Frédérique Bredin : "La réforme du crédit d’impôt international va renforcer la place de la France"

"La présidente du CNC dessine sa feuille de route", par Martin Dale

La Lettre AFC n°251

Variety, 28 janvier 2015
Frédérique Bredin est présidente du CNC depuis 2013. Auparavant, elle a été directrice générale de Lagardère Active, rédactrice en chef du Journal du Dimanche, ministre de la jeunesse et des Sports de 1991 à 1993 et secrétaire nationale du Parti Socialiste, chargée de la Culture et de la Communication, entre 1995 et 2000. Le CNC organise le soutien au cinéma français, dont le programme TRIP de crédit d’impôt pour les productions internationales, qui a été profondément amélioré en décembre 2014. Dans cette interview, elle explique à Variety ses objectifs clé pour le futur proche.
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En renforçant le TRIP (Crédit d‘impôt international), qui est désormais un incitatif fiscal fort et concurrentiel – notamment vis à vis du Royaume-Uni – la France entend bien attirer les blockbusters américains avec des budgets de l’ordre de 100 M€ ou plus. Quel est votre évaluation sur le fonctionnement du crédit d’impôt en 2014 (et les perspectives pour 2015), pour les grands productions internationales ?

Depuis sa création en 2009, le crédit d’impôt international a permis de replacer la France au sein des pays susceptibles d’attirer les tournages des plus grands films américains. Nous avons également su attirer des films asiatiques, africains ou d’autres pays européens. Ce sont 8 œuvres de 15 nationalités différentes qui en ont bénéficié comme Midnight in Paris, de Woody Allen, Inception, de Christopher Nolan, The Grandmaster, de Wong-Kar-Wai mais aussi les séries « Merlin et Death in Paradise produites par la BBC, et je m’en réjouis.
Dans le domaine de l’animation, le bilan est encore plus exceptionnel : en ancrant en France la fabrication des films produits par Universal via sa filiale française Illumination MacGuff, ce sont près de 600 emplois que le TRIP a permis de créer et pérenniser. Une réussite symbolisée d’ailleurs par le succès mondial, Moi moche et méchant 2, qui a généré plus d’un milliard de dollars de recettes monde, étant devenu le film le plus rentable de l’histoire d’Universal.
Il devenait nécessaire pour nous de rendre plus compétitif ce dispositif : non seulement parce que de nombreux pays n’ont cessé d’améliorer leurs propres dispositifs fiscaux ces dernières années, réduisant de fait la compétitivité du C2I, mais aussi pour attirer à l’avenir des tournages qui s’inscrivent dans la durée sur le territoire. Dès 2016, grâce à un relèvement du taux (de 20 à 30 %) et du plafond (de 20 à 30 M€) du dispositif, la France espère se positionner comme une terre d’accueil majeure des plus grands tournages étrangers.

Est-ce que vous pensez que l’augmentation du taux du crédit d‘impôt domestique permettra de maintenir sur le territoire français les films cinématographiques dont le budget est compris entre 4 et 7 M€ ?

Oui ! Il s’agit d’une revalorisation importante du crédit d’impôt, puisque le taux passe de 20 à 30 %, soit une augmentation de 50 % de l’avantage fiscal. La mesure est ciblée sur la catégorie de films dits « du milieu » (20 % de la production française), qui est la plus fragilisée par la contraction des investissements. Le crédit d’impôt constitue donc un véritable relais de financement pour ces films, dont la production devrait être relancée.
En outre, l’octroi du crédit d’impôt est conditionné à une très forte localisation des dépenses en France. La mesure devrait donc avoir un effet très positif sur l’activité et l’emploi dans la filière française. Un film dit du milieu représente en moyenne plus de 400 emplois.

Quels sont les principaux avantages de la 2e édition du " Paris Images Trade Show " ?

Le Paris Images Trade Show que nous soutenons est une manifestation essentielle pour la mise en avant des savoir-faire dans l’industrie audiovisuelle mais aussi cinématographique. La France excelle en matière de création artistique tout autant que de maîtrise technologique, les deux sont d’ailleurs indissociables.
En regroupant cinq manifestations consacrées à ces talents et atouts, des artistes aux techniciens en passant par les industries techniques des métiers de l’image animée, le Paris Images Trade Show fédère des initiatives avec le soutien d’organisations professionnelles structurantes telles que Film France, la Ficam ou la CST. Ce regroupement permet cette année d’offrir une seule et même vitrine du savoir-faire français et c’est avec la réforme des crédits d’impôt, un signal fort que nous envoyons aux pays internationaux.

Est-ce que la région de Paris - Ile de France peut être considérée une « production hub » au niveau Européen ? Et qui sont ses principaux partenaires – (p.e. Londres, la Belgique, etc.) ?

Oui. Mais plus généralement, c’est la France toute entière qui s’impose plus que jamais comme un " production hub ", grâce à des monuments d’exception et des paysages naturels d’une exceptionnelle variété. C’est le cas de la Bretagne ou encore de la région Rhône Alpes qui offre aussi un véritable pôle d’innovation. Ce hub s’étend naturellement aux départements d’outre-mer, qui ont ainsi attiré le tournage de plusieurs saisons de la série de la BBC, Death in Paradise.

Quelles sont les stratégies pour augmenter l’attractivité du territoire comme lieu de tournage et aussi afin d’améliorer la visibilité de la France comme destination culturelle, touristique et économique ?

L’amélioration majeure du C2I est la pierre angulaire de cette stratégie. Film France joue également un rôle important pour la promotion de ce dispositif auprès des producteurs étrangers, aux côtés de l’ensemble des Commissions du film.

Mais l’attrait principal de la France réside dans ses talents et son savoir-faire, au plus haut niveau mondial dans tous les domaines de la création comme de la prestation technique, sans lesquels tout dispositif fiscal, si incitatif soit-il, est vain. La présence de décors français dans des films internationaux a un impact touristique majeur : en accueillant la série de la BBC Merlin, le château de Pierrefond a vu sa fréquentation augmenter massivement ! C’est aussi ça l’effet économique décisif de nos dispositifs.

(Source : Variety)