Des Iroquois sous le terrain de foot

Entretien avec Nicolas Bolduc, CSC, à propos de son travail sur "Hochelaga, Land of Souls", de François Girard, par François Reumont pour l’AFC

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Prenant la forme de plongées successives dans trois époques de la belle province, à l’occasion d’un chantier archéologique sous un terrain de foot, le film Hochelaga, Land of Souls (Hochelaga, terre des âmes), de François Girard, se veut comme une célébration lyrique de la naissance du Québec. Les images signées Nicolas Bolduc, CSC, forment une sorte de continuité dans un film dont la multiplicité des trames et personnages laisse le spectateur un peu perplexe... (FR)
Nicolas Bolduc fixing a light on "Hochelaga, Land of Souls"
Nicolas Bolduc fixing a light on "Hochelaga, Land of Souls"

Quelle a été votre approche sur ce film ?

Nicolas Bolduc : Ma démarche a toujours été de tenter de faire les choses simplement sur ce film. On voulait que le spectateur rentre de la manière la plus douce dans l’histoire, sans marquer les différences entre les différentes époques, en gardant même une sorte d’unité de découpage et de lumière. Par exemple, une grande majorité des plans a été tournée au Steadicam, en proposant une caméra perpétuellement en mouvement, même sur les séquences qui n’étaient pas des séquences d’action.

L’autre élément rassembleur, c’était ce décor de nature, où toutes les scènes du film sont plus ou moins censées se passer à travers les époques. La montagne – que Jacques Cartier baptise Montréal –, la forêt et la rivière. Deux mois de repérages ont été nécessaires au directeur artistique pour trouver le lieu, en l’occurrence à côté de Mirabel, au nord-ouest de Montréal. Une fois ce lieu choisi, il était évident pour nous que c’était un peu le fil conducteur qu’on cherchait. On a donc tourné beaucoup de choses autour de cette rivière, que ce soient les séquences d’ouverture et d’épilogue avec le prophète indien, la poursuite avec les patriotes, et d’autres scènes de forêt encore dans les différentes parties du film.

A scene of "Hochelaga, Land of Souls"
A scene of "Hochelaga, Land of Souls"

Et par rapport à la lumière ?

NB : Je voulais éclairer le moins possible le film. Ne pas donner un côté trop cinématographique à l’image... Certains extérieurs, comme l’arrivée de Jacques Cartier dans le camp indien, a été presque entièrement été tournée en lumière naturelle, en se calant sur les horaires très précis du soleil automnal. Pas mal de chance côté météo, quand on sait qu’à cette période de l’année, tout change extraordinairement vite au Québec. D’ailleurs, la séquence qui suit – quand le chef indien accueille les Français – devait à l’origine se tourner en extérieur jour. Mais un énorme orage nous a surpris le lendemain, et nous avons dû nous rabattre sur ce décor intérieur, finalement un peu plus étouffant et suffocant pour l’ambiance...
Sinon, il y a eu une volonté de rester neutre le plus souvent possible à l’image. En fait, seule la couleur rouge a été exploitée mais plutôt dans les costumes, comme une sorte de fil conducteur entre les différentes époques et les différents segments de l’histoire. On a, par exemple, les maillots de foot rouges, qui viennent en écho avec les tenues des soldats britanniques, et d’une certaine manière le costume de Jacques Cartier, un peu plus dans les rouges sang de bœuf.

Commet avez-vous abordé la séquence de l’effondrement du terrain ?

NB : Cette séquence était assez complexe à gérer. On a d’abord tourné les séquences du match dans le vrai stade, mais qui possède en réalité un gazon synthétique. Ensuite il a fallu recréer dans un lieu suffisamment grand (une tourbière) une partie de la pelouse du stade, avec le trou ainsi qu’un dispositif mécanique suffisamment grand et solide pour pouvoir supporter la dizaine de comédiens qui chutent au moment-clé. Le tout recomposé dans des pelures du vrai stade en plans larges.

Nicolas Bolduc on the shooting of "Hochelaga, Land of Souls"
Nicolas Bolduc on the shooting of "Hochelaga, Land of Souls"

La séquence de la maison Walker vous offre l’occasion de travailler en assez basse lumière...

NB : La base du décor était une vraie maison, entièrement décorée par François Seguin. Pour assurer le raccord lumière sur les quatre jours que nous ont pris cette scène à tourner, j’ai décidé de couvrir intégralement la maison avec des tentes à chaque fenêtre. En jouant uniquement avec les sources HMI extérieures, un petit peu de fumée intérieure, les bougies, et quelques panneaux LED SL1 à l’intérieur en réflexion pour déboucher tel ou tel endroit, ou ramener un peu de lumière sur les visages. Je trouve d’ailleurs ces panneaux de LEDs extrêmement pratiques car on dose très facilement la quantité et la qualité lumière.

Nicolas Bolduc and a DMG Lumière SL1
Nicolas Bolduc and a DMG Lumière SL1

Comment avez-vous tourné la séquence de poursuite dans la forêt ?

NB : Une fois trouvé le lieu, on a convenu qu’il serait très compliqué de tourner avec de la machinerie classique comme une grue, notamment pour les plans de poursuite. J’ai donc décidé d’essayer un système Cable Cam entre les arbres. En fait, j’ai été surpris par sa rapidité d’installation, qui nous permettait en à peine un quart d’heure d’être prêt à faire des plans sur une centaine de mètres, en travelling latéral, avant ou arrière. On a utilisé ce système vraiment très souvent pour tous ces mouvements en hauteur (en dehors du Steadicam), ce qui m’a permis également, au contraire des drones, de pouvoir conserver sur ces plans les optiques anamorphiques Hawk V-Lite et la caméra Alexa Mini, utilisées sur l’ensemble du tournage.

Pourquoi ce choix ?

NB : Ce sont des optiques anamorphiques dont j’aime bien les défauts ! Elles procurent une image un peu imprécise qui ne fait pas carte postale, surtout quand on les utilise à pleine ouverture, comme c’était le cas sur ce film...

(Propos recueillis par François Reumont pour l’AFC)


https://vimeo.com/242674206

Dans le portfolio ci-dessous, quelques scènes de Hochelaga, terre des âmes.