Kaamelott - Premier Volet

Pour son adaptation sur grand écran, la série TV "Kaamelott" créée et interprétée par Alexandre Astier s’offre le Saint Graal des caméras. C’est Jean-Marie Dreujou, AFC, qui a eu la chance de manier l’Arri Alexa 65 sur ce film moyenâgeux où la reconstitution historique du mythe Arthurien est passée à travers la moulinette comique de l’auteur. Retour sur le tournage de ce film étrange, qui propose de mêler l’esprit de l’Himalaya comique britannique (tourné jadis en 16 mm) à la facture d’un grand film d’aventures hollywoodien. (FR)

Jean-Marie Dreujou confesse ne pas avoir été un spectateur assidu de la série d’Alexandre Astier à l’époque. « Honnêtement, je ne connaissais pas bien "Kaamelott", principalement parce que je ne regarde pas beaucoup la télévision. Mais je me souviens tout de même avoir été interpellé par ce son tonitruant de cors qui annonçaient le début du programme en provenance de la chambre de mes enfants. Ces derniers, apprenant que j’avais reçu le scénario de l’adaptation cinéma, m’ont ensuite vraiment aidé à rentrer dans l’univers de la série. »
Peu de temps après, il rencontre le comédien réalisateur (qui interprète le rôle principal du roi Arthur) avec qui le contact s’établit immédiatement. « Alexandre est un fan de mécanique, tout comme moi. Que ce soit les trains, l’automobile ou bien sûr les machines de cinéma. Et je me souviens que dès notre première rencontre, on a plus parlé de machines que de films ! »

Des machines de cinéma, il en est donc bientôt question, Alexandre Astier se passionnant pour le matériel de prise de vues, et notamment pour les objectifs. « Il pratique la photographie lui-même depuis longtemps et s’intéresse beaucoup à l’image. Il m’a donc demandé beaucoup de renseignements très précis à ce sujet. À l’époque, déjà, je sais qu’il avait beaucoup travaillé avec Philippe Ros, le directeur de la photo du feuilleton TV, pour aboutir à la qualité visuelle de la série. Notamment en décidant d’utiliser les Sony 900, qui personnifiaient la pointe de la technologie naissante du cinéma numérique. »

Se lançant dans une série de tests , « pour aller vers une image épique », le tandem sort un parc de matériel très large sur deux journées bénéficiant de certains costumes et d’un décor extérieur enneigé sur lequel une des séquences allait être tournée. « Ces deux journées ont été extrêmement utiles pour nous plonger littéralement dans la direction artistique du film et faire apparaître un prototype de ce que pourrait rendre les costumes et les lieux à l’écran. »
Testant à la fois des caméras plein format, du Scope et du sphérique, c’est finalement l’Alexa 65 qui remporte les suffrages de la mise en scène et de l’image. « Le rendu du très grand capteur de l’Alexa 65 (identique à la pellicule 65 mm argentique) l’a immédiatement convaincu. Personnellement, c’est la première fois je tourne avec, l’ayant découverte à Camerimage, en 2018, en admirant le travail de Alfonso Cuarón sur Roma et de Newton Thomas Siegel sur Bohemian Rhapsody.
Associée aux optiques Hasselblad re-carrossées qui sont proposées par Arri, on trouvait le rendu extrêmement cinématographique, proche de références du film épique comme Spartacus, de Stanley Kubrick ou Les Vikings, de Richard Fleischer. Certes, la série n’est pas très riche en variété de focales, mais la plupart des scènes ont fait appel soit au 80 mm, soit au 100 mm. Un zoom Hawk 150-400 mm complétant les focales fixes pour les plans au télé. »

Alexandre Astier et Jean-Marie Dreujou, au Sultanat d'Oman - Photo Amandine Hanse-Balssa
Alexandre Astier et Jean-Marie Dreujou, au Sultanat d’Oman
Photo Amandine Hanse-Balssa


