc pour nous la plus grande urgence à agir.

Nous vous demandons de tout mettre en œuvre pour que les mesures supprimées retrouvent leur place dans la loi relative à la liberté de création, condition sine qua non à nos yeux à la tenue des négociations prévues de longue date.

Premiers signataires :
Mona Achache, Siegrid Alnoy, Mathieu Amalric, Jacques Audiard, Luc Battiston, Lucas Belvaux, Emmanuelle Bercot, Julie Bertuccelli, Jérôme Bonnell, Bertrand Bonello, Guillaume Brac, Stéphane Brizé, Thomas Cailley, Laurent Cantet, Laurent Chevalier, Malik Chibane, Jean-Louis Comolli, Samuel Collardey, Catherine Corsini, Louis-Do de Lencquesaing, Edouard Deluc, Claire Denis, Thierry de Perreti, Arnaud Desplechin, Claude Duty, François Farellacci, Frédéric Farrucci, Philippe Faucon, Léa Fehner, Pascale Ferran, Hélène Fillières, Marine Francen, Denis Gheerbrant, Fabienne Godet, Yann Gonzalez, Eugène Green, Robert Guédiguian, Michel Hazanavicius, Agnès Jaoui, Stéphanie Kalfon, Cédric Klapisch, Héléna Klotz, Gérard Krawczyk, Philippe Le Guay, Sébastien Lifshitz, Thomas Lilti, Julie Lopes Curval, Gilles Marchand, Paul Marquès-Duarté, Patricia Mazuy, Agnès Merlet, Nadir Moknèche, Dominik Moll, Anna Novion, François Ozon, Antonin Peretjatko, Nicolas Philibert, Martin Provost, Katell Quillévéré, Aude-Léa Rapin, Christian Rouaud, Christophe Ruggia, Pierre Salvadori, Céline Sciamma, Jan Sitta, Bertrand Tavernier, Agnès Varda, Marion Vernoux,Thomas Vincent, Anne Weil, Alice Winocour, Rebecca Zlotowski.

  • Lire l’article "Le blues de l’art et essai", de Clarisse Fabre et Isabelle Regnier, publié dans Le Monde du 23 mars 2016.