L’EST a eu en charge les effets visuels d’ "Océans" (4e et dernier épisode)

Chronique de Christian Guillon
Respecter les comédiens
Ce sera une séquence de pollution qui suivra ce plan.
Il y a d’abord une série d’images censées être prises par le satellite et qui doivent révéler la pollution. Ce sont des côtes, des estuaires, des embouchures de fleuves desquels se déverse, dans la mer, une matière noire inquiétante.

La géographie doit être imaginaire, on ne veut pas stigmatiser particulièrement telle ou telle partie du monde, que ses habitants pourraient reconnaître. Ce seront donc des " matte paintings ", que nous confions à Christophe Courgeau chez Mikros. L’idée est qu’une sorte " d’effet radar " précède et surtout révèle visuellement le déversement de la matière noire. Contre toute attente, cet effet " radar ", qui aurait pu faire l’objet de nombreux essais, sera trouvé très vite par Hugues Namur. La matière noire elle-même sera plus compliquée à trouver. Elle sera un peu filandreuse, en mouvement très lent, censée suivre les courants marins, virant brièvement au vert fluo au passage du radar.
Cette fois, on invente complètement quelque chose.
Je suis surpris que cette idée aille au bout, alors qu’elle ne repose pas sur une base réaliste ou scientifique. Partout ailleurs, le film est bardé de cautions et précautions, encadré par toutes sortes de scientifiques, biologistes et océanographes. Et là, nous sommes libres et légers d’inventer une imagerie satellitaire totalement fantaisiste. Peut-être que c’est parce que cela fonctionne dans le film, tout simplement.

La séquence qui suit immédiatement va requérir, elle aussi, notre intervention. C’est la continuité de la séquence de pollution.
Il y a une ligne rouge que Jacques Perrin et Jacques Cluzaud ont défini dès le départ et que nous n’avons jamais franchie : pas question d’avoir recours aux trucages pour des plans naturalistes, si cela doit nous conduire à modifier ou remplacer les actions des animaux, ou les animaux eux-mêmes. Tout ce qui montre la vie animale sous-marine devait être parfaitement réel. Un seul trucage, qui aurait dérogé à cette règle, pouvait jeter le soupçon sur tout le film, et décrédibiliser des années d’efforts pour obtenir ces scènes incroyables tournées dans des conditions extraordinaires.

Si nous nous sommes autorisés le recours à l’image de synthèse dans les scènes de la Galerie des espèces disparues, de la Planète hologramme, ou du Satellite, c’est parce que ces séquences relèvent de la partie " fiction " du film.
Mais il existe une autre règle pour les Jacques, qu’ils entendent respecter : aucun animal ne sera maltraité pour les besoins du film. Fut-ce une sardine.
Ici, nous voulons voir une otarie qui se fraye un chemin dans une eau poubelle, dans un port industriel. On espérait quelque chose de vraiment sale. L’otarie a été tournée, mais pas au milieu d’autant d’ordures qu’il aurait fallu. Les biologistes se sont refusés à l’amener dans un tel environnement.

La postprod ne modifiera pas fondamentalement l’action : l’otarie nage pour de bon entre un vieux caddie et quelques vieux pneus. Cela manque juste un peu de déchets. Nous allons rajouter de la saleté. C’est à Mikros que nous confions cette tâche. Ce n’est pas si facile, il n’y a aucun repère de " tracking ", la caméra sous-marine est en mouvement, les objets aussi. Pour l’équipe de 3D, plus habituée à faire de belles voitures, c’est un peu une première que d’avoir à fabriquer des vieilles cagettes, une chaussure en plastique usée, une carcasse de camionnette, etc. Il faut aussi soulever des nuages de poussière noire au passage de l’otarie, et incruster une usine derrière la ligne de surface des eaux. C’est un réglage fin qui nécessitera de nombreux allers-retours, entre crédibilité de la situation, réalisme des objets et de leurs mouvements, et volonté de noircir le trait. Au final, c’est indiscernable.

