Entretien avec Vittorio Storaro, AIC, ASC, à propos de sa conception de son métier, sa carrière et ses projecteurs "Muses of Light"

"Zeus et ses neuf filles", par François Reumont pour l’AFC

par Dimatec Contre-Champ AFC n°336


Faisant équipe depuis 2015 avec Woody Allen, Vittorio Storaro est actuellement en tournage à Paris. Annoncé comme un retour au thriller (dans la veine de Crimes et délits ou Match Point, les deux perles noires de sa longue filmographie, ce film est annoncé comme l’ultime réalisation du cinéaste New Yorkais. Vittorio Storaro, AIC, ASC, revient avec nous sur sa carrière mythique, sur sa définition du rôle d’"Auteur de la cinématographie" (et non pas de directeur de la photographie) ainsi que sur les "Muses of Light", sa série exclusive de projecteurs LED développés avec De Sisti et baptisés des noms des neuf filles de Zeus. Une gamme distribuée en France par Dimatec et Stéphane Samama, avec qui nous l’avons rencontré. (FR)

Comment choisissez-vous vos films ?

Vittorio Storaro : Selon moi, il ne doit pas y avoir de différences entre le professionnel et la personne que vous êtes. C’est pour cette raison que je place à chaque fois mon cœur, mes envies et mon trajet personnel au même niveau que celui des projets qu’on me propose. Quel que soit votre métier, vos rêves, votre vie, votre situation personnelle doivent être quelque part en symbiose avec ce que vous faites. C’est pour cette raison que, dès les débuts de ma carrière, j’ai toujours pris grand soin d’étudier chaque projet, et d’accepter – ou pas – parce que je me sentais vraiment sur la même longueur d’onde que le réalisateur. Par exemple sur Apocalypse Now, où Francis Ford Coppola est venu me chercher pour filmer cette histoire se déroulant en pleine guerre du Vietnam, un sujet et un contexte qui me semblaient pourtant très éloignés de ce que je venais de faire auparavant. En effet, que ce soit avec Le Conformiste ou Le Dernier tango, je sortais de films plutôt intimistes avec des touches de pénombre, et de dégradés... pas du tout un film de guerre ! J’étais très surpris qu’il me propose le film, surtout après avoir fait Le Parrain 1 et 2 avec Gordon Willis qui étaient des films splendides. Et pourtant, à la lecture du script, c’est au fur et à mesure de nos discussions au téléphone que j’ai soudain perçu la vraie nature du film. Je me souviens parfaitement l’entendre me dire : « Mais Vittorio, ce n’est pas un film de guerre, c’est un film sur la civilisation ! » Et de me parler du lien profond avec Au cœur des ténèbres, le livre de Joseph Conrad qu’il m’a demandé de lire aussitôt. Après, je lui ai soumis mon idée de faire s’affronter à l’écran la lumière artificielle et la lumière naturelle, symbolisant l’affrontement entre la puissance américaine et celle du pays colonisé. Une tragédie tournée en CinémaScope aux antipodes, par exemple, d’une image documentaire, avec un côté universel qui me semblait juste pour ce film. Je me sentais parfaitement dans cette même direction, cette même dynamique qui nous a permis par la suite de franchir les très nombreux obstacles qui se sont présentés à nous. C’est parce que je me suis identifié au projet, en tant qu’être humain, que j’ai décidé de faire ce film. Et c’est ce que j’ai fait sur chaque nouveau projet.

Vittorio Storaro pendant l'entretien - Photo Hypergonar
Vittorio Storaro pendant l’entretien
Photo Hypergonar

Et la fin du film avec Marlon Brando dans la pénombre, c’était très audacieux tout de même !

VS : En fait j’’avais déjà tourné quelques séquences très contrastées dans Le Conformiste, notamment celle du mythe de la grotte en référence à Platon. Cette idée m’était venue en regardant le travail du Caravage. Aussi bizarre que cela puisse paraitre, durant mes neuf années d’études supérieures de photographie et de cinématographie, personne ne m’avait parlé de lui durant tout ce temps. Pourtant, c’est pour moi le premier auteur de la cinématographie de l’histoire !
Quand vous regardez La Vocation de saint Matthieu, c’est un tableau fondateur pour moi. Après l’avoir vu, ça a tout déclenché. Faim de culture, de savoir, de films, de livres, de peintures, d’écouter de la musique... Et puis Francis Ford Coppola avait vu Le Conformiste dans un festival à New York. C’était grâce à cette projection qu’il m’a appelé pour faire Apocalypse Now.

