Estherka

Bouleversersante, hilarante, exaspérante, Esther Gorintin devient actrice à 85 ans, après avoir traversé le douloureux XXe siècle, de sa Pologne natale à la rue de Rivoli. Mi-Croisette, mi-Brioche dorée avec un soupçon de Ted Lapidus et une certaine addiction au sac plastique, Estherka est la formidable héroïne de cette comédie documentaire, portrait d’une femme au soir de sa vie et d’une actrice à l’aube de sa carrière.

J’étais assistant opérateur quand sont apparues les premières caméras DV. En 1998, je décidais de m’en acheter une avec l’idée de faire le portrait de quelques amis de mes grands-parents qui, comme eux, avaient traversé le XXe siècle entre l’Europe centrale et la France, entre le yiddish et le français. Ces personnages me fascinaient par leur vitalité incroyable, et je voulais d’abord garder une trace de cette génération qui allait disparaître.
Parmi eux, Esther Gorintin a été contactée pour jouer dans le film Voyages, d’Emmanuel Finkiel, qui recherchait des acteurs non professionnels. Esther m’a alors demandé conseil, puisque j’étais son lien le plus proche avec le monde du cinéma qu’elle ne connaissait pas. Lorsqu’elle a été choisie pour jouer dans la partie en Israël, la production m’a demandé de l’accompagner : je me suis retrouvé à jouer le rôle de coach pour cette femme de 85 ans qui n’avait jamais vu un tournage, jamais appris un texte. Je l’ai vue se consacrer totalement à ce travail, et devenir en quelques jours une épatante comédienne, tout en gardant son apparente naïveté.

Voyages a été très remarqué, Esther aussi, elle a continué à jouer dans des films, j’ai continué à la filmer comme j’ai continué à l’aider dans son histoire de cinéma.
L’histoire du film s’est donc écrite avec la vie qui avançait. Je suis devenu directeur de la photo, ma compagne est devenue chef monteuse.
Nous avons commencé à monter, à la maison, je savais qu’il y avait matière à un vrai film mais n’ai pas pu le terminer du vivant d’Esther. Nous l’avons donc terminé il y a deux ans, au rythme d’un film autoproduit sur quatorze ans.
Le filmage est plutôt brut, j’ai filmé seul, sans lumière et sans pied parce qu’entre deux plans je donnais souvent le bras à Esther.
Au delà de l’incroyable carrière de cette " jeune comédienne " qui débuta à 85 ans, c’est l’histoire de toute une vie qui m’intéressait, raison pour laquelle j’avais commencé à filmer Esther avant qu’elle ne fasse du cinéma. Son parcours à travers le siècle, sa mémoire, son rapport assez unique au monde qui l’entoure et sa relation si particulière avec son fils Armand.

Ensuite j’ai désiré montrer la gloire et les paillettes de son nouveau statut de comédienne chouchoutée des médias, mais aussi ses périodes d’attente, ses déceptions, tous ces moments plus durs de la vie d’une actrice. J’ai voulu aussi raconter la vieillesse en marche, le temps qui passe, mais en sortant des lignes du portrait flatteur que l’on se croit obligé de faire d’une " personne âgée forcément adorable " : montrer aussi ses contradictions, ses angoisses, sa mauvaise foi et les rapports de force que cela induisait avec les autres, y compris moi-même.

Le film sort au cinéma Le Balzac, les dimanche à 11h " en présence du réalisateur ", à partir du 21 septembre.

Portfolio

Équipe

Montage : Saskia Berthod
Montage son et mixage : Sébastien Savine
Etalonnage : Christine Szymkowiak