Une prescription du même ordre (ne pas maltraiter les animaux) nous amènera à intervenir sur les scènes de surpêche, qui ont été tournées en partie avec des " animatronics ". Massacre des dauphins (pris dans un filet et remontés au grappin), pêche des requins (qu’on relâche vivants après leur avoir coupé queue et ailerons), ou harponnage de baleine (par de soi-disant bateaux scientifiques), il faut évoquer ces scènes plus que les montrer.
Les " animatronics ", fabriqués en Australie, sont très réalistes. Le débat, là aussi, est fin, entre la volonté de toujours conserver le point de vue des animaux (on ne sort jamais de l’eau), une sorte de pudeur à ne pas inutilement montrer la violence, et la nécessité de dénoncer par l’image (sans commentaire) des pratiques cruelles et génératrices de déséquilibre. Notre intervention se limitera (mais ce n’est pas aussi facile que cela en a l’air) à effacer des câbles et renforcer le sang.

Pour le harponnage de la baleine, on a longtemps tergiversé, fallait-il le montrer ou non. Le choix a finalement été d’assumer la scène. Sur un plan de baleine tourné, Hugues a rajouté un harpon de synthèse et son filin, ainsi qu’un nuage de sang. Sur un plan de l’avant du bateau vu depuis l’eau, à peine lisible, il a incrusté le trouble dans l’eau provoqué par le départ du harpon. L’idée est de rester le plus discret et elliptique possible, et de ne surtout pas toucher aux animaux eux-mêmes.

Montrouge, la fin résiste, printemps 2009
Au bout d’un certain temps, dès que l’étalonnage numérique a commencé, les présentations de plans truqués ne se sont plus faites qu’en projection sur grand écran, chez Digimage. On s’est rendu compte en effet que les présentations au montage, sur moniteurs pas toujours calibrés, devenaient contre-productives dès que les trucages étaient suffisamment avancés pour qu’on puisse commencer à juger de rendu, de couleur, de texture.
De bonne grâce, l’équipe de Digimage intègre nos plans dans la confo, et Laurent Desbruères les pré-étalonne avec Luciano avant l’arrivée des Jacques. On les regarde donc dans la continuité du film, avec le son, dans la résolution définitive, et en projection. Une fois par semaine pendant plusieurs mois. C’est un confort que je vais regretter sur les prochains films.

Digimage a récemment intégré Def2Shoot, société de trucages, et c’est tout naturellement que nous commençons à leur confier des plans à truquer. Au départ, étant donné le contexte de re démarrage dans lequel ils se trouvent, nous commençons par les plans de retouche sur la partie normale du film. Ces trucages, dont la nécessité se fait souvent jour au fil du montage, puis même à l’étalonnage, vont bénéficier de la proximité de Def2Shoot avec Digimage.
Mais ce ne sont pas des plans spectaculaires, car il y a cette ligne rouge à ne pas franchir.
Les trucages sur les parties documentaires du film se sont donc limités à éliminer les parasites ou les défauts de l’image : " flares ", effets de seuil, rayures, gouttes d’eau sur les optiques, stabilisations du cadre, etc.

Jacques Perrin et Jacques Cluzaud veulent que la caméra soit invisible.
La présence du hors champ et de l’opérateur est souvent induite par de tous petits indices, comme par exemple une goutte d’eau sur le verre optique. Même dans une séquence de tempête en mer comme vous ne l’avez jamais vue, il faudra l’effacer. Au final, sur un film de cette ampleur et avec cette exigence de perfection, cela représente un très grand nombre de plans à passer au nettoyage. Nous avons tous parfois été sceptiques devant une ou l’autre de ces demandes. En voyant le film fini en projection, je me suis rendu compte à quel point c’était important, essentiel. Cela nous évite de sortir du film. Cela contribue à la majesté de l’image, à sa dignité même en quelque sorte. Ce film est un opéra visuel. Aucune fausse note n’est possible.
L’étalonnage doit répondre au même degré d’exigence : le raccord des eaux en particulier est un véritable casse-tête. D’un plan à l’autre, suivant l’axe caméra par rapport au soleil, ou suivant la profondeur (à un mètre près), et bien entendu suivant le lieu de tournage ou l’époque dans l’année, les fonds marins n’ont pas les mêmes couleurs ni textures. On apprend encore de nouveaux mots : la turbidité de l’eau, par exemple...

