Corpo celeste

Là, je peux presque le dire sans douter, Corpo celeste est sûrement le dernier film que j’aurai tourné en Super 16 mm. Déjà au printemps 2010, j’en étais presque sûre, mais maintenant, fin novembre 2011, avec " la déferlante de l’Alexa ", il n’y a plus le moindre doute...

Alice est une Italienne issue du documentaire. Moderne, très cultivée en cinéma, très précise dans ce qu’elle n’aime pas, très intuitive pour les choses qu’elle aime, nullement dérangée par " l’aspect masculin " qui caractérise le milieu du cinéma italien. Et pleine de charme, ce qui est important dans ce pays où " l’apparence " est encore très en vogue. Et choisir, sans que personne ne la contredise, une chef op’ française qui viendrait travailler dans le pays où la " culture picturale " reste leur terrain de prédilection…
Le chef machiniste napolitain nous a avoué en cours de tournage qu’il avait été sceptique lorsqu’il a appris que c’était un film avec une réalisatrice accompagnée d’une directrice photo, il craignait que cela tourne à une " forme d’hystérie ". Sans commentaire, genre de phrase qui nous a bien fait rigoler, intérieurement, " of course ".

Un excellent pointeur romain Emanuele Ranesi, que je tiens à remercier.
Un chef électricien venu d’Allemagne, Sven Meyer, parfait comme d’habitude, pour pallier éventuellement à une baisse de régime lors des premiers rayons du soleil printanier. Ce qui n’a pas été le cas du tout, toute l’équipe est restée très motivée, vis-à-vis du travail d’Alice et de ses proches collaborateurs… (trices).

Le film est plein d’humour, avec son " thème catholique " dans une région bien portée sur la question. Alors qu’Alice ne se situe pas dans le groupe des " croyants-pratiquants ". Sans pour autant critiquer la religion, qui comme toute chose, a ses propres qualités et ses propres défauts, comme d’ailleurs les personnages qu’incarnent les acteurs dans le film.

Une première séquence dans le noir complet, juste avec des phares de voiture, et des chants religieux. Alice ne voulait absolument pas de lumière pour ce moment-là. Elle a réussi à me faire éteindre le 6 kW que j’avais fait allumer, à 30 mètres des personnages…, en réflexion sur des arbres au loin.
Que de l’épaule, tout au long du film. Même dans la voiture, sur des chemins caillouteux, « si ça bouge, ça bouge ».

Alice était très déterminée dans ses intentions d’images, une lumière un peu " crue " dans les scènes de catéchisme, plus " picturale " chez le prêtre, assez " osée " dans l’appartement de Martha, avec un salon éclairé uniquement par une ampoule dans un abat-jour en osier, qui striait tous les murs. Et sans rien rajouter d’autre, « c’est ce qu’on avait convenu Hélène n’est-ce pas ? » Alice parle bien français, et moi pas du tout italien.

Ses dates de tournage s’étant légèrement décalées au printemps dernier, je n’ai pas pu aller jusqu’à la fin, attendue " fermement " sur la 2e partie de tournage de Pina de Wim Wenders… Mon dernier jour en Calabre a été une rude épreuve pour elle et pour moi. Le comble du hasard était que nous tournions la scène de la gifle dans l’église, en plans longs, précis et délicats pour les personnages. Lorsque je suis montée dans le taxi, juste à la fin de la journée, nous avons tellement pleuré... Si le fait de pleurer est un signe de faiblesse, et bien nous l’avons entièrement assumé. Pourquoi devions-nous nous cacher ?
Son " lendemain " a été difficile, m’a-t-elle dit, mais cela ne se ressent pas du tout aux rushes. Le mien l’a été également, mais vite repris par la somme de travail qui m’attendait avec Pina. C’est Vittorio Omedei Zorini qui m’a remplacée.
Je suis allée la rejoindre par la suite à Rome pour visionner les rushes.
Le montage a été fait par Marco Spoletini, le monteur de Gomorra.
Puis, en décembre, l’étalonnage sur le Lustre, à Rome...

Et voilà Corpo celeste.
Le film est déjà sorti en Italie en septembre, Alice a reçu le prix du meilleur 1er film italien de l’année. Depuis la Quinzaine des réalisateurs, elle va de festival en festival, celui de Karlovy Vary, New York, Théssalonique, Chicago, Zurich, Londres, puis maintenant Sundance. Bravo Alice.
Et un grand merci à son producteur Carlo Cresto-Dina, ainsi qu’à JBA (Jacques Bidou et Marianne Dumoulin), sans qui le film ne se serait bien évidemment jamais fait…

Portfolio

Crew

Premier assistant opérateur : Emanuele Ranesi (Rome)
Chef électricien : Sven Meyer (Allemagne)

Technical

Pellicule : Kodak 7218
Laboratoire : Deluxe (Roma)