Et un exemple de film que vous avez refusé ?

VS : Quand Francis Ford Coppola m’a proposé Coup de cœur, en 1979, son idée de départ était de tourner le film en vidéo (avec des changements de décor très ambitieux). La technologie de l’époque lui faisant envisager d’utiliser une des premières caméra vidéo analogique, en s’inspirant du Mystère Oberwald que Michelangelo Antonioni avait tourné peu avant avec Luciano Tovoli, lui aussi en vidéo et en couleur pour la télévision italienne.
Mais là, j’avoue que je n’étais pas du tout convaincu par cette idée. En effet, Coup de cœur n’était pas destiné à la TV, mais bel et bien à la salle... Et les quelques tentatives de transfert depuis la vidéo sur une copie 35 mm (faites pour Antonioni) n’étaient à cette époque encore pas du tout au point. J’ai dit à Francis que je ne ferais pas le film... Et puis face à son insistance, j’ai accepté à condition de le tourner en pellicule – dans une combinaison mixte – avec des retours vidéo en noir et blanc pour pouvoir juger d’un premier résultat en direct. C’est sans doute à ce prix que le film est ce qu’il est actuellement, les éléments master vidéo auraient probablement trop souffert du passage des années pour être désormais recopiés correctement en numérique... Quoi qu’il en soit, si on passe ces détails techniques, vous devez vous souvenir que ce film était un modèle pour le nouveau cinéma. Un projet nécessitant plusieurs étapes très minutieuses de préparation, depuis les premières discussions entre Francis Ford Coppola, Dean Tavoularis, le chef décorateur, et moi-même pour aboutir à une prévisualisation complète du film sur story-board, devenant la base de tout le travail à venir accompagné des lectures du script par les comédiens et la musique originale de Tom Waits. Ensuite on a procédé à des répétitions filmées en vidéo avec une petite caméra noir et blanc de l’époque, agrémentée d’une bande son déjà avancée et montée. La 3e étape a été de tourner cette fois-ci dans les décors montés, avec les costumes presque terminés, le pré-light fait, entièrement contrôlé sur console ! Et la musique quasi définitive. Cette nouvelle répétition étant cette fois-ci complète et tournée en vidéo couleur, comme une vraie première prise "technique". Après la projection de cet élément monté, Francis, Dean et moi-même étions à même de décider ce qui était bon ou ce qui demandait encore un peu d’améliorations. Enfin, vint le tournage avec trois caméras 35 mm, dans l’ordre chronologique parfait, réalisé en quelques semaines. En utilisant la théorie des couleurs pour souligner les personnages, chacun ayant selon son caractère une certaine gamme de couleurs.

Parlons de votre nouvelle gamme de projecteurs que vous avez mis au point...