Laurent multiplie les " caches patates ". Dans l’eau, les gammes de saturations sont très réduites. Impossible souvent de faire appel au Key pour extraire un cache. S’ils sont faits à l’étalonnage, les caches manuels demandent des heures de " tracking " et sont mangeurs de temps de calcul, sur un outil cher et pas tout à fait parfaitement adapté à cette tâche.
Nous avions prévu un dispositif qui pouvait le soulager de ce travail fastidieux. Bérengère l’avait appelé le plan " Trucaches ".
Avec Fred Moreau, qui vient de rejoindre l’équipe de Def2Shoot, nous mettons en place ce dispositif : une petite équipe séparée de " rotoscopeurs ", prêts a intervenir en parallèle de l’étalonnage. Une sorte de commando. A la demande de Laurent et au fur et à mesure de l’étalonnage, ils peuvent produire pour lui des caches manuels (dits " couches alpha "), dans un délai maximum de 24 à 48 heures.

On doit vérifier que le tout nouveau Resolve (qui remplace le Lustre dans la deuxième salle) peut intégrer les couches alpha, qu’il sait les lire et les associer à un plan comme il fait avec ses propres caches.
Après quelques réglages, le dispositif est opérationnel. Le but est que l’étalonneur, lorsqu’il sent qu’un plan va lui demander trop de temps, s’interrompe, envoie le plan à l’équipe des " Trucaches " et passe au plan suivant en attendant de recevoir les caches qu’il a demandés.
Bérengère met en place une routine partagée de gestion du travail spécifique, qui permet de suivre et contrôler le travail au jour le jour.
L’étalonnage sera très long. La méthode sera la même que pour tout le reste du film : itérative. Une grosse préparation, ici sous la direction de Luciano Tovoli et sous l’œil vigilant de Philippe Ros ; puis une série d’approches successives sous la direction de Jacques Cluzaud, permettant d’affiner les choix, qu’ils feront finalement ensemble avec Jacques Perrin.

Petit à petit, la participation de Def2Shoot va augmenter, jusqu’au moment où nous leur confions un plan très complexe qui va requérir à lui seul plusieurs semaines de travail.
Au départ, il y a un plan extraordinaire, mais avec un gros défaut.
Nous sommes en plein océan, quelque part au large. Une baleine émerge des profondeurs sous la caméra, à quelques centimètres. Elle prend de l’air, lance un puissant jet de son évent presque sur la caméra et plonge. Cette prise de vues étonnante a été possible grâce à un des outils développés pour le film, la grue Thetys, installée sur un zodiac, avec compensation de roulis et tête gyrostabilisée. Cet machinerie étonnante a permis nombre de plans spectaculaires. Mais dans ce plan précis, l’ombre de la grue et de la caméra se projette sur le dos de la baleine, bien visible, au milieu du cadre. Elle glisse sur la peau luisante de l’animal.
Jacques Cluzaud nous montre le plan : si on peut éliminer cette ombre, ce plan est totalement fabuleux.

La grue Thetys montée sur un Zodiac - Photo François Sarano
La grue Thetys montée sur un Zodiac
Photo François Sarano

Si on ne peut pas éliminer l’ombre, ou même s’il reste une moindre gène due à un effacement imparfait, ils ne mettront pas le plan dans le film.
La solution simple, souvent utilisée pour les effacement d’ombres, consiste à " rotoscoper " (détourer) la forme de l’ombre pour la traiter séparément en étalonnage du reste de l’image, afin de la faire raccorder (étalonnage différentiel par zone).
Une première série de tests montre que cela ne marche pas. La densité est trop forte dans la partie " ombre ", l’image a perdu beaucoup de ses informations essentielles et le réétalonnage, s’il est théoriquement possible en densité, ne peut pas faire raccorder les textures d’image (montée de grain, différence de saturations, etc.).

La solution compliquée consiste à remplacer la peau de la baleine, dans les parties " ombres ", par la même peau prise dans des images où elle est correctement exposée. L’ombre se déplace en effet sur le dos de la baleine, et elle n’est pas toujours au même endroit. Il y a, du moins en théorie, la possibilité de reconstituer une peau de baleine " propre ", à partir de toutes les images du plan. Une sorte de puzzle. En théorie.
Avec Arnaud, nous nous inquiétons. On sait que l’effacement ne doit pas laisser de traces. Les tests se succèdent, des difficultés nouvelles apparaissent. Fred Moreau met du renfort. Nous savons que cela dépasse les moyens prévus au départ, mais il faut aller au bout. Nous nous sommes embarqués et maintenant on ne peut plus reculer. Après un certain délai, l’hypothèse de remplacer ce plan par un autre dans le montage, envisageable au début, devient de plus en plus compliquée. (Nous devons tenir compte de tous nos camarades qui travaillent en parallèle sur le montage, à l’étalonnage, au montage son, sur la musique, puis au mixage, etc. Il y a un point de non-retour.)

