HH, Hitler à Hollywood

Il y a un complot à Hollywood pour empêcher le cinéma européen d’exister. Fiction ou réalité ? Maria de Medeiros va découvrir la façon dont les studios hollywoodiens se sont imposés mondialement en tournant un documentaire sur Micheline Presle, qui a tourné à Hollywood.

En partant de faits authentiques (Roosevelt, qui disait : « Envoyez les films, les produits suivront »), Frédéric Sojcher a voulu réaliser un " road movie " européen qui interroge de manière ludique le cinéma, avec une intrigue à multiples rebondissements. Il souhaitait que, dès le départ, les spectateurs se fassent " embarquer " dans ce jeu de piste ludique, en se demandant ce qui était vrai ou faux.
D’un côté, chaque personnalité du cinéma qui apparaît dans le film (Edouard Baer, Gilles Jacob, Emir Kusturica…) joue son propre rôle. D’un autre côté, une approche filmique qui s’apparente davantage à la fiction, avec un travail sur la couleur (les comédiens " positifs " sont plus colorés que le reste de l’image). Tout est tourné en caméra subjective (le point de vue du chef opérateur de Maria), et la " caméra " change souvent de main.

Ce film devait rentrer dans une économie de petite production belge, plutôt EX3 que 16 mm. Je venais de découvrir sur Internet des clips tournés avec l’appareil photo Canon 5D Mark IV, j’étais impressionné par leur belle profondeur de champ, la brillance et la sensibilité de ces images. Canon annonçait une mise à jour de l’appareil qui aurait permis de régler manuellement la sensibilité et le " shutter " pour le 9 juin alors que notre tournage démarrait le 16 juin 2009.
Nous avons fait des essais comparatifs avec la Red One, la Panasonic 2700 et le Canon 5D. Lors de la projection, en 35 mm, des essais, nous avons préféré de loin les images de l’appareil photo.

Nous avons donc choisi un appareil qui n’était pas du tout une caméra : impossible de filmer avec cet appareil à bout de bras : avec des tiges, les Poignées bleues et une batterie à l’autre bout, on a pu l’équilibrer un peu, l’Easy Rig s’est révélé très efficace. Le zoom Canon EF 24-105 mm f4 n’avait pas de butées pour la mise au point et le repère de point n’était pas précis.
Mon assistant, Gil Decamp, y a adapté une bague du point crantée avec moteur commandé par HF et tous les accessoires qu’on a besoin sur une caméra, dont un moniteur HD pour remplacer l’écran ridicule de l’appareil. Il tournait à 30 i/sec, nous avons décidé de ne transcrire à 24 i/sec que le plans montées avant le montage son.

Gil Decamp, Marie De Medeiros filme Micheline Presle sur le film HH, Hitler à Hollywood de Frédéric Sojcher, photographié par Carlo Varini, AFC

Dès que la mise à jour est sortie, nous avons essayé et filmé tous les cas d’exposition possibles et les avons étalonnés et jugés sur Base Light (avec Paul Englebert) pour établir une charte d’exposition. J’avais l’impression de tourner en Kodachrome, très peu de latitude de pose, mais une grande sensibilité et une image très pêchue.
La chef costumière, Monic Parelle, avait trouvé des costumes très bariolés, après plusieurs essais dans différentes directions d’étalonnage, nous avons constaté qu’on n’obtenait l’effet " de dessiné animé " qu’en détourant les personnages image par image. Notre étalonneur nous a montré qu’il pouvait le faire, et, lors du montage, il a tout fait pour qu’on puisse trouver le financement pour cette opération qui a duré six semaines.

Filmer avec l’appareil photo nous a donnés la possibilité de changer notre façon de filmer : en utiliser les avantages plutôt qu’en subir les contraintes techniques, par exemple nous avons pu décider de tourner une scène entière en plan-séquence grâce à sa légèreté. Je filme dans une voiture Maria de Medeiros et Micheline Presle. La voiture s’arrête, elles en sortent, je les suis. Elles discutent avec un autre comédien, Pierre Laroche, et reviennent en courant vers la voiture, que nous réintégrons tous les quatre. Maria fait redémarrer la voiture en trombe, tandis qu’un autre personnage du film court après la voiture, pour essayer de nous rattraper.
(Voir le plan-séquence sur YouTube)

Ce fut une expérience très émouvante, car tout était censé être tourné en caméra subjective, derrière laquelle il y avait une toute petite équipe soudée, qui a fait le tour d’Europe pour filmer les témoignages des cinéastes les plus importants. Je donnais parfois la réplique à Maria de Medeiros, en off, ce qui faisait de moi comme un acteur du film (ma voix serait ensuite remplacée par celle de Wim Willaert, qui joue le rôle du " cameraman " dans le film… et qu’on ne voit que quand il se met dans le champ).
Il y avait un plaisir à se jouer des règles académiques en s’amusant autour de cette notion de " point de vue " en caméra subjective (il y a des " jump cuts " dans des plans-séquences, des changement de diaph volontairement visibles en cours de prise de vues…). HH, Hitler à Hollywood est un film engagé, de par son sujet (l’éloge de la diversité cinématographique, l’artisanat contre l’industrie) et ses parti-pris formels.

J’ai aimé travailler avec Frédéric Sojcher, qui enseigne et a écrit de nombreux livres sur le cinéma, mais qui est surtout un réalisateur qui a envie d’expérimenter de nouvelles formes de narration et de prendre des risques. HH, Hitler à Hollywood est un OVNI qui ne ressemble à aucun autre film.

Portfolio

Équipe

Assistant caméra : Gil Decamp
Machiniste-électricien : Simon Van Leeuw
Etalonneur : Paul Englebert (http://paulenglebert.blogspot.com/)

Technique

Tourné avec un Canon 5D Mark IV
Laboratoire numérique : Genval-Les-Dames (Dame Blanche Genval)
Kinescopage : FilmiK Film Recording sur AatonK (4K Digital Film Recorder)
Laboratoire argentique : Studio l’Equipe, Bruxelles