VS : C’est après le tournage du film Le Messager de Dieu, en 2014, avec le réalisateur iranien Majid Majidi, que je me suis aperçu du bouleversement complet du matériel vers lequel on allait. Ce film était un projet très ambitieux, avec plus d’un an de préparation, et autant de prises de vues. Un tournage en Iran sous des amplitudes thermiques extrêmes (+50 à -25° C), ce qui m’avait poussé à tourner en film (pour plus de fiabilité sur les caméras). Un film pour lequel on a, par exemple, reconstruit une bonne partie de la ville de La Mecque et Medina. Je me souviens que j’avais alors trois groupes électrogènes de 300 kW sur ce décor de nuit, ce qui me semble désormais complètement fou. Au retour de ce film, j’ai eu une longue discussion avec ma fille Francesca, qui est architecte et qui devait recomposer l’éclairage du Forum impérial de Rome. En découvrant à son contact la grande variété de sources LED désormais utilisées pour l’architecture, j’ai soudain réalisé qu’avec l’abandon de l’argentique – Technicolor venait de fermer, tout comme Kodak Rome –, le film étant remplacé par l’électronique, il me semblait donc logique que la même révolution s’applique aussi à la lumière. Prenant compte de la grande sensibilité offerte par ces nouveaux outils, je me suis dit qu’on se devait désormais de marier ces deux mondes. Et c’est ce que nous avons décidé de faire en mettant au point une série de projecteurs, les "Muses of Light".
Pour moi, c’était crucial de développer un concept profond sur cette nouvelle ligne d’outils, pas juste reprendre les anciennes sources et remplacer les ampoules par des LEDs. En partant de la forme comme élément de départ, de la source la plus ponctuelle baptisée Calliope (qui prend comme modèle l’arc automatique des années 1960) pour aller vers la source la plus grande, un cercle de 1,6 m de diamètre, l’Aurea. Entre les deux, huit modèles dont la forme et la taille sont directement inspirées des travaux de Luca Pacioli, un mathématicien de la renaissance (De Divina Proporzione) qui a influencé notamment Léonard de Vinci dans la composition de La Cène. C’est en travaillant avec Carlos Saura, sur plusieurs films ayant des liens profonds avec la danse, la musique ou la peinture, que je me suis senti attiré par les muses, ces personnages mythologiques à la base de l’inspiration.
J’ai donc étudié ces muses, qui étaient conçues autour de trois arts par Platon, pour ensuite évoluer à neuf arts par le poète grec Hésiode. Mon but étant d’associer chaque forme géométrique à un art et sa spécificité. Il en résulte une famille de neuf projecteurs : Calliope (le point) – Melpomene (le triangle) – Tersicore (le carré) – Clio (le rectangle) – Polymnia (le pentagone) - Erato (l’hexagone) – Euterpe (l’octagone) – Talia (le décagone), Urania (le demi-cercle) - Aurea (le cercle). Ce dernier étant pour moi celui représentant le cinéma, l’art qui me semble se nourrir de tous les autres.
Ces projecteurs sont réellement fantastiques. Je n’utilise désormais plus qu’eux sur mes films, comme en ce moment avec Woody Allen. L’équipe française les découvre pour la plupart, et j’ai d’excellents retour notamment de la part de mon gaffer Greg Fromentin, qui est devenu très enthousiaste – même si je le sentais un peu inquiet en préparation.
Je me souviens très bien de lui me demander en préparation : « Mais, Vittorio, vous êtes sûr de ne vouloir prendre que ces projecteurs ? » et de moi lui répondre un « OUI » catégorique !
La qualité spectrale me convient parfaitement, et, comme ils sont réglables de 2 700 à 6 500° K, je peux les utiliser à peu près dans n’importe quelle situation. Associé à la sensibilité actuelle des capteurs numériques, j’obtiens une grande liberté sur les plateaux. Telles mises en place qui auraient demandé plusieurs heures de pré-light sont maintenant très simples. On se branche presque tout le temps sur le circuit électrique des décors réels, où on emploie des groupes très légers, voire même des solutions autonomes sur batteries.
Pour vous faire un bref résumé de leurs avantages : très économiques en termes de ratio puissance/luminosité, réglables de 2 700 à 6 500° K avec un parfait rendu des blancs, durée de vie des LEDs bien supérieure à la génération précédente, dimmer flicker free intégré, contrôlable jusqu’à 50 m de la tête, et fonctionnant sur tous les voltages partout dans le monde.

Vittorio Storaro en tournage avec, en arrière-plan, deux de ses "Muses of Light" - Photo Francesca Storaro
Vittorio Storaro en tournage avec, en arrière-plan, deux de ses "Muses of Light"
Photo Francesca Storaro
Vittorio Storaro et ses "Muses of Light" - Photo Francesca Storaro
Vittorio Storaro et ses "Muses of Light"
Photo Francesca Storaro

Pourquoi avoir choisi des sources bicolores alors que l’immense majorité du marché est passé au RVB ?

VS : Avec Francesca, on a choisi de rester sur des LEDs bicolores car on trouve que les projecteurs utilisant des éléments multichromatiques RVB et autres n’atteignent pas la qualité que j’attends dans les blancs. Quand j’ai besoin d’une couleur particulière, en dehors des variations de TC, j’utilise alors des gélatines comme auparavant.

Qu’avez-vous fait durant la pandémie ?