Après quelques semaines, le résultat est là.
Ce fut un énorme travail qui au final consista a reconstituer le dos de la baleine, avec la texture issue d’un " puzzle " de toutes les images dans lesquelles il y un peu de peau sans ombre. Un développement spécifique aura été nécessaire à cette reconstitution. Il a aussi fallu refaire les coulures d’eau et les reflets du ciel. L’effacement est quasiment parfait, mais bizarrement, je me demande si le plan nettoyé n’est pas moins impressionnant que l’original. Cette ombre, totalement déplacée, était un élément fort de l’image. Il y avait une focalisation sur l’exploit. Un surgissement inattendu de la technologie dans l’image. Une confrontation, dans une seule image, entre deux univers antinomiques : la fiction et le documentaire, le studio et le reportage. Toutes choses contradictoires avec le principe même du film, mais qui donnaient sans doute à ce plan isolé une partie de la force qui m’avait séduit. Comme pour d’autres plans sur lesquels on a effacé une goutte d’eau ou un " flare ", on a constaté que la présence d’un défaut, en attirant l’attention, détourne le regard. Une fois le défaut disparu, on voit le reste. Et le plan change. Celui-là reste impressionnant. Mais vous devriez voir l’original. Le plan est là et garde sa place dans le film.

Pendant ce temps, sur la Planète hologramme, l’équipe de Buf avait multiplié les modifications, propositions : vitesse de rotation, mouvement des nuages, nuances de la mer, reflets du soleil, etc. Jacques et Jacques, eux aussi, avaient proposé force idées d’améliorations. Chaque étape était meilleure. A chaque modification proposée, nous étions certain que la prochaine étape serait la bonne. Pourtant, à chaque fois, un léger regret subsistait. C’était indéfinissable.
On ne pouvait pas dire que la terre n’était pas belle, ni que l’intégration dans le décor ne fût pas réussie, mais Jacques Perrin n’avait pas ressenti l’émotion qu’il cherchait. Il faisait la comparaison avec l’autre plan de la terre, le plan du satellite, qu’il trouvait somptueux et enthousiasmant.
J’avais l’impression de trainer comme un boulet la mauvaise impression de la première présentation. Il y avait toutefois, bien entendu, une raison plus profonde, que nous ne parvenions pas à formuler.

Le problème venait-il seulement du rendu de la terre ou tenait-il aussi de la situation dans laquelle nous l’avions mise ? Cette terre était-elle un objet muséographique, comme le suggérait le décor dans lequel elle se trouvait ? Ou bien ne serait-ce pas plutôt la vraie terre que nous observions depuis la terrasse d’une station spatiale ? Ou encore cette séquence ne devait-elle pas s’affranchir tout simplement de tout besoin de justification et assumer son onirisme ? Longtemps nous n’avons pas su lever ces ambivalences.
Au final, étant donné la place de cette séquence dans le film, et alors que la terre devait symboliser un espoir, notre version de la séquence semblait plutôt encore évoquer la vie emprisonnée, la nature remplacée par sa représentation.

Le temps a passé sans que nous ne parvenions à identifier le malaise. On a épuisé les idées de modifications, saturé le potentiel d’améliorations, trouvé " satisfaisant " le résultat (mais est-ce que satisfaisant est suffisant ?), et finalisé la séquence en l’état.
En juillet, le film est censé être fini. Trucages livrés, étalonnage terminé. La sortie du film est prévue fin octobre.
Pour la fête de fin de film, nous voyons une copie avec tous les trucages, dont la séquence de la Planète hologramme finalisée.
Pour des raisons de pure distribution, la sortie est repoussée au 27 janvier.
Nous savons alors que, grâce à ce délai supplémentaire, nous allons pouvoir retravailler la séquence de la Planète hologramme. Jacques nous le demande.

