Entretien avec Mike Hibarger à propos des nouvelles optiques Panavision Primo 70

Tradition & Innovation à Woodland Hills

La Lettre AFC n°248

Profitant du rendez-vous international à Bydgoszcz, Panavision lève le voile sur sa nouvelle série d’optiques couvrant le format 65 mm destinée, entre autres, à sa future caméra numérique grand format. Nous faisons le point avec l’un des responsables de son développement, Mike Hibarger.
Mike Hibarger, département Optiques à Panavision Woodland Hills - Photo F Reumont
Mike Hibarger, département Optiques à Panavision Woodland Hills
Photo F Reumont

Parlez-nous de cette nouvelle série d’optiques 70 mm…

Mike Hibarger : C’est une série sur laquelle on travaillait depuis quelques années. Et qui était testée tranquillement sur plusieurs tournages avant l’annonce officielle de son lancement.
On y a intégré le fruit de toutes nos recherches récentes, notamment les systèmes anti-pompage qui réduisent les variations de taille de l’image lors de la mise au point, et la construction asphérique qui permet de réduire l’encombrement et améliorer les performances optiques pures. Et puis on propose aussi deux zooms, ce qui est vraiment unique.

Pourquoi ne pas avoir attendu le lancement de votre nouvelle caméra 70 mm numérique qui doit leur être dédié ?

MH : Certes, notre projet de caméra numérique 70 mm n’est pas encore prêt, mais on préférait déjà se mettre à fabriquer des optiques en prévision de sa sortie, car on sait que pour chaque corps de caméra fabriqué, il faut au moins dix objectifs. Connaissant les délais de fabrication des lentilles et des différents éléments qui rentrent en jeu dans la fabrication, je pense que ce n’est pas un non-sens de se constituer un stock d’objectifs avant que les caméras n’arrivent.
En outre, l’annonce de la sortie de l’Alexa 65 mm nous conforte dans notre opinion et dans nos choix industriels. Le futur sera, je pense, rempli de projets voulant exploiter la qualité et la structure d’image propre au grand format. Et du point de vue optiques, Panavision répond d’ores et déjà présent.

Comment avez-vous pu faire pour tester ces optiques, vu que vous n’avez pas de caméra ?

MH : Il existe d’autres caméras sur le marché qui nous ont permis d’avancer sur l’aspect prise de vues in situ (comme la Red Dragon par exemple). On a dû aussi adapter nos outils, et notamment s’équiper de machines MTF capables de mesurer les caractéristiques de ces nouvelles optiques.
Parallèlement, nous avons construit des projecteurs collimateurs au format 65 mm qui équipent déjà nos locaux à Hollywood, et à Londres et qui, peu à peu, vont faire des petits vers les autres agences Panavision à travers le monde. Il est capital pour la marque que chaque agence soit capable de bénéficier de tous les mêmes outils pour entretenir, vérifier et proposer les séries dans un état identique.

On constate une certaine uniformisation avec la prise de vues numérique. Du coup, beaucoup d’opérateurs cherchent leur voie à travers l’utilisation d’objectifs anciens, ou carrément en filtrant avec des éléments altérant l’optique. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

MH : De ce point de vue, on a par exemple lancé l’année passée une série " Vintage " qui propose un " look " un peu rétro , notamment pour les caméras numériques. Étant moi-même dans ce métier depuis plus de 20 ans, j’ai vu évoluer les modes et les goûts, et je pense que c’est souvent une sorte de cycle, comme la 3D qui est partie, revenue, et repartie ! Avec 60 ans d’ancienneté, Panavision peut facilement offrir une gamme d’optiques très large, de la série C à la série G en anamorphique, ou les Ultra-Speed des années 1970 qui en ce moment sont en tournage en permanence.

Mais ces optiques sont-elles vraiment adaptées à la prise de vues numérique ?

MH : On sait désormais que le film et le capteur numérique ne réagissent pas de la même manière vis-à-vis de l’optique. En anamorphique, c’est particulièrement critique. La série G par exemple était faite pour le film et puis on l’a mise au standard du numérique...
A la fois certains opérateurs aiment les défauts, comme le vignettage ou le pompage par exemple, d’autres n’en veulent pas... Une seule chose est certaine, les flares bleus horizontaux restent une valeur sûre ! C’est sans doute pour cette raison que les séries C sont aussi demandées actuellement. Quoiqu’il arrive, notre rôle est vraiment de nous adapter à chaque projet, et de proposer l’outil idéal au chef opérateur.

En parlant d’adaptation, et de fonds de tiroir, on a appris récemment que le nouveau film de Quentin Tarrantino allait se tourner en 65 mm...

MH : Effectivement, pour The Hateful Eight, il est venu nous voir avec Robert Richardson pour étudier une solution tournage en 65 mm argentique. Bien sûr, la nouvelle série 70 n’est pas adaptée au film, ce n’est donc pas celle qu’on leur a proposée. De toute façon, Quentin est un défenseur acharné de la pellicule (et collectionneur de copies film qu’il se projette régulièrement dans sa salle de cinéma personnelle).
Il s’est donc mis dans l’idée de tourner avec les optiques d’époque utilisée sur Ben Hur, soit des Ultra Panavison qui utilisait la pellicule 65 mm, avec une anamorphose pour atteindre un rapport de 2,2. C’est sur cette base que les tests sont en train d’être faits et que l’équipe de Dan Sasaki – le directeur optique de Panavision – travaille d’arrache-pied pour nettoyer, vérifier et remettre en état ces antiquités pour le tournage qui devrait démarrer d’ici quelques semaines...

(Propos recueillis à Camerimage par François Reumont pour l’AFC)