Harry Potter et le prince de sang-mêlé

in AFC newsletter n°189 Other ratio

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Que dire d’un projet aussi hors norme dans les moyens mis en œuvre ?
Vous ne lirez donc que quelques souvenirs, quelques impressions.
D’abord un budget dépassant les 200 millions de dollars.
Puis les studios de Leavesden au nord de Londres qui n’ont de " studios " que le nom. Cette ancienne usine de moteurs d’aviation Rolls Royce est maintenant entièrement dédiée à Potter.

Les anciens ateliers de mécanique sont désormais des ateliers de sculpture, de peinture, de menuiserie... car l’on fabrique tout sur ce film, de la moindre poignée de porte jusqu’aux lampes et accessoires ; papiers peints dont les motifs sont dessinés par les ateliers de Stuart Craig, chef décorateur de génie dont le travail était déjà remarquable sur Gandhi, The Elephant Man, Un patient anglais...
En préparation je passais le plus clair de mon temps dans son bureau à travailler sur la conception des décors et leur praticabilité.
De ces studios, l’équipe principale, qui atteint mille personnes, ne sort pas. Lors du tournage du Prisonnier d’Azkaban réalisé par Alfonso Cuaron, le tournage en Ecosse s’avéra catastrophique. Le climat imprévisible dans les Loch écossais obligea l’équipe à rester un mois de plus que prévu. Depuis, Warner décida que l’on ne quitterait plus les studios. Seule la deuxième équipe serait autorisée à partir tourner des " Plates ".

Trente-cinq semaines de tournage passées en studio. Une petite escapade de deux nuits dans un village " typique " et une journée dans la cathédrale de Gloucester.
Si l’on est enfermé pendant une telle durée, Warner, en contrepartie, permet la facilité du travail. Des moyens techniques hors du commun. Ainsi l’étalonnage des rushes n’est pas confié au laboratoire. Warner a investi dans une salle d’étalonnage, royaume de Peter Doyle (étalonneur du Seigneur des anneaux) dans laquelle nous avons projecteurs numériques et films, un écran de huit mètres de base et un Base Light comme machine d’étalonnage.

Mes journées se présentaient ainsi : étalonnage des rushes de la veille dès six heures et demi du matin pendant une heure ; tournage de sept heures et demi jusqu’à treize heures ; rushes à l’heure du repas et réunion des chefs de départements ; reprise du tournage jusqu’à vingt heures. Parfois, lorsque certains plans nécessitaient une préparation assez longue, j’allais dans la salle d’étalonnage travailler sur quelques plans…
Lors de ces séances, nous avons développé avec Peter Doyle quelques logiciels que nous avons intégré au Base Light nous permettant de " flouter " l’image. Pour que les comédiens ressortent de ces décors " envahissants ", je cherchais à obtenir d’un 21 mm la profondeur de champ d’un 50 ou d’un 65 mm puis un gamma différent sur certaines zones de l’image.

Je ne sais que dire d’autre de peur d’utiliser toutes les pages de La lettre, sinon que je crois que ce confort d’une équipe de douze électriciens et d’une équipe de prélight de quinze ; ces nombreuses caméras ; ces Technocranes de quinze mètres que nous eûmes à demeure pendant trois mois ; cette salle d’étalonnage magnifique à disposition à n’importe quelle heure du jour... sont certainement les raisons pour lesquelles je n’ai pas souhaité faire le suivant que Warner me proposait.
Le retour à la réalité dramatique des conditions de tournage sur la majorité des films n’aurait été que plus difficile. Je le constate depuis que j’ai commencé la préparation du prochain film de Alexandre Sokurov, Faust, dont le budget de quatre millions de dollars est une véritable peau de chagrin face à l’ambition du projet...

Quant à l’aspect technique de Potter : Caméra Arricam louée chez Panavision UK grâce à Bob Beitcher (ex-président de Panavision, cet homme remarquable va énormément manquer à cette industrie. Lors d’un tournage au Texas, alors que la production m’imposait de travailler avec Panavision et face à ma demande de n’avoir que des Arricam, il m’en avait fait parvenir deux de Paris ainsi que deux séries de Cooke S4. Très peu de chefs d’entreprise auraient eu l’audace de faire ce genre de chose sur le territoire américain).

Technical

Format : Super 35. 2/35
Objectifs : Cooke S4 ; Optimo Angénieux
Machinerie : Panavision UK : Fisher Ten, Hybrid, Peewee ; Louma télescopique (pour la deuxième équipe) ; Technocrane 30’ et 50’, tête Flight head ARRI
Lumière : Panalux ; LEE UK
(Imaginez la différence entre un Full Wendy light et un Dedo vous aurez une assez bonne idée du matériel utilisé)
Laboratoire : Technicolor UK pour le développement
Technicolor L.A, Technicolor Rome pour le tirage. (Environ 30 000 copies)
D.I par Peter Doyle sur Base Light
Négatif Kodak 5218
Positif Kodak Vision 2383
Effets spéciaux : ILM, Framestore, Double Negative.