Hommages de chefs opérateurs de l’AFC à Jacques Monge

AFC newsletter n°272

A l’heure de la disparition de Jacques Monge, plusieurs membres de l’AFC ont voulu témoigner de leur rencontre avec celui qui restera certainement comme l’un des précurseurs du Steadicam en France.

- Encore un vieux copain qui part. De beaux souvenirs. Mais tristesse ce soir.
Richard Andry, AFC

- Il fait encore plus froid maintenant...
Lycée Michelet, 1964, je tourne en amateur des petits films les jeudis et les week-ends, et mon prof de maths me dit : "Tu veux faire du cinéma ? Mon fils prépare l’IDHEC..." Ce formidable professeur était le père de Jacques (les anciens se souviendront peut-être avoir transpiré sur les manuels de maths "Monge et Guinchan"). J’ai rencontré Jacques peu de temps après, au ciné-club du lycée, je crois. Deux longs chemins de cinéma, parallèles souvent, souvent croisés quand même... Alors, de la peine, de la tristesse aujourd’hui.
Salut Jacques...
Pensée pour Valentin.
Gérard de Battista, AFC

- J’étais jeune assistant en cette fin des années 1980, sur un clip fauché qui se tournait à la Victorine.
A l’époque, j’étais plutôt maigre (oui, j’ai changé) et taillé dans une biscotte. Je me posais beaucoup de questions sur le physique athlétique recommandé pour être cadreur.
Est arrivé Jacques Monge, fluet, épais comme une limande et gros consommateur de cigarettes. Quand je l’ai vu revêtir son costume d’opérateur Steadicam et courir, monter, reculer, avec tant de légèreté et d’aisance, je me suis dit que, finalement, le physique compte peu. La dynamique et la grâce viennent de la passion et de l’envie. Jacques m’a appris ça.
Il avait cette grâce et cette élégance de ceux qui croient en ce qu’ils font.
Ça ne m’a jamais quitté.
Merci Jacques, et toutes mes pensées à Valentin.
Michel Benjamin, AFC

- J’étais assistant opérateur lorsque j’ai eu l’occasion de travailler avec Jacques.
Je garde le souvenir d’un esprit libre, créatif, bourré de talent et d’énergie.
Une pensée pour Valentin et sa famille.
Stéphane Cami, AFC

- « He was some kind of a man. »
Marlene Dietrich à propos d’Orson Welles, alias inspecteur Quinlan dans La Soif du mal.
Olivier Chambon, AFC

- Une rencontre forte il y a de cela quelque années. J’ai compris, à mes débuts, ce que signifiait la passion pour l’image.
Il nous a montré aussi combien il aimait l’image et l’innovation, ainsi que l’engagement.
Pensées émues pour Valentin et toute la famille.
Rémy Chevrin, AFC

- J’ai travaillé pendant presque dix ans avec Jacques sur la série "Highlander". Au début, je faisais le cadre et lui venait régulièrement faire une ou deux journées de Steadicam.
Les réalisateurs l’utilisaient au maximum, sur ces deux jours.
Quand je suis passé chef-opérateur, il était de plus en plus présent, et de plus en plus sollicité.
Les journées étaient bien remplies, et de temps en temps, il disait "Stop !" et allait fumer sa clope en râlant.
C’était assez sportif. Sacré bonhomme, haut en couleur.
Ce n’était pas facile de faire tous ces plans de Steadicam, au cadre comme à la lumière. On a souvent parlé de ce problème, quand le Steadicam est utilisé à mauvais escient.
Ces dernières années il venait au conseil d’administration de l’Ecole Louis-Lumière, représentant un syndicat, avec toujours un petit moment pour évoquer les souvenirs.
C’est un vrai personnage du métier, avec une éthique, qui s’en va. C’est triste. Tu nous manqueras, Jacques.
Bien sûr je pense très fort à Valentin.
Arthur Cloquet, AFC

- Révérence pour ce pionnier talentueux et passionné.
Pensée pour Valentin et ses proches.
Laurent Dailland, AFC

- Un vieux complice nous a quittés !
Un enragé de la caméra qui fut un pionnier du Steadicam en France. Un personnage qui a communiqué sa passion et son talent, notamment à son fils Valentin.
Salut l’artiste...
Jimmy Glasberg, AFC

- Je ne le connaissais pas mais j’adorais quand Valentin disait « Yes Papa ! » toute la journée.
J’enverrai un message à Valentin.
From Teheran,
Philippe Guilbert, AFC