VS : J’ai comme tout le monde eu beaucoup de temps libre ! J’en ai profité pour me replonger dans les souvenirs et écrire un livre sur ma longue collaboration avec Bernardo Bertolucci. Parallèlement, j’ai entrepris de restaurer les neuf films que nous avons tournés ensemble depuis La Stratégie de l’araignée, en 1970, jusqu’à Little Buddha, en 1993. Avec les avancées du numérique, j’ai essayé de retrouver la vision originale du film – telle qu’elle a été conçue avec le réalisateur, proposant toute la gamme de couleurs et de contrastes entre les hautes et les basses lumières.
C’est bien sûr très important pour moi de préserver ce patrimoine cinématographique, même si je me suis aperçu avec stupéfaction qu’aucun de ces films n’avaient été réellement sérieusement conservés. J’entends via la méthode de séparation trichrome, qui consiste à extraire trois éléments argentiques noir et blanc depuis le négatif couleur d’origine, et ceci afin de garantir un maintien optimal des couleurs et des versions numériques les plus fidèles selon l’état de la technologie. C’est quand même incompréhensible que personne en Europe n’ait recours à cette technologie, alors qu’elle est utilisée aux USA par les studios. Heureusement, grâce à la renommée de ces films, de l’aide de Kodak et de l’argent du ministère de la Culture italien, j’ai pu faire effectuer cette opération en 1996, et je milite depuis pour sa généralisation. Les neuf films ayant été ainsi transférés, et je peux maintenant travailler à Cinecittà en partant de ces éléments trichromes pour effectuer des transferts 4K 16 bits pour une version HDR HD. Une fois chaque film traité, on le transfert sur le DOTS de Rob Hummel (Group 47) assurant une conservation de ce transfert numérique à coût et espace réduits pour de nombreuses années.

Il y a une grande différence quand on transfert le film en numérique ?

VS : C’est incomparable. Vous savez sur Le Conformiste, par exemple, on ne peut plus utiliser le négatif d’origine. En partant des trois éléments noir et blanc (RVB), on peut retrouver beaucoup plus de nuances de couleurs, surtout dans les ombres.

Pensez-vous, à l’heure des plateformes, que le spectacle en salle soit condamné ?

VS : Je ne suis pas sûr que regarder le film en salle soit si crucial aujourd’hui. Après tout, depuis les premières peintures rupestres, puis la gravure, la peinture sur bois, sur toile..., il y a eu tellement d’évolutions techniques dans la représentation de l’art que finalement c’est toujours lui qui reste au centre des débats. En un mot, seule la technique change, mais pas les idées. Regarder maintenant un film sur sa tablette ou chez soi sur sa dalle LCD, c’est tout de même regarder le film. Et puis les cinéastes auront toujours besoin de raconter des histoires ! Certes, l’émotion de la salle avec l’inconscient collectif est irremplaçable, mais force est de constater que les téléphones portables ont énormément changé la relation que les gens – et pas que les jeunes ! – ont à l’image. Il faut s’y résoudre, c’est une question d’éducation... L’accès aux images, à la culture, aux connaissances est presque instantané désormais, C’est juste que ça demande encore plus de pugnacité, de motivation et de temps pour dépasser les simples résumés qui sont proposés partout et extraire l’or que vous recherchez...

C’est le progrès ?

VS : Le progrès ne peut être stoppé. Accéléré ou ralenti, à la rigueur...
Ce qui est certain, c’est que le progrès ne vient pas d’une société refermée sur elle-même.
Comme sur un film, c’est la collaboration, l’ouverture aux autres, qui fait évoluer le monde. Regardez, au musée de Saint-Petersbourg, il y a une collection d’icônes depuis le 9e siècle jusqu’au 17e qui semblent presque toutes aussi belles l’une que l’autre… L’art de cette longue période semble comme figé, sans aucune évolution. Ce n’est qu’après le règne de Pierre le Grand (fin 17e siècle) que les choses changent. Tout simplement par ce qu’il ouvre la Russie sur le reste du monde et qu’il se nourrit des influences hollandaises, anglaises, françaises et italiennes... Pour moi, c’est l’illustration parfaite de cette collaboration. Il ramène de ses voyages des idées, des savoir-faire qui transforment littéralement l’art et l’architecture de son pays et le fait passer à un stade supérieur.

