Des Apaches

Nous avons commencé à travailler avec Nassim Amaouche par trois jours de lecture du scénario, il y avait également le décorateur et l’assistante mise en scène ; c’était environ deux mois et demi avant le tournage. Ces trois jours d’écoute, de "mise à niveau", de rencontre de l’autre, de son rythme, de sa diction, ont donné le ton à la suite des évènements.
Céline Bozon, à la caméra, et Nassim Amaouche, assis à son côté, sur le tournage de "Des Apaches" - DR
Céline Bozon, à la caméra, et Nassim Amaouche, assis à son côté, sur le tournage de "Des Apaches"
DR

Cette lecture fut très intense. Nassim avait une sorte de générosité débordante dans la transmission des idées directrices qui tenaient l’écriture du film et ses envies de mise en scène, de décors, d’atmosphères, de sensations, visuelles, sonores…
On parlait beaucoup de rythme, de montage, d’enchaînement entre les séquences, du tempo des acteurs. Nassim est un musicien dans l’âme, la rythmique d’Adieu Gary, son film précédent, ou celle des Des Apaches lui est très personnelle, très intime.
Nassim portait son film depuis tellement longtemps seul, qu’il avait un énorme besoin de transmettre, pour que la machine prenne une forme d’autonomie, que chacun ait des repères et puisse avancer presque "sans" lui.

Il avait aussi d’autant plus besoin de nous qu’il jouait dans son film, le rôle principal. Après la lecture, la deuxième étape décisive de notre travail commun fut de le regarder à travers une caméra. Nous avons fait des essais très tôt et ce fut une bonne intuition. Les places de chacun furent redéfinies à ce moment et nous avons tous essayé de trouver une présence juste au film, à lui. Pour moi, c’était un peu un truc d’équilibriste entre opérateur et autre chose, en tout les cas quelque chose de très animal, avec des antennes très ouvertes, à tout. Une forme de confiance s’est installée, nous savions où nous allions.

Nassim est pour moi du côté des metteurs en scène qui aiment la "machine" cinéma et ne sont pas effrayés par ses "outils" : les acteurs, l’équipe, la machinerie, la lumière, le son… Tout le réjouissait. Le plateau est pour lui un terrain d’expérience collective, de "jeu" et le film, une île à explorer, ensemble.
Pendant le tournage il avait mis en place un système très inédit (pour moi) où je parlais très régulièrement des rushes avec le monteur du film (Julien Lacheray) et la scripte (Mathilde Profit). Il est rare d’avoir un droit de parole aussi libre. Cette liberté a duré jusqu’au montage final où nous étions régulièrement conviés.

« Si la liberté (la vraie) est l’aptitude à se faire des amis, elle est aussi, forcément, la capacité de faire de vraies promesses. Quelles sortes de promesses des hommes et des femmes authentiquement libres pourraient-ils se faire entre eux ? Au point où nous en sommes, nous n’en avons pas la moindre idée. La question est plutôt de trouver comment arriver en un lieu qui nous permettra de le découvrir. Et le premier pas de ce voyage est d’admettre, qu’en règle générale, comme nul n’a le droit de nous dire ce que nous valons, nul n’a le droit de nous dire ce que nous devons. »
David Graeber, dans Dette : 5 000 ans d’histoire

Informations techniques :
Caméra F55. Je venais de faire Le Beau monde, de Julie Lopez-Curval avec et je trouvais le rendu des peaux très beau.
Zoom K35 (merci à TSF de l’avoir fait venir d’Angleterre, je crois)
J’avais montré à Nassim un plan de Tirez la langue mademoiselle, d’Axelle Ropert, dont j’avais vraiment aimé le rendu optique et qui me paraissait très juste pour Des Apaches comme il fallait circuler à travers des temporalités différentes et brouiller les pistes de l’époque du film, je trouvais cette optique assez idéale parce qu’elle diffusait beaucoup et rendait les contours du cadre très flous, elle était nette au centre et très diffuse sur les bords, très difficile à pointer... Merci Marion. Et Zeiss T1,3.


Extrait du dossier de presse du film Des Apaches où Nassim Amaouche parle de son travail avec Céline Bozon, AFC.

« On a beaucoup parlé tous les deux en préparation, notamment de la crainte que j’avais de passer de l’argentique au numérique… Pour moi, faire du cinéma était, jusque là, intimement lié à l’utilisation de ce support. Depuis, le numérique s’est imposé brutalement, avec des arguments s’appuyant sur une "perfection technique", entendez un plus grand réalisme…Or ce "réalisme" ne m’intéresse pas, pire il me rebute… Le cinéma ne fait plus confiance à ses outils parce qu’il n’a plus foi en sa capacité de créer l’émerveillement… Céline Bozon a très bien compris mon inquiétude… Je crois pouvoir dire sans la trahir qu’elle partage la même… Il a donc été facile de s’entendre tous les deux. »

Équipe

Assistante caméra : Marion Befve
Chef électricien : Sophie Lelou
Chef machiniste : Hervé Renoud-Lyat

Technique

Matériel caméra et lumière : TSF Caméra (Sony F55, optiques Zeiss GO, zoom Canon K35) – TSF Lumière
Laboratoire : M141
Etalonnage : Raphaëlle Dufosset