Jacques Perrin, un être d’exception

Par Michel Benjamin, AFC

par Michel Benjamin Contre-Champ AFC n°332

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Comme beaucoup d’entre nous, la disparition de Jacques Perrin m’a beaucoup affecté. Il est de ces êtres qu’on croit immortels tellement ils remplissent votre paysage et qui vous montrent le chemin à suivre. Mon chemin, il m’a aidé à le tracer, au début, sur Le Peuple migrateur.

Ma première mission a été de tenter de suivre des cigognes en vol en paramoteur afin de les filmer au plus près. Mission impossible s’il en est, j’ai appris de Jacques que « si c’est impossible, alors on le fait ». Cette maxime m’a accompagné tout au long des films auxquels j’ai participé avec lui et nous avions tous compris qu’on ne dérogerait pas à cette règle !
Mais Jacques avait cette grande générosité de nous considérer vraiment comme ses collaborateurs. Il avait l’humilité et la modestie de nous mettre en avant. Il savait nous mettre à l’aise et ne manquait jamais de nous laisser le temps d’accomplir toutes ces choses impossibles, si bien qu’on a réussi des paris impossibles et fait des films uniques.
Finalement, c’est cela qui en a fait un être d’exception. Cette volonté et cette faculté de faire des films inédits et exceptionnels avec ce supplément de cœur et d’âme.

Michel Benjamin et Jacques Perrin sur le tournage des "Saisons" - Photos Ludovic Sigaud
Michel Benjamin et Jacques Perrin sur le tournage des "Saisons"
Photos Ludovic Sigaud

Une anecdote qui m’a marqué à jamais :
Nous tournions au Bois Roger, en Normandie, sa propriété où étaient élevés et imprégnés les oiseaux des films. C’était pendant le tournage de Voyageurs du ciel et de la mer, un film en IMAX qui suivait Le Peuple migrateur et précédait Océans. Plus de 200 oiseaux étaient regroupés là. Nous avions terminé une journée de tournage et nous allions prendre un petit apéro juste Jacques et moi. Le soleil était en train de se coucher, les animaux étaient silencieux, un sentiment de sérénité planait. Avant de s’asseoir face aux installations des oiseaux Jacques a sifflé deux notes. Immédiatement les 200 oiseaux ont répondu d’une seule voix ! Un mélange de bernaches, grues, canards et autres pélicans ! Un court instant totalement irréel et magique. Les animaux semblaient lui dire « Merci ». Jacques s’est ensuite assis, l’air visiblement content de son acte. J’étais encore sous le choc et je me suis tourné vers Jacques et lui ai dit : « Mais alors, tu as fait tout ça pour ça ? » Et, avec son beau sourire qui le caractérisait, il a acquiescé…
C’était cela, Jacques. Tout était possible et cette volonté inébranlable de tout faire pour que ça le soit. Il me manque déjà et il va tous nous manquer. Mais son œuvre restera là, éternelle.
Comme toi, Jacques…