Photo Alexandre Astier

Alexandre Astier ne souhaitant pas travailler avec le traditionnel "village vidéo" apparu avec le cinéma numérique, Jean-Marie Dreujou a retrouvé à ses côtés une certaine méthode héritée du tournage en pellicule. « On sait pertinemment que l’Alexa 65 génère des fichiers extrêmement lourds, et qu’on ne peut pas tourner n’importe quand pour limiter les datas. Aussi, sur Kaamelott, on se retrouvait dans l’ambiance d’un tournage film, avec peu de prises et un simple contrôle de l’image sur moniteur portable. C’était plutôt agréable pour moi, avec un travail très serein sur le plateau, et beaucoup de concentration. »

Contrairement aux idées reçues, le facteur budget était quand même à prendre en compte par rapport à cette décision. « Le film ne s’est pas tourné avec un budget pharaonique », explique le directeur de la photographie. « Il a mis beaucoup de temps à se monter, et c’est entre autres grâce à un budget assez serré qu’il a reçu son feu vert. Nous n’avons tourné, par exemple, que 42 jours, ce qui, vu le nombre de décors et de scènes en extérieur, n’était pas du luxe. Aussi, le surcoût de l’Alexa 65 a dû vraiment être défendu par Alexandre, et intégré au budget sans rallonge. »
Pour donner une idée du rythme de production, la première partie du film jusqu’à ce que le roi Arthur soit retrouvé – plus tous les flash-backs – a été tournée uniquement sur dix jours au Sultanat d’Oman. « Un début de tournage mené avec énormément d’enthousiasme par Alexandre Astier, ce qui a permis à toute l’équipe de prendre un excellent rythme de croisière ! »

En terme de travail sur le plateau, Jean Marie Dreujou reconnaît qu’Alexandre Astier, réalisateur, interprète et producteur de la série, est tout de même très habitué à une certaine manière de tourner.
« C’est vraiment le rythme de la comédie qui est le point d’orgue pour lui, tout comme il l’était à l’époque je pense sur le programme. Ça veut dire, des répétitions très précises, et une fois que les comédiens sont parfaitement dans la musique des dialogues, quelques prises... Très peu à chaque fois. Toute la mise en scène est entièrement basée sur le rythme, et ce n’est pas pour rien qu’il est aussi le compositeur de la musique du film par la suite ! La caméra suit une certaine logique par rapport aux comédiens, c’est-à-dire peu de focales extravagantes, une mise en valeur de l’acteur avant tout, sans chercher l’effet. »

Le film se déroulant sur une série de décors très différents, les atmosphères lumière sont également très variées. Jean-Marie Dreujou détaille sa stratégie. « L’ouverture du film se revendique comme un film de pirates, très doré, et saturé en couleurs. Ensuite le film s’installe dans une alternance entre plusieurs lieux récurrents, comme le château de Kaamelott, très froid et traversé par les courants d’air en permanence. Un endroit qu’Alexandre m’avait décrit comme vraiment inhospitalier. Pour ça, j’ai eu recours à des points lumineux qui bougent souvent pour traduire cette sensation de vent à l’écran. Autre décor récurrent : les souterrains investis par les semi-croustillants, un groupe de résistants séparatistes. Un endroit très sombre logiquement, mais au contraire chaleureux, éclairé par des torches. Un rendu de feux très saturé, du moins plus que ce que j’ai l’habitude de faire dans les scènes éclairées à la lumière des flammes. »

Jean-Marie Dreujou cite aussi la tour de Guenièvre, trouvée dans la vallée du Rhône, dont les pierres aux teintes chaudes tranchent avec le gris habituels des châteaux forts. « Je pensais qu’on serait forcé de reconstruire cette tour, vu que dans le script, c’est un lieu secret qu’il est difficile d’atteindre. Et puis cette tour, seule, nous a interpelés. Les extérieurs ont été tournés sur une journée complète, en exploitant le soleil jusqu’au coucher, tandis que les intérieurs ont été reconstruits en studio. » Parmi ses outils de prédilection sur les différentes mises en place, Jean-Marie Dreujou cite le Maxibrute 9 lampes Luxed. « C’est un projecteur que j’aime beaucoup. Il s’allume sur une simple ligne 16A, et envoie une quantité de lumière tout à fait acceptable. En extérieur, ça me sert de grande source assez lointaine, et ça donne sur les visages un petit quelque chose qui me plaît bien, avec toute la souplesse des LEDs en température de couleur. »