- Je me souviens...
Jacques n’était pas encore complètement passé au Steadicam, c’était un concert de Sting tourné à plein de caméras. J’étais son assistant, il avait une BL à l’épaule avec un 25-250 et un magasin de 300 mètres, « pour équilibrer », disait-il. Et le diaph’ à l’œil dans la visée... Rock’n roll !
Je pense bien fort à Valentin.
Laurent Machuel, AFC

- Au début des années 1990, j’étais deuxième assistant sur une publicité avec des coréens ou des japonais, je ne me souviens plus. C’était la première fois que je voyais un Steadicam et que je rencontrais Jacques.
Il avait peu dormi et enchainait les piges. Il arrivait d’Espagne, à la bourre parce qu’il avait roulé toute la nuit dans sa vieille bagnole et avait mal au dos…
En attendant qu’il déballe son artillerie, rue de Buci, on avait répété le plan séquence, à l’épaule, au milieu de deux cents figurants.
Au cours de la première prise, une petite fumée noire s’est échappée du moniteur de contrôle de Jacques.
Les asiatiques qui avaient pour coutume de ne pas trop exprimer leurs sentiments jusqu’ici, ont alors montré quelques signes d’inquiétude.
Nous étions un samedi après-midi. Il n’y avait pas, dit-il, de solution "ultra méga rapide" (sic). Jacques a alors demandé au machiniste de prendre le combo dans les bras et, à moi, de l’accompagner dans ses pas de danses, en jonglant avec les câbles parce qu’évidemment aucune commande HF ne fonctionnait. Je me souviens qu’avant de refaire une prise, il fallait refaire la précédente, à l’envers, pour démêler les câbles.
C’est comme ça que Jacques a sauvé le plan qui faisait l’apologie d’un produit dont je ne me souviens…
Plus tard, alors que le client, l’agence et la production étaient en train de visiter les caves de St Germain-des-Prés, Jacques sablait trois bouteilles de champagne avec une partie de l’équipe. Son Steadicam gisait à ses pieds en pièces détachées, tel le vélo d’un autre grand Jacques, photographié par Doisneau.
Nul doute que ce jour là, la place Saint-Michel avait un petit air de fête !
Merci Jacques, de m’avoir appris que des petits nuages de fumée peuvent engendrer de si beaux gestes de camaraderie !
Et courage à toi, Valentin, pour ne jamais cesser - comme ton père - de montrer à celles et à ceux qui ont parfois du mal à marcher, quelques pas de danse que seuls quelques êtres ont la grâce de maitriser…
Gilles Porte, AFC

- Je n’ai travaillé qu’une seule fois avec Jacques il y a vingt-deux ans, mais sur une journée inoubliable. Je faisais beaucoup de clips vidéo à cette époque et celui de Soon E MC réalisé par Gilles Deyriès constituait en un plan séquence au Steadicam d’un minimum de quatre minutes. Et pas n’importe quel plan séquence, il nous fallait, pour qu’il soit réalisable, un maître du genre. Il fallait descendre de la grue Appolo pour ensuite marcher sur des toits de voitures, embarquer à nouveau sur la grue pour aller dans un couloir sombre…
Nous avons répété toute la journée et il ne nous restait plus que deux ou trois heures de jour quand, enfin, on a décidé de tourner. A ce moment, en voyant Jacques exécuter la prise quatre fois de suite, j’ai vraiment compris que le Steadicam était un art. Tout était entre ses mains et nous n’étions plus, avec le réalisateur, que des spectateurs ébahis.
De mémoire, je pense qu’il avait un 3A à cette époque et bien sûr pas d’assistance gyroscopique. A revoir les images, il n’y a pas la moindre faute technique. Du grand art, compte tenu de la gymnastique imposée par le plan. Je me permets de mettre un lien vers le clip sur YouTube en son hommage.
Une pensé affectueuse pour Valentin et ses enfants.
Amitiés,
Denis Rouden, AFC

- J’ai aimé travailler avec lui, c’était un mec formidable, naturel et simple dans les rapports qu’il pouvait avoir. Il a aussi beaucoup marqué notre génération.
Une pensée très forte pour Valentin.
Manu Teran, AFC

Making of Le Trou de la corneille, de François Hanss
Directeur de la photographie Darius Khondji, AFC ; cadreur Rémy Chevrin, AFC ; premier assistant opérateur Philippe Le Sourd, AFC ; cadreur Steadicam Jacques Monge.


https://player.vimeo.com/video/45872176