Entretien avec la directrice de la photographie Hélène Louvart, AFC, à propos du film "Copacabana" de Marc Fitoussi

En sélection de la Semaine de la Critique 2010

by Hélène Louvart

Hélène Louvart a photographié les films de Sandrine Veysset, Marc Recha, Dominique Cabrera, Christian Vincent (entre autres !) et tout récemment le dernier film de Wim Wenders.
Marc Fitoussi signe avec Copacabana son deuxième long métrage. Après avoir été scénariste pour la télévision, il réalise des courts métrages puis un premier long métrage en 2006 La Vie d’artiste avec Sandrine Kiberlain, Denis Podalydès et Emilie Dequenne.
Copacabana réunit, pour la première fois à l’écran, Isabelle Huppert et sa fille Lolita Chammah et, pour une première collaboration, Marc Fitoussi et Hélène Louvart.

Copacabana, c’est un titre qui nous fait rêver, mais vous n’y avez pas du tout tourné !

Hélène Louvart : Non, pas du tout. Dans le film, la ville Copacabana fait " rêver " une femme qui s’appelle Babou, qui est quelqu’un qui a beaucoup voyagé et qui souhaite encore voyager, au Brésil notamment. C’est Isabelle Huppert qui interprète ce personnage. Le tournage a eu lieu dans deux régions du Nord (à Roubaix, au Touquet, à Amiens) et à Ostende, en Belgique. Le plan de travail ne pouvait donc pas respecter la continuité du scénario.
Nous avons beaucoup préparé le tournage avec Marc, afin de raccorder les différentes villes selon les séquences, Babou habitant au départ dans la région de Lille, puis elle trouve un travail à Ostende. Marc voulait faire de Copacabana un film enlevé, dynamique, où les acteurs puissent se sentir à l’aise sur le plateau. Pour donner l’impression que le tournage était le plus " fluide " possible, il a fallu préparer un maximum en amont.

Hélène Louvart, Isabelle Huppert et Marc Fitoussi
Hélène Louvart, Isabelle Huppert et Marc Fitoussi

Le parti pris de lumière a été très affirmé dès le départ, tu peux nous dire comment tu as travaillé pour le concrétiser.

HL : La première fois que j’ai rencontré Marc, nous avons tout de suite parlé de faire, pour Copacabana, une lumière qui puisse mettre en valeur les personnages, notamment Isabelle, et qu’elle puisse se sentir à l’aise pour interpréter le personnage. Il fallait qu’elle puisse avoir une entière confiance en Marc et en moi, techniquement parlant – nous avions, elle et moi, déjà travaillé ensemble sur le film de Christophe Honoré Ma mère.
Qui dit lumière douce pour moi, dit une lumière toujours en indirect, réfléchie par des surfaces blanches (polys ou Dépron), ainsi que des sources installées sur la caméra et hyper diffusées. Et avec un maximum de blanc hors champ pour que la lumière puisse " circuler " le plus possible.
Michel Barthélémy, le chef décorateur, s’est arrangé pour que les murs ne soient pas trop clairs et pour éviter les brillances. Dans tous les espaces sur lesquels il pouvait intervenir, il a donc assombri et matifié les murs, pour que cette lumière soit bien pour les visages, mais n’aplatisse pas les fonds.

En extérieur, c’est moins évident de contrôler la douceur…

HL : Contre toute attente, nous avons eu un très beau temps (en mars) alors que nous nous attendions à une grisaille typique des régions du Nord, principalement à Ostende, où Marc voulait s’éloigner de l’aspect touristique de la ville. Le soleil étant très présent, il a fallu faire avec, essayer au maximum de mettre les personnages dans l’ombre, et si cela n’était pas possible, nous sortions les toiles et les cadres de diffusion…

Tu as choisi de concrétiser ce concept avec la lumière et non pas, par exemple, en optant pour une pellicule plus douce...

HL : J’avais choisi la Kodak 5219 car pour moi une 500 ISO était la pellicule adéquate en partant avec cette idée d’un temps plutôt gris. Et nous avions fait des essais en préparation avec cette pellicule, donc je n’avais pas envie de changer en cours de tournage, malgré la présence du beau temps.
J’ai à nouveau souvent utilisé le développement grain fin 1 diaph, afin de diminuer un peu le contraste. Je n’avais encore pas utilisé la 5219, je m’étais habituée à la 5218, qui est assez douce et j’ai bien remarqué que la 5219 était beaucoup plus contraste. En même temps, elle donne de vrais noirs, ce qui est bien pour ce style d’image.

Pour terminer, un mot sur la manière de filmer, sur un découpage particulier...

HL : Nous avons filmé très simplement et le mieux possible l’histoire que Marc voulait raconter, en laissant aux personnages une certaine liberté de déplacement (d’où ce principe de lumière…etc., etc.). Le découpage est sans artifice, je pourrais dire " le plus naturel possible ".

(Propos recueillis par Brigitte Barbier pour l’AFC)