Guillaume Schiffman, AFC, adopte l’Alexa LF et les Signature Primes

Césarisé pour l’image de The Artist, Guillaume Schiffman, AFC, a adopté la nouvelle caméra grand format Arri Alexa LF et les optiques Arri Signature Primes sur ses trois derniers films : Mon cousin, de Jan Kounen, La Bonne épouse, de Martin Provost, et En attendant Bojangles, de Régis Roinsard. Explications. 

Pourquoi avoir choisi l’Alexa LF pour le tournage de Mon cousin, de Jan Kounen ?
J’avais entendu parlé de cette nouvelle caméra par Natasza mais je ne voyais pas ce qu’elle pouvait m’apporter. Au moment de la préparation de Mon cousin, Jan, qui est féru de technique, m’a lui aussi parlé de la LF et voulait qu’on l’essaie. Nous l’avons intégrée dans notre comparatif avec une Alexa classique. Je me rappelle que, sur un gros plan de Vincent Lindon au 29 mm, la définition sur son visage et la profondeur de champ nous sont apparues comme une évidence. C’était la caméra qu’il nous fallait sur ce film ! On a tout de suite laissé de côté l’Alexa et on s’est concentré sur la LF pour la pousser dans ses retranchements. 

Qu’est-ce qui vous a plu avec l’Alexa LF ?  
Elle donne une dimension supplémentaire à l’image. Du fait du grand capteur, un objectif de 40 mm correspond à un 32 mm sur une Alexa classique. Mais je conserve la profondeur de champ plus restreinte du 40 mm. Du coup, en travaillant avec une ouverture de 2 à 2.8, je pouvais jouer sur la profondeur de champ dans l’image, même en étant au grand angle. C’était d’autant plus précieux sur Mon cousin que Jan Kounen aime travailler avec des focales larges. Il réalise généralement ses films entre le 18 mm et 29 mm. J’aime aussi beaucoup la précision et la définition du capteur de l’Alexa LF sur les plans larges. Les fonds ne fourmillent pas. Je trouve aussi qu’elle est très juste en colorimétrie sur les peaux. Il y a beaucoup moins de détérioration dans les couleurs. En fait, j’ai le sentiment qu’elle me donne un autre rapport à l’image, une dimension.

Christophe Brachet et Guillaume Schiffman
Christophe Brachet et Guillaume Schiffman


Guillaume Schiffman et Christophe Brachet
Guillaume Schiffman et Christophe Brachet

Qu’avez-vous pensé des optiques Arri Signature ?  
Ces objectifs me plaisent parce qu’ils sont doux, mais suivant la façon dont j’éclaire le plan, j’obtiens une image plus contraste ou pas. Cela correspondait bien à ce que Jan Kounen voulait sur Mon cousin. Les Signature apportaient de la douceur sur les peaux. Ensuite, je pouvais faire du contraste sans être trop sharp. 

Vincent Lindon et François Damiens dans "Mon cousin", de Jan Kounen - Photogramme - © Eskwad
Vincent Lindon et François Damiens dans "Mon cousin", de Jan Kounen
Photogramme - © Eskwad

Vous avez utilisé des LUTs ?  
Non, non. Je n’utilise jamais de LUT sur mes films. J’ai un étalonneur de rushes auquel je donne mes consignes. J’ai toujours fabriqué l’image sur le plateau. J’aime avoir un rendu d’image qui me plaise avant de mettre une couche supplémentaire à l’étalonnage. D’ailleurs, Richard Deusy, qui a étalonné le film, a lui aussi adoré l’image de l’Alexa LF et des Signature. Ces deux outils nous ont donné une base juste pour l’étalonnage. 

Comment avez-vous exposé la caméra ?  
J’ai travaillé à 1 200 ISO. Cela apporte de la matière à l’image. Je faisais déjà ça avec l’Alexa classique car je trouvais quelle manquait de matière à 800 ISO. Cela me donne l’image que je veux. Sur Mon cousin, cela m’arrivait parfois de la pousser à 2 000 ISO. 

Quelle a été la séquence la plus complexe sur Mon Cousin ?  
Être en focales larges oblige à travailler d’une certaine manière la lumière. C’était particulièrement compliqué dans les séquences où Vincent Lindon est dans son bureau entièrement vitré avec une découverte sur tout Paris. Il ne fallait pas brûler les fenêtres et, en même temps, garder un certain niveau sur les visages. C’était une scène très complexe à tourner dans la durée. J’avais mon électro qui courait derrière le Steadicam pour apporter de petites sources de lumière sur les comédiens. Le capteur de l’Alexa LF m’a donné beaucoup de latitude dans ces moments-là. D’autant que sur ce film, j’ai fait beaucoup de changements de diaph à l’intérieur des plans, parfois jusqu’à une dizaine. 

Vous avez aussi utilisé l’Aexla LF et les Arri Signature sur La Bonne épouse, de Martin Provost et En attendant Bojangles, de Régis Roinsard. Pourquoi ?  
Quand j’adopte une combinaison caméra-objectif, je travaille avec elle dans la durée. Auparavant, j’aimais utiliser l’Alexa classique avec des objectifs Leitz. J’ai tourné des dizaines de films avec celle-ci. Mais j’ai l’impression de l’avoir déjà bien explorée. J’avais envie de changement. Aujourd’hui, je me sens bien avec la combinaison Alexa LF et Arri Signature. C’est comme si je travaillais avec la même pellicule sans jamais faire la même image. D’ailleurs, il n’y a rien de plus différents comme films que Mon cousinLa Bonne épouse et En attendant Bojangles. Je n’ai pas besoin de changer d’outil à chaque fois. L’important, c’est que la caméra me donne la base d’image qui me plaît. 

Juliette Binoche et Edouard Baer dans "La Bonne épouse", de Martin Provost - Photo Carole Bethuel
Juliette Binoche et Edouard Baer dans "La Bonne épouse", de Martin Provost
Photo Carole Bethuel


Juliette Binoche et Noémie Lvovsky dans "La Bonne épouse", de Martin Provost - Photo Carole Bethuel
Juliette Binoche et Noémie Lvovsky dans "La Bonne épouse", de Martin Provost
Photo Carole Bethuel

La Bonne épouse est aussi un film plus éclairé...  
Oui, c’est un comédie avec un côté Paris Match années 1960. Il y avait beaucoup d’éclairages à l’intérieur de cette maison. L’idée, c’était de voir tout le temps les extérieurs par les fenêtres, sans être surexposé. La latitude du capteur de l’Alexa LF me le permettait. J’ai utilisé beaucoup d’Arri SkyPanel à l’intérieur et des sources HMI pour l’extérieur. Sur En attendant Bojangles, c’est une autre direction d’image. Il s’agit d’un drame psychologique mais avec une fantaisie à la Boris Vian. Nous sommes plus proches de l’esthétique du photographe Jean-Marie Périer, qui, d’ailleurs, utilisait beaucoup le 35 mm.

Vous avez utilisé la Mini LF avec ces deux derniers films ?  
Oui, je l’ai surtout utilisée sur Steadicam et à l’épaule pour sa légèreté. Il n’y a pas beaucoup de différences avec l’Alexa LF car c’est le même capteur. Par contre, le viseur n’a encore la même définition que sur l’Alexa LF. J’espère qu’Arri va améliorer ça. Mais la Mini LF reste un excellent ajout au système large format Arri. 

Jan Kounen
Jan Kounen