Photo Jean-Marie Dreujou

Revenant sur le rendu de la caméra, Jean-Marie Dreujou insiste de nouveau sur les comédiens. « Outre le rendu incroyable des carnations, le grand capteur permet d’isoler vraiment les visages du reste de l’image. Et ce, même en plan moyen. C’est un outil particulier qui, dans cette reconstitution moyenâgeuse, avec beaucoup de rôles et de costumes différents, marche, je trouve, très bien. Mais je n’irais pas jusqu’à la conseiller pour tous les films. Elle impose un très grand soin dans le maquillage, les costumes et les patines de décors pour tirer le meilleur parti de la grande définition sans pour autant glisser vers l’artificiel. »

Restant fidèle (comme sur la série à l’origine du film) à une filière de production lyonnaise, Alexandre Astier a fait confiance au laboratoire Lumières Numériques (Pole Pixel, à Villeurbanne) pour traiter les images de son film. « C’est Aline Conan qui s’est chargée de l’étalonnage. Un travail qui s’est effectué en plusieurs sessions, notamment à cause de la crise sanitaire, et de l’évolution en parallèle du montage et des effets spéciaux. Peu de choses ont été changées par rapport au travail effectué sur le plateau, à l’exception de l’entrée des souterrains après la taverne à moitié détruite. Dans cette séquence de forêt, on part vers une ambiance un peu rose qui peut évoquer le passage vers un autre univers. » Également sur le son, la musique (composée par le réalisateur) a été enregistrée avec l’orchestre philharmonique de Lyon. « Après ces différentes sessions d’étalonnage, j’ai enfin vu le film mixé. Et je dois insister sur le son assez extraordinaire qu’a su donner Alexandre à son projet. Après cette longue période incertaine de sorties salles liée à la pandémie, j’ai redécouvert le film avec des émotions étranges. En effet, ayant achevé deux autres films d’époque dans la foulée de Kaamelott (De Gaulle, de Gabriel Le Bomin, et Délicieux, d’Eric Besnard), tous deux reportés dans leurs sorties. Je me retrouve un peu comme dans une étrange machine à remonter le temps un peu déréglée... »

Propos recueillis par François Reumont, pour l’AFC

Equipe image - De bas en haut : Fleur Tognet et Amandine Hanse-Balssa, Alexandre Astier, Léna Delorme, Pierre Witzand et Arthur Chassaing, Nathan Bouillard, Laurent Bourgeat et Jean-Marie Dreujou
Equipe image
De bas en haut : Fleur Tognet et Amandine Hanse-Balssa, Alexandre Astier, Léna Delorme, Pierre Witzand et Arthur Chassaing, Nathan Bouillard, Laurent Bourgeat et Jean-Marie Dreujou

Bande-annonce officielle


https://youtu.be/Fd1Q2o-V6UM

Portfolio

Équipe

Production : Regular, SND
Réalisation et Musique : Alexandre Astier
Directeur de la photographie : Jean-Marie Dreujou, AFC
Première assistante opératrice : Amandine Hanse-Balssa
Deuxième assistante opératrice : Fleur Tognet
Troisième assistant opérateur : Nathan Bouillard
Stagiaire caméra : Léna Delorme
DIT : Nejib Boubaker
Cadreur caméra B : Pierre Witzand
Assistant opérateur caméra B : Arthur Chassaing
Chef électricien : Laurent Bourgeat
Chef machiniste : Mathieu Tracol
Chef décorateur : Denis Seiglan
Costumes : Marylin Fitoussi
Maquillage : Pascale Bouquière
Chef opérateur du son : Rémi Daru
Montage : Alexandre Astier
Coloriste : Aline Conan

Technique

Matériel caméra : Arri Rental (Arri Alexa 65, série Hasselblad, Hawk 150-450 mm), Panavision (autre matériel)
Matériel lumière : Transpalux
Matériel machinerie : Cinesyl
Postproduction : Lumières Numériques, Lyon

synopsis

Le tyrannique Lancelot-du-Lac et ses mercenaires saxons font régner la terreur sur le royaume de Logres. Les Dieux, insultés par cette cruelle dictature, provoquent le retour d’Arthur Pendragon et l’avènement de la résistance. Arthur parviendra-t-il à fédérer les clans rebelles, renverser son rival, reprendre Kaamelott et restaurer la paix sur l’île de Bretagne ?