Demonlover

d’Olivier Assayas, photographié par Denis Lenoir

par Denis Lenoir La Lettre AFC n°110

« Faux film de genre, Demonlover fait se télescoper deux mondes, celui de la haute-finance internationale et celui de la pornographie sur Internet. Les personnages y portent des accessoires de marque, prennent l’avion en première classe, trahissent et tuent sans scrupule. Cela finit évidemment très mal. J’y ai vu dès la lecture du scénario la plus radicale dénonciation de notre société capitaliste contemporaine en tant qu’elle réifie avec leur accord plus ou moins conscient ses servants (et servantes) mêmes. Terrifiant car c’est de nous aussi qu’il s’agit.
Plastiquement - peut-être parce que le film de genre détourné devient le plus bel espace de liberté - c’est je crois le film le plus achevé d’Olivier Assayas en ce sens que tous les choix, de cadre, de matière, de lumière, de montage, d’étalonnage - et je ne parle ici que du "visuel" il y a autant à dire sur le son et la musique - ont été faits consciemment et volontairement en relation les uns avec les autres, composant une sorte d’opéra moderne et noir (non par l’image qui elle est très claire). A la différence des six films faits précédemment ensemble nous avions préparé celui-ci très en détail et longtemps à l’avance, Olivier m’envoyant par E-mail des notes où il décrivait aussi clairement que possible le ton de chaque scène, moi, sparing partner, réclamant des explications, faisant écho, poussant plus loin, parfois freinant. Nos dialogues furent communiqués plus tard aux autres départements, cela permit à toute l’équipe d’avoir à travers cette "partition annotée" une idée très précise du film à faire.
Assez vite nous avons su que l’entrée du laboratoire LTC en coproduction nous permettrait de finir Demonlover numériquement. Du coup des tests furent filmés très tôt, pour choisir des pellicules, des styles d’image, des formats même puisque tourné en Super 35 mm (format 2,35) nous avons décidé de filmer toute la fin en Super 16 mm afin d’obtenir une matière différente.
Tourné à Paris pour l’essentiel mais aussi à Tokyo et au Mexique (tenant lieu de Texas) avec la merveilleuse Panavision Millenium XL, des objectifs Primo et Primo Classic (l’ensemble loué chez CinéCam - merci encore pour l’épatante veste imperméable, on me l’a beaucoup enviée cet hiver à Los Angeles !), pellicules Kodak 5277 et SO 663 (maintenant 5283) et légers WPM ou SFX pour le "monde de l’argent" et Kodak 5274 et 5289 sans diffusion ni 85 pour le "monde réel" et enfin 72-je-ne-sais plus quoi - 500 ISO - poussée d’un diaphragme pour le Texas. Du DVCam aussi, pour les sites Internet. Immense travail de Richard Deusy et David Vincent à l’étalonnage numérique et photochimique, sous les yeux successifs de Caroline Champetier et Eric Gautier quand je n’ai pu être présent - éternelle reconnaissance pour votre générosité et votre talent, tous deux immenses. »