Un film en salle dont vous vous souviendrez toute votre vie ?

VS : 2001, de Kubrick. Bien sûr, c’est un concept. Il y a le 70 mm, l’ampleur du projet, les images mythiques et la musique... Mais au-delà de tout ça, c’est parce que c’est une histoire qui me touche profondément. Je repense alors au concept du philosophe Giordano Bruno et de la place de l’homme dans l’univers. « On ne vit pas dans un seul univers, mais dans une infinité d’univers », disait-il. C’est aussi toute la relation entre l’humain et le divin.

Et un film que vous avez tourné ?

VS : Mon premier film en noir et blanc, Giovinezza giovinezza, de Franco Rossi, en 1968. Vous savez, tourner son premier film, c’est un peu comme faire l’amour la première fois. Vous vous en souvenez toute votre vie...

Questions à Greg Fromentin, gaffer

C’est la première fois que vous travaillez avec Vittorio Storaro...

Greg Fromentin : Je suis un grand admirateur de Vitorio Storaro depuis mon adolescence. J’ai bien sûr en tête Apocalypse Now, Le Dernier empereur ou Dick Tracy, que je me souviens très bien avoir vu quand j’étais encore adolescent. Quand on m’a appelé pour ce film, j’étais très excité à l’idée de faire un film dans son équipe, et de pouvoir le voir travailler. C’est presque pour moi comme participer à une Master Class très longue... tout en étant payé pour le faire !

Il nous a confié n’utiliser que ses Muses of Light … est-ce vrai ?

GF : Sa liste lumière est effectivement très restreinte, en tout et pour tout 22 projecteurs, soit deux séries de ses Muses of Light louées chez Transpalux. Rien d’autre, pas même une mandarine ou une blonde ! C’est la première fois de ma carrière que je travaille avec une liste si réduite sur un long métrage, et qui plus est d’un grand réalisateur américain ! Personnellement, j’avais déjà pu me familiariser il y a quelques mois avec l’Aurea, le plus grande source de la série sur Murder Mystery 2, une production Netflix mise en image par Bojan Bazelli. Ce dernier avait insisté pour utiliser cet outil, et j’ai pu constater la qualité de rendu, surtout en 3 200, des LEDs. Mais depuis que le tournage de Woody Allen a commencé, je dois dire que c’est surtout la source la plus ponctuelle (le Calliope) qui m’a impressionné, c’est vraiment très difficile de faire la différence avec un projecteur tungstène, tant en qualité qu’en plage d’éclairage. Les ombres sont très belles, et Vittorio sait parfaitement les utiliser dans un style qu’il affectionne.

Et les autres projecteurs de la série ?

GF : Les projecteurs flood peuvent paraître un peu moins pertinents (comparé à ce que l’on a déjà avec les SkyPanels ou les Rosco DMG), mais la série focalisée (Calliope, Melpomene, Tersicore, Clio, Aurea) offre une vraie différence avec le reste du matériel actuel. Ce sont des sources extrêmement agréables à travailler, où aucun accessoire supplémentaire n’est nécessaire (nid d’abeilles, drapeaux, même parfois diffusion...). Vittorio Storaro aime d’ailleurs les utiliser chacun à nu, pour leur angle d’éclairage tels qu’ils ont été pensés. C’est merveilleux de le voir construire sa lumière, car il explique tout ce qu’il fait... On se sent vraiment au cœur même du cinéma avec lui.

Ils semblent pourtant un peu encombrants à l’heure des Asteras, non ?

GF : Certes ils sont lourds, et très chers à l’achat... mais ils offrent quelque chose qui me semble unique actuellement sur le marché, si on veut bien faire plus attention au rendu des couleurs. L’autre chose qui est assez dingue, c’est qu’on tourne le film avec rarement plus que 10 kW sur le plateau. C’est à dire que la plupart du temps, je me branche uniquement sur deux multiprises ! Comme nous avons noués des liens assez proches avec Vittorio sur le plateau, il m’a proposé de venir à Rome à l’issue du film pour faire un bilan avec l’équipe de De Sisti. Leur faire part de mes remarques, pour faire évoluer les sources.

(Propos recueillis par François Reumont pour l’AFC)