De(ux) retour(s) sur la 43e édition du Festival Manaki Brothers

Par Jean-Marie Dreujou, AFC, et Antoine Héberlé, AFC

Les directeurs de la photographie Jean-Marie Dreujou, AFC, et Antoine Héberlé, AFC, étaient présents au Festival International Manaki Brothers 2022, l’un comme président du jury longs et courts métrages et l’autre ayant été invité par Leitz à donner une Master Class. Ils rendent compte ici de leurs activités sur place et de leurs impressions en tant que festivaliers.

Manaki Brothers 2022, vu par Jean-Marie Dreujou, AFC
14 longs métrages et 12 courts métrages en compétition.
Trois récompenses pour les longs, Golden Camera 300, Silver Camera 300, Bronze Camera 300, et Small Camera 300 pour les courts.

Les Caméras 300 de bronze, d'argent et d'or - Photo Jean-Marie Dreujou
Les Caméras 300 de bronze, d’argent et d’or
Photo Jean-Marie Dreujou

Mon jury : Melisa Sözen (actrice), Maya Bogojević (journaliste), et deux de mes collègues (les statuts du festival demandent la participation de trois "cinematographers" dans le jury), Carlos R. Diazmunos et Samir Ljuma.
Un debriefing suivait chaque projection et nos discussions se poursuivaient tous les jours autour du déjeuner et du dîner.
Entre les projections, c’était aussi l’occasion d’échanger avec les collègues. Il y avait, entre autres, Anthony Dod Mantle, Daria D’Antonio, John Mathieson et Antoine Héberlé, qui ont chacun animé une Master Class.
Bref, une semaine intense et très enrichissante.

La statue de Milton Manaki (1882-1964) devant la façade du Centre culturel de Bitola - Photo Jean-Marie Dreujou
La statue de Milton Manaki (1882-1964) devant la façade du Centre culturel de Bitola
Photo Jean-Marie Dreujou

- Golden Camera 300 : Ruben Impens pour The Eight Mountains
- Silver Camera 300 : Daria D’Antonio pour The Hand of God
- Bronze Camera 300 : Hidetoshi Shinomiya pour Drive My Car
- Small Camera 300 : Shadi Chaaban pour Warsha.

Voir les commentaires des membres du jury dans l’article annonçant le palmarès [NDLR]

Petit retour sur ma présence à Bitola (Macédoine du Nord) pour la 43e édition du festival Manaki Brothers qui honore le travail des directeurs de la photographie, par Antoine Héberlé, AFC
Tout d’abord un grand merci à Tommaso Vergallo pour son invitation avec le soutien de Leitz et de l’Institut français de Skopje. À Bitola, j’ai découvert une ambiance tout à fait différente de celle de Camerimage, autre festival beaucoup plus médiatisé et également consacré à nos métiers d’image. Ici, pas de hall d’exposition pour l’industrie technique, la présence des sponsors se fait discrète et les 250 mètres qui séparent les deux salles de projection sont truffés de terrasses et de bars sympathiques où vont retrouverez au petit bonheur tout le petit monde rencontré au gré des projections, master classes et autres évènements. Une ambiance quasi familiale donc, et très chaleureuse. L’accueil est attentionné et prévenant avec Simeon Damevski, alias Moni, à la tête de toute une équipe jeune et enthousiaste.

Pour ma part, j’ai eu la chance de pouvoir montrer deux films bien différents, tant d’un point de vue formel que de la production :
- Grigris, long métrage réalisé par Mahmat Saleh Haroun. Petite production tournée entièrement au Tchad avec une équipe essentiellement non-professionnelle. Le film était en compétition officielle à Cannes en 2013
- "Hippocrate" la série, les deux premiers épisodes de la saison 2. Réalisée par Thomas Lilti, la série est évidemment produite avec un budget beaucoup plus important, et avec une équipe et des moyens conséquents.

Beaucoup de jeunes dans la salle lors de la Master Class. Après avoir évoqué mon parcours, j’ai pu exposer ma vision du métier et l’évolution de mon approche de ce métier depuis mes débuts. Nous avons évoqué également la préparation et l’importance qu’il y a à exiger du temps pour cette phase du travail. Peu de questions purement techniques, mais davantage sur les différentes manières de construire une collaboration en fonction des réalisatrices-réalisateurs et de leurs exigences particulières.

Lors de la Master Class Leitz donnée par Antoine Héberlé - Photo Festival Manaki Brothers
Lors de la Master Class Leitz donnée par Antoine Héberlé
Photo Festival Manaki Brothers

Au-delà de ma propre personne et de mon travail, nous avons pas mal échangé sur l’avenir de notre profession avec l’avènement des séries. C’est aussi une réflexion qui est apparue lors de ma visite chez Leitz à Wetzlar*, également avec de plus jeunes directrices ou directeurs de la photo. Après l’euphorie des débuts et une offre décuplée de propositions, beaucoup se plaignent aujourd’hui de la standardisation des projets et ce dès l’écriture.
L’attrait pour notre pays et sa production de nombreux longs métrages reste fort. On nous envie cet espace de plus grande liberté où construire des univers singuliers se fait sans pression extérieure.
J’ai bien dû modérer un peu cet enthousiasme, mais admettre aussi que mon expérience dans les séries s’est faite en toute liberté, sans contrainte du diffuseur (Canal +), aux côtés cependant de réalisateurs "costauds" prêts à défendre âprement leur choix (Thomas Lilti, Frédéric Jardin ou encore Stéphane Clavier, il y a déjà 15 ans).
Simeon Damevski, le pimpant directeur du festival, nous a généreusement organisé une virée au bord du lac d’Ohrid où le déjeuner s’est attardé jusque vers 18h... Ça a été l’occasion de discussions informelles et débridées avec tout un aréopage de directrices ou directeurs de la photo mais aussi des réalisateurs toutes générations confondues et venant des quatre coins de l’Europe.
Très agréable séjour donc, qui m’a donné l’occasion également de faire plus ample connaissance avec Jean-Marie Dreujou, président du Jury.

Un seul regret, que l’on ne communique pas davantage sur cette manifestation importante et incroyablement sympathique. La fréquentation - tant le public local que de l’étranger - n’est pas à la hauteur de l’énergie déployée par une petite équipe dont beaucoup de bénévoles. Un travail est a imaginer auprès des écoles européennes de cinéma pour permettre à davantage d’étudiants de venir. D’autant plus qu’une sélection de film d’écoles participe à la compétition.

* Lire l’article relatant la récente visite de quatre directeurs de la photo de l’AFC au Leitz Park, à Wetzlar. [NDLR]