En plein feu

Au milieu des Landes ravagées par un incendie géant, un père et son fils évacuent le lotissement qu’ils habitent. Sur la route embouteillée, le feu s’approche. La situation devient critique et c’est l’heure des confidences autour d’un drame familial passé. (VM)

A la lecture du scénario, il était difficile d’imaginer la mise en image de cet incendie géant, comment montrer une route embouteillée rattrapée par le feu.

Pour références, Quentin nous a montré des vidéos d’incendies de forêt géants en Californie. Notamment une, vue de l’intérieur d’une voiture. Les images sont très impressionnantes car on comprend que la moindre panne dans la traversée de cette forêt en feu serait fatale. L’épaisseur des nuages de fumée plonge dans la nuit ce décor apocalyptique. Lorsque la voiture sort enfin du brasier, on comprend qu’on est en plein jour.

Incendie en Californie en plein jour
Incendie en Californie en plein jour


Image de la video, Californie, incendie en plein jour
Image de la video, Californie, incendie en plein jour


Pour le film, l’idée était de montrer l’incendie principalement depuis l’intérieur de la voiture et de marquer la taille du phénomène par la plongée dans la nuit.

Il fallait pouvoir maîtriser cette bascule de lumière du jour vers la nuit, contrôler l’arrivée massive de fumée et filmer le vrai feu, au moins à proximité de la voiture.

Tourner en extérieur aurait nécessité des conditions météo, de vent et de lumière, tellement contraignantes que le pari devenait très risqué. D’autre part, les feux sont bien sûr interdits dans les Landes et la perspective de ne faire exister les flammes qu’en VFX me semblait hasardeuse, surtout avec un budget aussi serré. Le budget du film est d’environ 5 M€.

Tournage extérieur route forêt, la fumée précède le feu
Tournage extérieur route forêt, la fumée précède le feu


Rapidement nous avons évoqué la solution studio. C’est à dire reconstituer une portion de route suffisamment longue et ses bordures boisées.

L’arrivée du feu (VFX) et de la fumée (SFX/VFX) est tournée en décor naturel et lorsque la fumée atteint une densité suffisante, on bascule en studio. Le studio permet aussi de faire exister le vrai feu en toute sécurité.

Il se trouve qu’à Angoulème, région de notre tournage, une ancienne usine, qui a servi de studio au film The French Dispatch, offre une surface de 2 500 m2 sans pilier et sous une hauteur de plafond de 9 m.

Nous avons fait des tests de densité de fumée en studio à Paris pour voir à partir de quelle distance, le décor disparaissait. Nous avons ensuite validé le plan déco de Pascal Le Guellec et calculé le plan lumière.

Pour recréer la lumière du jour, nous avons suspendu au plafond 36 SkyPanels répartis tous les 6 m environ, ce qui est le minimum au regard de l’angle d’éclairage de chaque projecteur.

Studio Angoulème
Studio Angoulème


Grace à la fumée dense, la lumière devient uniforme et crée un effet jour tout à fait réaliste.
En dimmant cette lumière progressivement, nous avons créé cette bascule vers l’effet nuit.

Pour le feu, nous avons placé des rampes à gaz pour les vraies flammes et des SkyPanels S60 + Full CTO scintillants pour générer des effets lumière. Parfois volontairement dans le champ pour être remplacés ensuite par des flammes numériques. Le feu numérique ne fonctionne que si sa lumière émise existe à la prise de vue, surtout lorsqu’il éclaire de la fumée.

La solution studio a permis de privilégier la prise de vue réelle afin de limiter au maximum les interventions VFX. Leur coût est resté longtemps difficile à estimer et nous redoutions de ne pas avoir les moyens d’obtenir des effets de qualité.

En extérieur comme en studio, la pluie de cendres est également réelle, et ce n’était pas une mince affaire pour l’équipe SFX !


En studio, 2 SkyPanels partiellement cachés par l’arbre seront remplacés par des flammes numériques (image rushes)


La voiture roule en studio (image rushes)
La voiture roule en studio (image rushes)


Gros plan Simon, studio sur fond vert, pelure numérique (image du film)
Gros plan Simon, studio sur fond vert, pelure numérique (image du film)


Dans la deuxième partie du film, Simon (Alex Lutz) erre dans la forêt au bord de l’incendie. Nous avons tourné de nuit dans la forêt. Par chance, le vent soufflait à peine et la formidable équipe SFX Level 9 a enfumé la forêt sur quelques hectares. Quatre SkyPanels S360 + FULL CTO scintillants étaient placés à 150 m de la caméra et généraient les lueurs de l’incendie.

Plan large Simon, la forêt en feu au loin (image rushes)
Plan large Simon, la forêt en feu au loin (image rushes)


Travelling sur les pompiers qui courent vers la forêt en feu
Travelling sur les pompiers qui courent vers la forêt en feu


Mise en place avec Alex Lutz et Quentin Reynaud
Mise en place avec Alex Lutz et Quentin Reynaud


Plateau forêt nuit. Nacelle en place pour projeter les cendres
Plateau forêt nuit. Nacelle en place pour projeter les cendres


Lorsque Simon s’éloigne de l’incendie, le jour revient, baigné dans une fumée encore dense. Les scènes sont tournées en studio ou en décor extérieur forêt selon les plans.

