Festival "Il Cinema Ritrovato"

par Ronald Boullet, responsable des restaurations aux Laboratoires Eclair

AFC newsletter n°168

Cette 21e édition du festival " Il Cinema Ritrovato " qui s’est tenue du 30 juin au 7 juillet derniers nous a proposé, en collaboration avec la plupart des cinémathèques européennes, des principaux distributeurs spécialisés et de certains acteurs privés (ayant droits, laboratoires…), un ensemble de films hétéroclites rassemblés sous différents thèmes.

Bologne, berceau de l’université européenne, est déjà, par son architecture aux arcades omniprésentes, une invitation à plonger plus avant dans la fraîcheur des salles obscures.
Outre le plaisir immédiat de la découverte ou redécouverte des films, chaque programmation était présentée par un spécialiste en la matière :
- Mariann Lewinsky, historienne de cinéma, pour les films centenaires (1907)
- La FIAF et les laboratoires de l’" Imagine ritrovata " pour un " workshop " technique sur la restauration de film
- Sandra Marti et Eric Leroy des Archives du Film pour l’hommage à Sacha Guitry
- Cecilia Cenciarelli de la Cinémathèque de Bologne pour les programmes attenants à Chaplin
- Peter von Bagh, critique finlandais, pour une sélection de copies en vrai Scope
- Karola Gramann pour l’hommage à Asta Nielsen
- Gian Luca Farinelli, directeur, et Guy Borlée de la Cinémathèque de Bologne pour la sélection toutes époques confondues de films retrouvés et/ou restaurés.

Vous l’aurez compris, il était difficile pour un seul homme de tout voir, voici donc mon parcours.
Les films colorisés de l’année 1907 étaient très variés.
Ce type de film me donne toujours l’impression curieuse et merveilleuse de voir une photo ou une carte postale colorisée prendre vie sous les coups de pinceaux ou les pochoirs d’époque.
Certains de ces films restent à redécouvrir dans la mesure où, pour des raisons techniques, les tirages de sécurité couleurs n’ont commencé à se faire qu’à partir des années 1980.

La version restaurée de Faces de Cassavetes à été présentée avec beaucoup d’émotion par un de ses acteurs, Ben Gazzara. Ce type de restauration nous pose la question de ces nombreux films tournés en 16 ou S16 qui nous sont arrivés à ce jour sans tirages intermédiaires. La fragilité de ces formats, une fois montés, nous rappelle une chose essentielle.
Conserver les films, c’est aussi conserver les techniques de reproductions de la pellicule, car, ce que l’on voit, ce sont les copies.
Une restauration numérique 4K du Dr Strangelove… de Kubrick a été projetée sur la splendide Piazza Maggiore, à deux pas de la sensuelle fontaine de Neptune.

D’après Grover Crisp (Sony Colombia), cette filière sur un film en N&B a été motivée par la perte du négatif. Le scan d’un internégatif à cette résolution a permis de venir travailler sur le piqué et la granulation du film tout en se rapprochant le plus possible du négatif.
Le résultat ressemble étonnement à ce que l’on appel une " copie prestige " (tirée directement du négatif).
Lors de son intervention sur la restauration numérique, Paul Read nous a montré des comparatifs de filières HD et 2K sur le film Casanova (1955) tout en rappelant les limites de la restauration photochimique, en l’occurrence sur les images dont les couleurs ont viré, sur les images manquantes, les pertes de définition des tirages antérieurs à l’apparition du grain fin, mais aussi le problème de retranscription des hautes lumières après séparation des couches en trichromie.

Pour revenir à des contrées plus proches, Sacha Guitry était à l’honneur avec la projection de rushes de certains de ses films et une jolie copie, après reconstruction, du film Les Deux colombes qui, malgré certains problème de moisissures, n’en demeure pas moins une superbe comédie en huis clos. Pour les amateurs, une rétrospective aura lieu à la Cinémathèque française en octobre prochain.
Les projections, au Théâtre Communal (avec orchestre), des Temps modernes, de La Ruée vers l’or et des Lumières de la ville de Chaplin étaient déjà complètes. La prochaine fois, je réserverai avant de faire mes valises !

L'orchestre du Théâtre communal de Bologne - pendant la projection des <i>Temps modernes</i> de Chaplin<br class='manualbr' />(Photo Giancarlo Donatini)
L’orchestre du Théâtre communal de Bologne
pendant la projection des Temps modernes de Chaplin
(Photo Giancarlo Donatini)

La Cinémathèque de Bologne, qui s’occupe du catalogage et de la restauration de l’ensemble de l’œuvre de Chaplin, nous démontre une fois de plus que la concentration sur un seul site de l’ensemble d’une œuvre permet une cohérence des actions de sauvegarde et de diffusion de grande qualité.
Les cinémathèques européennes font un travail admirable de conservation et de restauration traditionnelle et se mettent progressivement à la restauration numérique. Nos amis Suédois et Hollandais sont loin d’être à la traîne en la matière.

Pour ma part et pour finir, je pense que l’implication des auteurs, des acteurs privés et publics dans des dynamiques intelligentes et respectueuses permettra très bientôt de pouvoir voir ou revoir certains films oubliés dans les meilleures conditions sur petit mais surtout sur grand écran.