Edmond Richard, un chef opérateur avec qui j’ai beaucoup aimé travailler

Par Bruno Patin

AFC newsletter n°290

J’ai été attristé quand j’ai appris la disparition d’Edmond Richard. Si je l’avais su à temps, je serais allé à ses obsèques. C’est le chef opérateur avec qui j’ai le plus travaillé.

Ce fut mon premier grand challenge quand Olivier Chiavassa m’a confié, en 1992, deux films d’Henri Verneuil, Mayrig et 588 rue de Paradis. Edmond venait tous les jours au labo à 7 heures du matin étalonner avec moi les rushes sur analyseur, j’ouvrais la salle de projection pour qu’il puisse dormir en attendant le tirage, qui était prêt vers 9 heures. On regardait les rushes, ils étaient souvent bons car je pouvais enregistrer en mémoire des images de décors ; il partait au studio faire ses pré-lights à 10 heures, tournait de midi à sept heures et demi, et je présentais tous les soirs après le tournage mon travail à Verneuil, et ce pendant tout la période où ils étaient en studio.

Puis il y a eu les films de Jean-Pierre Mocky, j’ai travaillé dix ans avec eux deux, de 1995 à 2005, mémorable ! Je me souviens, sur le tournage près de Saint-Malo de Robin des mers, Jean-Pierre Mocky lance à la cantonade : « C’est dommage qu’on n’ait pas un nain pour sonner de l’olifant ! » - une sorte de cor de chasse. Et là, Edmond lui dit : « Pourquoi tu ne prendrais pas notre petit étalonneur ? ». Et Jean-Pierre Mocky me regarde et dit : « T’as raison, qu’on l’habille tout de suite ! ». Et c’est devenu une habitude, j’ai fait de la figuration sur ses films suivants.

Les étalonnages se faisaient le matin, les cinq bobines étaient étalonnées de 7 heures à midi, j’emmenais Edmond manger à Enghien pendant que mes stagiaires suivaient. Je pouvais ainsi présenter une copie 0 "étalonnée au point près", selon Edmond, dès 14 heures ! J’adorais quand il me disait : « Tu fais ma joie ! ».
J’adorais quand il me parlait de sa vie : sa rencontre avec Orson Welles dans une église en Yougoslavie où il a été engagé sur le champ sur le film Le Procès.

Autre anecdote drôle : un jour, il m’appelle et me dit qu’il allait tourner, une fois n’est pas coutume, un court métrage et m’invite sur le décors en me disant qu’il fallait que je m’en imprègne. Le lieu du tournage était une piscine
avec un bassin de 25 mètres sans eau mais avec cinquante filles nues ! Et là, je lui dis : « Eh bien, Edmond, vous êtes toujours sur les bons coups ! », déclenchant les rires sur le plateau.

La dernière fois que j’ai rencontré Edmond, ce fut à la Cinémathèque lors de la présentation de la restauration de La Traversée de Paris, un film important pour moi car c’était mon premier film en étalonnage numérique restauré. Et il me dit : « Regarde, c’est tout beau, c’est une copie neuve ! », et je lui ai répondu : « Non Edmond, c’est un élément numérique. » Ce fut notre dernier échange.

Voila quelques moments choisis, ce fut un chef opérateur avec qui j’ai beaucoup aimé travailler, et je crois que c’était réciproque.

Bruno Patin est étalonneur chez Eclair.