Emporté dans le tourbillon d’énergie d’Agnès Varda

Par Eric Gautier, AFC

par Eric Gautier La Lettre AFC n°297

J’ai rencontré Agnès Varda grâce à Patricia Mazuy, avec qui je venais de tourner Travolta et moi. Elle m’a proposé de tourner avec elle Les Cent et une nuits de Simon Cinéma. Avec tous ces acteurs magnifiques, de Michel Piccoli à Marcello Mastroiani, en passant par Sandrine Bonnaire et Alain Delon, Robert de Niro et Catherine Deneuve...
Sur le tournage des "Cent et une nuits de Simon Cinéma", en 1994 - Au 2<sup class="typo_exposants">e</sup> plan, Valentine Sentier-Devos, à gauche, la seconde assistante caméra et Didier Rouget
Sur le tournage des "Cent et une nuits de Simon Cinéma", en 1994
Au 2e plan, Valentine Sentier-Devos, à gauche, la seconde assistante caméra et Didier Rouget

Et je me suis trouvé emporté dans un tourbillon d’énergie, d’inventivité, d’imagination, de fantaisie. Une liberté joyeuse et créative. A l’image de sa mythique maison de la rue Daguerre, tout un dédale de souvenirs glanés pendant toute sa vie. Des documents, des objets, des photos, des costumes empilés dans un labyrinthe fascinant. Mais elle savait (presque) tout retrouver…
Elle avait un plaisir, tous les jours, de tourner ce film qu’elle réinventait sans cesse. On s’amusait beaucoup. Elle imaginait plus un collage, un divertissement, plutôt qu’un film classique sérieux. J’y ai appris de ne pas avoir peur de la liberté de créer. C’est la leçon que j’en ai retirée, et qui m’accompagne toujours : si le plan est intéressant, s’il a son charme ou provoque de la surprise, alors il faut le tourner, sans se soucier des raccords académiques. J’ai retrouvé le même état d’esprit quelques années plus tard avec Alain Resnais.

Elle faisait bien la cuisine. Elle était généreuse et m’a accueilli souvent dans des moments difficiles de ma vie. C’était réconfortant de parler du travail du deuil avec elle.
Elle avait son tempérament, têtue et pugnace. Elle obtenait toujours ce qu’elle voulait. Par exemple, l’emplacement de la tombe de Jacques Demy, au cimetière Montparnasse, sous un grand arbre, avec un banc juste en face pour se poser et se recueillir, apaisé. C’est là où elle demeure aujourd’hui.
Je l’ai revue régulièrement, je l’ai aidée à tourner des images pour ses installations (dont les magnifiques Veuves de Noirmoutier). Puis elle a continué à tourner toute seule ses images, grâce aux petites caméras numériques, comme elle avait commencé chez Jean Vilar avec son appareil photo…