Du Gard à la Belgique, en passant par Paris et la région parisienne, chroniques de chefs opérateurs et autres cinéastes confinés
Nicolas Gaurin, AFC
On peut dire que j’ai eu la chance de vivre le confinement plutôt bien. Lorsque tout s’est arrêté, j’étais en train de travailler à la post-production d’une série que j’ai tourné l’année dernière. Ce fut un coup d’arrêt qui, je le savais, n’allait être que temporaire. J’ai finalement profité pleinement du temps accordé par ce confinement pour faire ce que je n’ai pas toujours le temps de faire, à savoir de la photographie, un retour à des envies plus personnelles et intimes en tenant un journal photographique.
Ce temps n’a pas été un temps complètement suspendu, le travail a continué à distance par des échanges d’images en post-production. Finalement le processus de travail a été ralenti, mais pas complètement stoppé. J’ai eu la chance de travailler sur un projet en cours de finalisation, dont le tournage avait eu lieu avant l’épidémie, ça n’aurait pas été la même chose si j’avais été dans la préparation d’un projet devant se tourner maintenant. [...]
De par mon métier de chef opérateur, je passe mon temps entre des périodes d’activité intense et des moments de calme, finalement pas si éloigné d’un confinement, avec la liberté de se mouvoir en plus. J’ai vu quelques films, mais moins que ce que j’avais imaginé. Finalement ce fut un temps de retraite et de flottement sans vraiment de programme abouti. Au début on se dit qu’on va pouvoir regarder des films, lire… Mais non, ça ne marche pas comme ça. C’est un temps à part, où on écoute le silence qui nous entoure, on regarde des parcelles du quotidien comme un explorateur découvrant une nouvelle planète, dans mon cas par le biais de la photographie. [...]
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Elin Kirschfink, AFC, SBC
J’ai bien conscience de cocher toutes les cases du "confinement privilégié"… En préparation d’un long métrage, j’ai bénéficié de deux semaines de chômage partiel et de l’indemnisation du régime d’intermittence par la suite. Je culpabiliserais de me plaindre, car j’ai en plus la chance d’habiter dans une maison de ville avec jardin et surtout, j’ai eu ma famille réunie sous le même toit pendant toute cette période.
Même si je mesure mon privilège, ça ne m’a pas évité d’être traversée par d’immenses doutes quasi existentiels, y compris sur l’utilité, le sens de mon travail, et même la fonction du cinéma en général. Cette crise mondiale inédite a mis en évidence, et accentué, tout le futile dans nos sociétés, mais aussi dans nos vies, individuellement. Le confinement a produit quelque chose dans ma perception du sens que j’ai pu accorder à certains de mes choix. Je veux croire que ce moment de doute et de latence va me permettre de restructurer certains aspects de ma vie, notamment professionnelle, et de clarifier mes vraies envies.
J’ai aussi hâte de me remettre dans une temporalité qui coule à la vitesse habituelle, et sortir de cette perception paradoxale du temps : cette période m’a paru interminable et en même temps chaque journée filait à toute vitesse… Tous les soirs je me disais “mince, où est passé le temps, comment se fait-il que j’aie accompli si peu ?” Du coup je suis heureuse de me remettre en mouvement, ce qui s’accompagne d’un regain d’énergie.
J’ai eu confirmation de la reprise du tournage dans un avenir proche. Étant quelqu’un de tactile, je travaille dans le cinéma (aussi) pour les liens humains très forts que cette forme de collaboration développe. Il m’arrive de poser la tête sur l’épaule de mon assistante ou serrer quelqu’un fort le matin… J’ai besoin de contacts vivants et j’ai du mal à imaginer mon travail dans la distanciation sociale. Mais, pour des raisons évidentes, nous allons nous adapter. [...]
- Lire la chronique d’Elin Kirschfink dans son entier sur le site des Fiches du cinéma.
Gilles Porte, AFC
Lorsque Les Fiches du Cinéma me contactent afin de savoir si j’accepte de témoigner dans cette parenthèse imposée, j’accepte, tout de suite… J’ai du temps ! Je suis dans le sud de la France, avec ma fille et un passager clandestin : son chat. Nous sommes tous les trois entre le pont du Gard et des asperges qui surgissent de terre… J’ai pris avec moi des masques en tissu que j‘avais achetés, en décembre, au Vietnam, lors d’une intervention dans une école de cinéma… J’avais été impressionné par ces bouts de tissus que portaient chaque conducteur de scooter donnant à la ville d’Hanoï un côté surréaliste…
(Une image insérée)
Tous les matins, au petit déjeuner, ma nièce, 9 ans, adresse des messages à sa mère, infectiologue à Toulouse dans un hôpital public. Les phrases chaleureuses de Ninon contrastent avec les chiffres terriblement froids qui nous recevons tous les soirs…
(Une image insérée)
Aujourd’hui les cerises valent 29 euros 95, rue du Poteau (Paris, 18e) quand elles viennent d’Espagne et les asperges 16 euros 80… Je suis bien rentré à Paris ! Dans la capitale, les cinémas donnent l’impression de garder un peu plus les films à l’affiche mais la date du mercredi 18 mars, sur les colonnes Morris, trahit l’anachronisme… Quelque chose semble figé…Plus que toute une profession, c’est tout un pan de la culture et du spectacle qui est à l’arrêt. Si le 80e anniversaire de l’appel du Général de Gaulle marquera encore cette année notre grande histoire de France, convenons que le 22 juin 2020 sera sans doute plus attendu par celles et ceux qui feront acte de résistance en ré-ouvrant des salles de cinéma, 4 jours après le 18 juin… Combien de salles resteront fermées ? Combien auront fait faillite ? Combien de spectateurs feront ils le choix de s’enfermer dans des salles plongées dans l’obscurité avec des inconnus dont chacun est susceptible d’être porteur du virus ? Quoiqu’il en soit, il n’y a aura pas eu de printemps pour le cinéma ! Et c’est sans doute encore pire pour le théâtre… Confiné dans un petit appartement du 18e arrondissement de la capitale, mon ami Oerd, dessinateur, a réalisé un court métrage d’animation magnifique… Il l’a appelé Winter. [...]
- Lire la chronique de Gilles Porte dans son entier sur le site des Fiches du cinéma.
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