Dernière ligne droite, automne 2009
Je propose qu’on travaille sur une terre séparée, hors contexte (sans le décor, ni les personnages), pour voir si l’on peut produire une image de terre, avec les autres contraintes (cadre, angle, lumière) qui réponde mieux aux attentes de Jacques.
Ensuite, si c’est le cas, on la confrontera à son environnement.
Cette procédure me semble intuitivement pédagogique et j’espère y trouver une réponse.
Nous allons partir sur cette idée, mais Buf demande deux semaines d’interruption début août. Tout le monde va réfléchir séparément et on convient de se retrouver " à la rentrée ".

Je pars une semaine en mer. Au retour, je montre la séquence à quelques personnes de confiance, eux-mêmes truqueurs. Tous ont la même réaction : la terre pourrait certes être différente, on pourrait en imaginer de nombreuses autres, mais celle-ci est plutôt belle.
Puisque malaise il y a, cela peut aussi venir du rapport entre la terre et son environnement.
Olli m’apprend que Jacques et Jacques sont arrivés d’une certaine façon à la même conclusion. Force était de constater que le concept avait évolué et qu’il y avait une sorte de hiatus entre les deux éléments principaux de l’image. L’environnement souterrain, s’il correspondait bien au concept initial (un tunnel sous la mer, en continuité avec l’aquarium), finissait par être contradictoire avec cette envie de terre magnifiée.

Dans la séquence de la Galerie des espèces disparues, nous avions insensiblement fait évoluer, sous la direction de Jean Rabasse, le rendu vers moins de noirceur, et c’était possible parce que le décor était fait en synthèse.
Pour la Planète hologramme nous étions restés mentalement enfermés dans une sorte de tabou. Il y avait au départ des présupposés : éclairage frontal de la terre, pas de mouvement du soleil, présence justificative du décor. Nous n’avons pas remis en cause ces présupposés alors que nous ne parvenions pas à aboutir en les respectant. Une forme d’entêtement. Un refus de constater l’impasse. Une volonté d’y arriver quand même, contre toute évidence.

Il fallait maintenant se rendre à la raison : nous avions essayé de respecter nos propres contraintes sans parvenir à l’harmonie recherchée. Il fallait maintenant remettre tout à plat et se libérer l’esprit.
Jacques Cluzaud nous permet de repartir, en introduisant l’idée du planétarium, une simulation de l’espace, un lieu à fond perdu, peuplé d’étoiles lointaines. Au delà de ce concept, quelle que soit la crédibilité muséographique qu’il induit, on cherche une image forte. Jacques Perrin veut aussi recentrer la séquence sur Lancelot. Le film va subir encore quelques modifications de montage et cette séquence est maintenant encore plus proche de la fin. Le moment fort doit tourner autour du gros plan de l’enfant.

Nous partons d’un plan large de ciel étoilé. La terre émerge de l’obscurité par le jeu d’un " lever de soleil " qui l’illumine progressivement jusqu’à nous éblouir. Jacques et Lancelot sont dans le plan, très large. Ils s’avancent vers la terre sur la passerelle qui apparaît suspendue dans l’espace. Pas de cadre, pas de décor. Seulement une image.
Dans le gros plan qui suit, sur Lancelot, tout est dans son regard.
La suite est reprise de l’ancienne version, mais elle coule soudain de source.
Nous tenons enfin cette séquence. Elle est émouvante et prend tout son sens dans le film.
En quatre semaines, sans allers retours, cette nouvelle version s’impose, in extremis.

N’importe lequel d’entre nous aurait pu faire cette proposition beaucoup plus tôt. Sans doute l’avions-nous tous, dans l’équipe, en gestation dans l’esprit, prête à surgir. Mais il fallait combattre ses propres préjugés, affronter l’idée de l’abandon de la séquence, remettre en cause la prescription.
Il fallait que Jacques Perrin lui-même nous en libère.
Il a fallu aussi que Jacques Cluzaud formule simplement un nouveau concept, suivant sa méthode qui est efficace : avancer une idée, une option, dont il sait qu’elle ne sera pas nécessairement retenue en l’état, mais dont il pense qu’elle fera étape vers l’objectif.
Il fallait un peu de temps aussi pour ouvrir des yeux neufs sur notre propre travail.
Nous avons eu de la chance.
Une chance incroyable de travailler sur ce film.