Le choix du matériel :

La caméra :

J’apprécie le couple RED Monstro – Canon K35. Ce sont des optiques plutôt douces qui couvrent le 8K (40 mm x 17 mm) au format scope 2.40.

En fonction des plans et des focales, la caméra permet de choisir la taille utile du capteur entre 8K (FF) et 4,5K (S35).

Pour les longues focales, j’ai utilisé le zoom Angénieux Optimo 24-290 mm f:2,8 en 5,5K car il couvre légèrement plus que le Super 35.

C’est une liberté et une économie de ne pas être contraint d’utiliser que des optiques plein format avec la même caméra.
D’autre part, tourner en 8K permet les recadrages en postproduction ou les stabilisations tout en garantissant une définition 4K au final. Cela a permis également aux VFX d’aller chercher des éléments dans nos images pour leur fabrication.

La taille du corps DSMC2 Monstro permet aussi des configurations très compactes et légères.

La machinerie :

J’utilise souvent l’Aerocrane. J’opère le bras et le cadre pendant que le chef machiniste déplace la base sur rail de travelling. Cela permet des plans en mouvement dans les trois dimensions, très stables et de trouver rapidement des places précises et ajustées aux positions des comédiens.

La lumière :

A part les décors intérieurs jour qui sont éclairés avec des projecteurs HMI placés dehors, toutes les autres sources sont des projecteurs LED.
Au début du film, les effets éclairs sont générés par un SkyPanel Arri S360 monté sur une nacelle. Très pratiques et puissants, ces projecteurs ont aussi servis pour les plans larges dans la forêt de nuit. Avec une programmation sur pupitre pour générer à une vitesse maitrisée des fluctuations d’intensité et de température de couleur, rien de mieux pour produire ces effets feux.
D’autre part, le déploiement des câbles électriques sur des centaines de mètres est largement simplifié grâce aux faibles ampérages nécessaires.
En studio, en plus des 36 SkyPanels suspendus au plafond, une dizaine d’autres étaient au sol pour les effets feux, également pilotés par le pupitreur.

L’étalonnage :

Sur ce film, l’étalonnage est progressif depuis le début du film jusqu’au moment où les personnages sont rattrapés par le feu.
Dès le départ, on doit suggérer la chaleur et la sècheresse sans trop jouer les couleurs chaudes. Plus on avance sur la route plus l’image baigne dans une sorte de monochromie jaune orangée due aux nuages de fumée qui envahissent progressivement l’atmosphère. Encore une fois nous nous sommes inspirés des images des feux californiens comme celle-ci.


Lorsque le feu arrive, ses teintes orangées prennent naturellement le relai de cette ambiance très dorée.
Pour la fin du film, l’étalonnage bascule à inverse, peut-être un retour à la vie…

Pour l’anecdote, nous avons tourné ce film l’été 2021.
L’histoire se déroule sur moins de 24 heures. La date choisie à l’intérieur de la voiture était le 22 juillet 2022. Il s’est avéré que cette date fut une des pires de l’incendie des Landes, l’été 2022.

  • Bande annonce officielle :

    https://youtu.be/fsAPXjpApQI

En plein feu
Réalisé par Quentin Reynaud
Avec André Dussolier et Alex Lutz
22h22 Productions : Léonard Glowinski
Directeur de production : Vincent Lefeuvre
Décors : Pascal Le Guellec
Musique : Delphine Malaussena
Son : Stéphane Gessat
Montage : Jean-Baptiste Beaudoin.

Crew

Premier assistant opérateur : Matthieu Normand
Seconde assistante opératrice : Adèle Maurin
Chef électricien : Cafer Ilhan
Chef machiniste : Dominique Lomet
Opérateur Steadicam : Loïc Andrieu
Etalonnage : Gilles Granier
Laboratoire : Le Labo Paris
VFX : CGEV, Jérémie Leroux
SFX : Equipe Level 9 - Jacques Decort, Sefian Benssalem
Cascades : Stéphane Boulay.

Technical

Matériel caméra : RVZ (RED Monstro DSMC2 et Ranger, optiques Canon K35 TLS et zoom Angénieux Optimo 24-290 mm)
Matériel lumière : Transpalux
Matériel machinerie : TSF Dgrip - Tête Maximus : Olivier Leblanc
Studio Lagora, Angoulême.

synopsis

Alors qu’un incendie de forêt ravage la région depuis des semaines, Simon (41 ans) et son père Joseph (74 ans) doivent quitter leur maison et prennent la route suite aux alertes d’évacuation. Mais le vent se lève, rendant le feu impossible à contrôler. Prisonniers de leur véhicule et seuls dans une forêt transformée en brasier géant, Simon et Joseph réussiront-ils à s’en sortir ?