Impressions cannoises

Par Joanne Delachair, étudiante à La fémis

AFC newsletter n°232

Suite à l’attribution du Prix Vulcain de l’Artiste-Technicien décerné à Antoine Héberlé, AFC, nous avons demandé à Joanne Delachair, étudiante en Image à La fémis et membre du jury de la CST, de nous faire part de ses impressions de festivalière cannoise.
Joanne Delachair, à gauche, lors d'une réunion du jury du Prix Vulcain - Photo Jean-Noël Ferragut
Joanne Delachair, à gauche, lors d’une réunion du jury du Prix Vulcain
Photo Jean-Noël Ferragut

Cannes, mai 2013.
Il faudrait que je retranscrive mes impressions, mes premiers pas, à vingt-six ans, dans les entrailles du Palais du Festival. Par où commencer pour dire et synthétiser au mieux un ressenti à la fois intense et empli de contradictions ? La tâche me semble difficile mais je vais tenter de m’y atteler, en l’état, à quelques jours de ma sortie de La fémis, l’école où s’est forgé et aiguisé mon désir de faire des films à la caméra, avec jeunesse, espoir et énergie.
Pierre-William Glenn et tous les membres de la CST m’ont, en effet, offert en ce printemps pluvieux la très belle chance de faire partie du jury du Prix Vulcain, récompensant chaque année le travail et la collaboration d’un technicien à l’un des films de la sélection officielle. Je me suis donc envolée pour la Côte d’Azur, le 15 mai 2013 au matin, sous une pluie torrentielle, sans parapluie, ni pull-over, mon mémoire de fin d’études fraîchement rendu.

J’ai ainsi découvert cette fameuse Croisette, son tapis rouge et son flot de costumes, ses barnums blancs aux toits pointus, plantés dans des villages artificiels et éphémères, sa cascade de flashes et son cordon sécuritaire. J’ai découvert un univers, à la fois hors des contingences du monde, hors de tout quotidien, mais paradoxalement, très ancré dans des conjectures économiques concrètes, impliquant le marché mondial du film, dans son entier.
Parée d’une accréditation visiblement plus pesante qu’une carte d’identité, je me suis alors faufilée dans la grande salle du Théâtre Lumière, avec une certaine stupéfaction afin d’assister à la projection du film d’ouverture. Et je dois dire que l’émotion de ce moment-là restera gravée dans ma mémoire, tant la qualité de projection sonore et visuelle de cette immense salle m’a semblé magistrale, totale et envoûtante.
J’ai donc été très heureuse de pouvoir ensuite me rendre, jour après jour, à toutes ces projections. J’en ressortais tantôt en colère, tantôt ressourcée, mais j’ai finalement été assez surprise des lignes narratives, souvent redondantes et attendues d’un film à l’autre ; du manque d’audace de certaines propositions.
J’en attendais probablement trop, je ne sais d’ailleurs pas pourquoi, mais je guettais le geste, la fulgurance et le souffle, j’imaginais des propositions risquées, des mises en jeu complexes, des personnages féminins forts, charismatiques, et je dois avouer avoir été déçue par cet aspect de la sélection et de la récompense ultime. Je me suis donc beaucoup questionnée autour de la place de la jeunesse et des femmes, dans la diversité de tous ces films, j’ai cru y voir un certain symptôme, le mal d’une époque et d’un langage, mais je ne saurais mieux l’analyser. C’est un sentiment brut et frais dans ma mémoire.

Mais tous ces questionnements auront été pour moi extrêmement porteurs et fructueux, d’autant qu’ils étaient confrontés aux avis des autres membres du jury, nourris et fortifiés, à leurs manières, de leurs divers parcours. Côtoyer une telle effervescence m’a donc permis d’apprendre à mieux nommer le cinéma que j’aime et voudrais défendre et de tout cela, je ressors grandie, sans aucun doute.

J’ai aussi été très heureuse de pouvoir assister, dans un temps restreint et dans de telles conditions de projection, à un panel de propositions de lumière et de cadrages de la part de nombreux opérateurs, et de voir ainsi défiler différents supports (numérique et 35 mm), rendus optiques, ou encore l’utilisation de divers formats, (du Cinémascope au 1,66), et leur rendu final projeté en numérique, sur l’écran infini de cette grande salle.

Je tiens pour finir à remercier très chaleureusement Jean-Noël Ferragut pour sa confiance et la place attentive accordée à ces quelques mots.