Disparition de Claudine Maugendre, "directrice photo"

La Lettre AFC n°274

Même s’il est plutôt rassurant, en un sens, de sentir que l’on n’est pas seul au monde, il est plus troublant, inversement, de constater que le nom d’un métier que l’on croyait unique est partagé par d’autres secteurs d’activité. C’est le cas de directeur de la photographie, comme le rappelle à notre mémoire la nouvelle du décès, le 1er mars 2017 à soixante-quinze ans, de Claudine Maugendre.

Comme ses fondateurs ont tenu à le préciser, l’AFC est l’association française des directeurs de la photographie cinématographique. Sans doute ont-ils voulu ainsi faire en sorte que les trois initiales AFC soient semblables à celles utilisées avant eux par d’autres sociétés ou associations amies, mais peut-être aussi faire involontairement le distinguo avec leurs cousins directeurs de la photographie que l’on serait tenté de qualifier, elle, de "photographique".
En effet, s’agissant du domaine de la presse, à l’intérieur de la rédaction d’un quotidien ou d’un magazine, la personne en charge du choix des images illustrant les articles – ou de faire appel à des photographes pour réaliser des reportages – est appelée directeur ou directrice de la photographie, plus couramment encore directeur ou directrice photo. Claudine Maugendre faisait partie de cette branche-là de la famille.

Claudine Maugendre et Jordi Socias, à sa droite, lors du jury du Word Press Photo, en 1988 - Photo Ruud Taal / Capital Photos
Claudine Maugendre et Jordi Socias, à sa droite, lors du jury du Word Press Photo, en 1988
Photo Ruud Taal / Capital Photos

Née le 18 mai 1941, elle entre en 1970 au magazine Actuel en tant que maquettiste, puis devient directrice de la photo. Dans un article du Monde du jeudi 16 mars, Claire Guillot explique qu’à ce poste, elle « va trouver ou inventer les images qui accompagneront le ton décalé du magazine, surtout après sa relance en 1979, qui le fait se distinguer par ses grands reportages et ses enquêtes fouillées. Claudine Maugendre, avec en tête les grands récits en images publiés par les magazines illustrés américains, va donner ainsi leur chance à nombre de photographes et bâtir la réputation du photojournalisme à la française. »
L’auteure de l’article cite le témoignage de Christophe Nick, qui fut responsable des enquêtes au magazine : « Elle était incroyablement douée pour choisir, parmi 300 images, la trentaine qui construiraient une histoire. […] Elle n’était ni dans les querelles ni dans les chapelles, elle passait de la mode à la guerre du Golfe sans aucun souci. Elle a ouvert les pages d’Actuel aux images de Nan Goldin. Et son œil était respecté aussi bien par Roger Thérond à Paris Match que par Christian Caujolle à Libération. »

Ainsi, poursuit-elle : « Pour fabriquer tous les reportages produits par le magazine, Claudine Maugendre innove. Elle ne dédaigne aucun genre, aucun style : la couleur et le noir et blanc, le Polaroid, le travail sur archives, la photo de studio, l’instantané et la mise en scène. Elle fait appel aux pointures du métier – elle demande à Robert Doisneau de retourner photographier la banlieue de sa jeunesse, engage Henri Cartier-Bresson et Sebastiao Salgado –, mais aussi guette les jeunes prometteurs, Alain Bizos, Yan Morvan, Denis Darzacq, Françoise Huguier ont ainsi des commandes du magazine. Le jeune collectif Tendance Floue va y faire ses armes. »

A noter trois noms, entre autres directeurs photo de presse
- Le Monde : Nicolas Jimenez
- Libération : Lionel Charrier (ENS Louis-Lumière, Photo 2000)
- L’Obs : Béatrice Tupin.

  • Voir leurs parcours et quelques-uns de leurs choix évoqués lors d’une émission de Brigitte Patient, le 8 janvier 2017, sur le site Internet de France Inter.