En tongs au pied de l’Himalaya

Ce film, réalisé par John Waxx, est une tragicomédie qui met en lumière le parcours compliqué d’une mère et de son enfant autiste. Le scénario est co-écrit avec Marie-Odile Weiss qui avait porté sur scène sa propre histoire, celle du film. Ce dernier met en lumière de façon très réaliste et juste les difficultés que rencontrent les familles des plus de 700 000 autistes en France. John Waxx a amené une part de comédie au projet, une manière de rendre plus accessible ces problématiques, d’alléger ces situations sans pour autant en effacer la gravité.

Audrey Lamy était la comédienne idéale pour interpréter ce rôle, en duo avec Eden Lopez, jeune acteur au talent exceptionnel.
Rien de spectaculaire dans ce film au budget très serré. John souhaitait une image très réaliste, mais soignée.
Le choix des décors a suivi cette direction, notamment l’appartement dans lequel se déroule une bonne partie du film. Nous avons trouvé ce décor à la fois petit, un peu décati au premier étage d’un petit immeuble modeste.
La disposition des fenêtres et qui donnaient sur une grande cour praticable a facilité le tournage. En disposant sur une nacelle ciseau 2 projecteurs de 9 kW (M90 ARRI) nous avons pu créer des ambiances soleil assez réalistes avec des incidences différentes en fonction de l’heure à laquelle se déroule la scène.
Une grande "casquette", 2 cadres de 6m x 3m placés au dessus des fenêtres nous ont permis de se protéger du vrai soleil, les fenêtres étant orientées plein sud.
Pour adoucir le contraste, se décaler légèrement d’une réalité crue, nous avons souvent diffusé dans le décor de la fumée type crack oil (machine à brouillard). Nous avons également utilisé une série Black Promist, 1/8 ou 1/4 sur tout le film.
Le choix des Canon K35 était également motivé par ce désir d’une image assez douce, pas trop piquée.
Pour le choix de la caméra, j’avais besoin d’une caméra à la fois très performante sur la restitution des carnations et légère. Je souhaitais également travailler en plein format. Pour ces mêmes raisons, j’avais déjà choisi la RED Monstro à de nombreuses reprises.

Ce corps compact permet une configuration très légère. Avec 2 poignées sur les côtés, la caméra se tient à la main. (7kg)

Comme à chaque sortie d’une nouvelle caméra, j’ai testé le nouveau modèle RED Raptor en comparaison. J’ai eu l’occasion de voir ces essais dans deux laboratoires différents, sur BaseLight.
Je n’ai pas retrouvé, avec la Raptor, la richesse des teintes en générales et celles des carnations en particulier que l’on obtient avec la Monstro.

Je suis donc reparti avec cette caméra qui commence à dater mais qui offre encore des possibilités que les autres marques ne proposent pas :
- Le choix en un click de la taille utile du capteur de 8K à 2K par palier de 0,5K en 0,5K (confo cadre automatique en post prod). Le 8K permet aussi de garantir encore le 4K sur une image 4 fois plus petite.
- L’écran dédié à la caméra, grand et léger avec l’histogramme de l’image RAW toujours visible et qui permet l’accès rapide à tous les réglages.

Pour revenir au film, à son image, nous avons opté pour un workflow simple. Nous avons tourné et étalonné des essais avec les comédiens. Julien Bodart (laboratoire Color) m’a proposé quelques looks et nous en avons choisi un qui respecte parfaitement l’équilibre des teintes entre elles et restitue de façon sensuelle les carnations.
Nous avons utilisé un look en "Log to Log" (pas une LUT) dans l’espace colorimétrique Filmlight. Nous avons travaillé vers une simplification et un agencement des couleurs héritées de la pellicule, mais plus léger en couleur, en contraste et en saturation.
Selon nous, une version plus contemporaine d’une image argentique, plus douce. 

(Inutile de regarder la bande annonce du film sur le Web, l’étalonnage n’est pas conforme aux éléments livrés pour son montage. La maîtrise des workflows n’est malheureusement pas à la portée de tous.)

Sur le tournage nous avons simplement appliqué le réglage REC709 RED.
Les rushes n’étaient pas étalonnés pour des raisons économiques, le look était simplement appliqué au laboratoire de façon automatique.

Comme je le fais sur tous les films pendant leur montage, j’ai monté une bande courte d’environ 100 plans de 10 secondes, sélectionnés pour représenter toutes les ambiances du film et dans l’ordre.
Une journée d’étalonnage avec Julien a suffit pour trouver l’harmonie de l’ensemble.

Cela permet de donner au réalisateur une idée précise du rendu final de l’image du film et de partir sur des bases très sûres lorsque la période d’étalonnage commence.

Cette méthode permet aussi de pouvoir sortir des plans pré-étalonnés à la demande des VFX.

Sur cette question des VFX, un seul plan truqué a nécessité une attention particulière. Pendant une visite au zoo, le groupe d’enfants se retrouve devant un bassin vitré, celui des hippopotames.
Nous avons tourné la pelure au zoo de Beauval et le groupe scolaire en extérieur sur fond vert à Paris. Le raccord de la hauteur, de la focale, de la distance, de la lumière et de la direction des regards a permis de réaliser ce plan aisément.

Ce film intimiste s’est donc tourné en décors naturels. Maamar, chef décorateur a pu intervenir sur les teintes des décors principaux.
Concernant le bar-restaurant où travaille Pauline, et tous les décors de nuit, la lumière est principalement émise par les lampes et autres sources lumineuses qui font partie du décor. Cela implique naturellement une collaboration très étroite entre la déco, les électriciens et moi-même.
De jour, la lumière est toujours installée dehors. Par conséquent, de nuit ou de jour, très peu de sources se trouvent dans le décor. Cette méthode permet de travailler vite, les changements d’axes sont facilités. C’est autant de temps offert à la mise en scène, aux comédiens et à la recherche des plans.
La caméra est souvent en mouvement, autant que possible lorsque la scène s’y prête. Caméra portée à la main ou en machinerie selon l’énergie recherchée.

Ce tournage fut une belle aventure collective, dirigée avec finesse par John.
Du début du tournage à la fin de la post production, il a su rester proches de ses personnages et de leur trajectoire, éviter les artifices qui détournent l’attention et l’adhésion des spectateurs. Un film sincère, simple et souvent émouvant.

Équipe

Première assistante opératrice : Clotilde Mignon
Chef électricien : Cafer Ilhan
Chef machiniste : Dominique Lomet
Opérateur Steadyam : Loic Andrieu
Cadreur seconde caméra : Etienne Saldes
Etalonnage : Julien Bodart

Technique

Matériel caméra : Transpacam (RED Monstro et série Canon K35)
Matériel lumière : Transpalux
Matériel machinerie : TSF Grip
Laboratoire : Digital Color
VFX : Digital District

synopsis

Pauline est la maman d’Andréa, 6 ans et demi, un petit garçon formidable à qui on a diagnostiqué un TSA : un "trouble du spectre autistique". Il n’est pas vraiment au niveau mais il est toujours scolarisé et s’apprête à faire sa rentrée en grande section de maternelle. Pour Pauline, sans revenus fixes et récemment séparée de Fabrice, le père d’Andréa, tout semble concourir à faire de sa vie une succession d’échecs. Or pour Andréa, c’est une année cruciale qui va déterminer s’il peut ou non rester scolarisé et obtenir ainsi une meilleure chance de voir son état s’améliorer. Mais pour cela, Andréa a besoin de stabilité et pour Pauline, la lui apporter, c’est un peu (beaucoup) gravir l’Himalaya en tongs…