Jean-Pierre Beauviala, inventivité et création artistique

Par Eric Guichard, AFC

by Eric Guichard AFC newsletter n°298

Lorsque j’ai commencé à tourner en documentaire, à la fin des années 1970, l’Aaton XTR s’est imposée naturellement, au-delà de son ergonomie reconnue par tous, c’était une somme de "détails" inventés par Jean-Pierre Beauviala qui, avec cette caméra, accompagna mes débuts.

La mythique poignée en bois, seul matériau qui ne craint ni le chaud ni le froid pour que la main reste ferme.

Le Time Code Aaton utilisé maintes fois en multi-caméras pour des captations (avec l’aide, plus tard, du magasin de 240 m), avec lequel je n’ai jamais eu de problème, la tête de lecture devant être réglée au laboratoire et la fenêtre de lecture sur la caméra, en affichant la sensibilité de la pellicule... bref, un jeu d’enfant.

La cellule de l’Aaton… Là aussi, invention géniale, bijou de précision qui, avec l’aide du dépoli, m’évitait de sortir ma cellule 90 % du temps.

Alors que je travaillais parfois seul sur des making-off, Jean-Pierre avait adapté le célèbre Sony WMD6 2 pistes sur la caméra, une piste servait à la prise de son, l’autre à coucher le Time Code Aaton généré par la caméra.
Ainsi, en utilisant, soit un micro HF, soit un micro sur la caméra, par un simple stwich, je pouvais avoir du son et éviter les claps au démarrage ou à l’extinction sans que personne n’y prête attention.

L’entraînement magnétique dont Jean-Pierre avait inventé le système bien avant qu’il ne soit mis en fabrication car il attendait un coût d’achat raisonnable des aimants.

La paluche que tant de cinéastes ou vidéastes ont détournée pour faire des films.

L’apparition de la Penelope 35 mm fut une bénédiction pour nombre de cinéastes. Cette caméra était l’aboutissement de toutes les inventions de Jean-Pierre Beauviala, visée extraordinaire, compacité et légèreté, silence mais c’est surtout son utilisation en 3 perforations, puis 2 perforations qu’il faut saluer, affrontant deux difficultés majeures de cette période : la réduction des coûts de production et la nécessité d’augmenter la durée de prise de vues des magasins alors que le numérique s’imposait. Grâce à sa faculté d’anticipation, Jean-Pierre accompagnait encore une fois l’avenir de notre métier.

Puis, ce sont les années 2000, que l’on peut aussi appeler les années numériques.
Ce fut un parcours du combattant que Jean-Pierre entreprit, un moderne qui ne veut pas saborder l’ancien. On pourra témoigner longtemps de cette intuition géniale de caméra argentique-numérique et du magasin hybride, géniale mais complexe, qui aura demandé certainement trop de temps et d’argent. Il fallait avancer...

La Penelope Delta arriva.
Jean-Pierre et ses ingénieurs ont créé une caméra exclusivement numérique que j’ai pu essayé lors de tests et sur des essais pour Jacques Perrin.
Que dire de la visée par dépoli qui nous redonnait les sensations de la caméra film, de la fluidité des images avec une stroboscopie de caméra de cinéma, de la sensibilité variable, du système de décalage des pixels pour reproduire l’effet de grain, une image mouvante, vivante.
Que d’inventivité et de création artistique entrevues avec la Penelope Delta.

Des inventions, grandes et moins grandes, j’en oublie, d’autres que moi les citeront.

Ce chat qui nous manque tant avec les caméras d’aujourd’hui reviendra-t’il un jour avec un nouvel inventeur aussi génial que JPB ?
Le cinéma est né en France, espérons que l’ADN en est caché quelque part.

Merci à toi Jean-Pierre de toutes ces inestimables et magnifiques inventions, tu nous a permis de créer des images dans une certaine sérénité, ce sont donc un peu tes images.