Entretien avec Christopher Doyle

à propos du film " Hero " de Zhang Yimou

La Lettre AFC n°143

Wong Kar-wai et Christopher Doyle

Christopher Doyle  : Zhang Yimou est directeur de la photo ; il a un sens visuel très fort. J’ai fait beaucoup de films dans lesquels on évitait la couleur rouge et c’était un choix délibéré ; jusqu’à In the Mood for Love, il n’y a pas de rouge dans les films de Wong Kar-wai. Pour les Chinois, la couleur rouge a une signification très spéciale. Elle exprime la joie. C’est la couleur des mariages, des temples... en quelque sorte c’est la plus belle couleur... et c’est de surcroît une couleur bénéfique, avec beaucoup de références dans la culture chinoise. C’est pourquoi nous l’avons évitée auparavant.

Mais, pour Hero, nous désirions utiliser toutes ces références culturelles. Le point de départ, c’est la couleur. C’est une histoire dans le genre de Rashomon. Avec la couleur en prime. La plus facile était le rouge, le rouge de la passion. Nous n’étions pas sûrs des autres couleurs, et il s’agissait du voyage, fondé en particulier sur des décors naturels. Soixante pour cent du film ont été tournés en extérieurs et on ne peut pas changer, par exemple la couleur d’un lac. Nous savions que le lac et la forêt avec des feuilles jaunes étaient très importants. Alors, nous avons cherché les décors et à partir de ceux-ci nous avons retravaillé le scénario, au lieu d’imposer une couleur à un décor en particulier. Je crois que cette démarche transparaît également dans Last Life in the Universe.

La maison, c’est vraiment un personnage dans le film. Quand nous avons trouvé cette maison, j’ai insisté pour la choisir parce qu’elle avait une telle présence que j’ai pensé que, grâce à elle, le film serait trois fois meilleur. Dans Hero, nous avons choisi les couleurs suivant les décors naturels. Le plus compliqué fut celui du flash back dans le palais de l’empereur quand on essaye de l’assassiner. Nous manquions pratiquement de couleurs, mais nous ne voulions pas utiliser le rose, par exemple ! Notre choix fut la couleur verte, la seule avec laquelle nous nous sommes sentis à l’aise. Je savais par expérience que Fuji a un rendu du vert intéressant et nous avons suivi ce chemin.

Vittorio Storaro dit que le vert est la couleur de la connaissance. Ce n’est pas si simple que le disent Storaro et d’autres gens. Ce n’est pas un exercice théorique, c’est un exercice pratique. Dire aux enfants ce que dit Storaro, c’est vraiment de la désinformation. C’est dangereux et ça embrouille les gens et leur fait penser qu’un film est un exercice théorique. En tant que directeur de la photographie, vous travaillez tout le temps avec le temps qu’il fait, les émotions des gens, les problèmes techniques. Le style vient des contingences d’un film et il est très important que les jeunes cinéastes le comprennent.

Reverse Shot : Comme pour les plans en noir et blanc de Fallen Angels. Ils sont dus à un problème...

Christopher Doyle  : Nous avons eu un problème avec la pellicule. Elle était périmée. Nous ne pouvions pas retourner... alors, bien sûr les couleurs étaient voilées. Nous nous sommes dit : « Peut-être cela peut-il signifier quelque chose, alors choisissons quelques autres passages du film » et c’est ce que nous avons fait. A cause d’un défaut, une structure particulière est due à la pellicule et vous pouvez écrire un doctorat de philosophie à ce propos si vous voulez. Ce qui est arrivé, c’est que nous en avons fait un procédé, et nous avons tourné les parties les plus importantes de chaque scène en noir et blanc. Mais c’était une solution à un problème, pas un concept d’origine. Nous nous sommes approprié le défaut et nous en sommes servi. C’est une manière de travailler plus intuitive, plus ouverte, ou, peut-être, plus asiatique.

Les internautes peuvent lire l’entretien complet - en anglais - de Christopher Doyle sur le site
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