Editorial de la Lettre de novembre 2018

Par Gilles Porte, président de l’AFC

by Gilles Porte AFC newsletter n°291

Au milieu des années cinquante, en Amérique latine, le cinéma se retrouve dans une situation très délicate, tandis qu’en Italie et en France, des cinéastes composent avec ce qu’ils ont – ou plutôt ce qu’ils n’ont pas – et mettent une caméra sur l’épaule tout en filmant à la lumière du jour.

Alors apparaît au Brésil le Cinema Novo (1) – mélange de néoréalisme italien et de Nouvelle Vague française – pour donner un nouveau souffle au cinéma de ce côté-là de l’Atlantique. Lorsqu’à la fin des années 1960, le Cinéma Novo est enfin reconnu par ses pairs internationaux au Festival de Cannes (2), une chape de plomb tombe sur le Brésil. Les cinéastes, comme les artistes en général, ont le choix entre réaliser des œuvres qui attirent les bonnes grâces du pouvoir en place, ou bien tenter de s’exprimer librement, mais en dehors du Brésil.
C’était il y a plus de 50 ans…

Aujourd’hui le Brésil vire à l’extrême droite...
En choisissant de mettre à la Une de la Lettre du mois de novembre un œil grand ouvert au dos d’une main qui occulte la partie droite d’un visage au regard fermé, l’AFC n’ignore pas ce qui se passe au Brésil et ailleurs, et s’associe officiellement à toutes celles et ceux qui s’engagent avec des images et des sons. Comment ne pas penser au cinéaste ukrainien Oleg Sentsov (3), qui peut mourir à chaque instant alors qu’il vient de se voir attribuer le prix Sakharov 2018 ?
Que la naissance de la 26e édition de Camerimage – l’un des plus grands festivals internationaux de la photographie de cinéma – ne corresponde pas à la disparition de certains cinéastes !
Et puisque nous, directeurs et directrices de la photographie de l’AFC, avons toujours pour vocation de mettre l’image au centre de nos préoccupations, sans jamais oublier ce qu’une image se doit d’évoquer, il a été décidé d’anticiper notre Micro Salon en imaginant deux journées de la postproduction, qui se tiendront mardi 29 et mercredi 30 janvier 2019, au Forum des images.
Conférences et projections nous donneront le loisir d’échanger sur une partie de notre travail, devenue au fil des années essentielle. Le thème en sera "L’image, de la préparation du tournage à la postproduction", avec pour volonté de s’adresser, lors de ces deux jours, à un nouveau public – postproduction, production, réalisation, diffusion – à une heure où il s’agit plus que jamais de rester mobilisés, y compris au sein de nos propres frontières hexagonales.

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(2) En 1967, le Bahianais Glauber Rocha décroche le Prix de la critique internationale à Cannes avec Terra em transe (Terre en transe), et le Prix de la mise en scène, en 1969, avec Antonio das mortes.
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