L’Homme qui rit

Faire une nouvelle adaptation du roman " monstre " de Victor Hugo, était un projet que Jean-Pierre Améris avait depuis longtemps. D’une lecture de jeunesse, il en avait gardé une vision précise, très personnelle, et un attachement à la figure centrale de l’adolescent défiguré, Gwynplaine, l’" homme qui rit " (on connaît la filiation entre les personnages de Gwynplaine et du Joker de Batman).
Tournage de "L'Homme qui rit" - Gérard Simon, de 3/4 face à gauche, entouré de David Kriz, Dan Balzer, 1<sup class="typo_exposants">er</sup> assistant cam. A, Martin Stepanek, opérateur cam. B, et Martin Maryska, 1<sup class="typo_exposants">er</sup> assistant cam. B.
Tournage de "L’Homme qui rit"
Gérard Simon, de 3/4 face à gauche, entouré de David Kriz, Dan Balzer, 1er assistant cam. A, Martin Stepanek, opérateur cam. B, et Martin Maryska, 1er assistant cam. B.

Pour cette adaptation, Jean-Pierre a choisi de décaler l’action au début du XIXe, dans un univers plus proche des romans de Dickens que de celui du XVIIe durant lequel se déroule le roman d’Hugo. Nous avons vite compris qu’il ne s’agissait pas pour autant de faire un film d’époque, mais une " féérie triste ", un conte étrange, avec toutes les conventions visuelles du genre et qui ne se préoccuperait pas des anachronismes.
Sans oublier le film muet de Paul Leni (1928), les premières références visuelles allaient vers des films comme Moonfleet, le Casanova de Fellini, Capitaine Fracasse de Scola, Elephant Man de Lynch, avec aussi, une pincée de Tim Burton et de Coppola (pour son Dracula)... Tous films à l’aspect résolument " faits en studio ".

Au fil de la préparation et du partage de nos documentations, nous nous sommes accordés sur des nuits douces (il y en a beaucoup dans le film) et un peu artificielles où tout resterait visible, des jours plombés et des couleurs désaturées pour le champ de foire miséreux, un univers chaleureux et doré pour le petit théâtre itinérant du forain Ursus et de sa troupe, un froid quasi sépulcral pour le noir château de Clancharlie.
Il nous fallait de plus, pour les extérieurs, recréer des conditions climatiques très diverses : tempête, pluie, neige, brouillard…Tout un univers peu réaliste et sur lequel Jean-Pierre voulait garder le maximum de contrôle.
Le choix du studio s’imposait donc, mais il était techniquement et financièrement impensable d’y construire l’entièreté des décors. Nous avons storyboardé le film pour faire la part de ce que nous allions construire et de ce que nous allions recréer en VFX par des extensions de décor, des découvertes de ciels et horizons (voir les photogrammes " avant/après " et le texte de Thierry Delobel).

Mis à part quelques brefs extérieurs réels, nous avons donc tourné intérieurs comme extérieurs dans des décors installés à 360° sur fonds bleus sur deux plateaux contigus de 2 000 m2.
Grâce également au storyboard, nous avons pu préparer les VFX (450 plans truqués) en amont, et je dois dire que les premières maquettes réalisées sur les premiers rushes par l’équipe de Thierry Delobel (directeur des effets visuels chez Eclair Group) nous ont rassurées (il était assez déroutant de tourner certaines séquences entièrement sur fond bleu, avec, pour seul élément de décor, un sol en terre battue).
Au final, je crois que l’équilibre visuel est là, entre les codes d’une lumière et d’un décor de studio assumés et des VFX en harmonie, pas platement " réalistes ". Sur ce genre de projet, il n’est pas toujours facile de " tenir le cap " mais il me semble que le film est assez proche de cette atmosphère de conte étrange dont nous rêvions lors de la préparation.

Studio…
Ce tournage, malheureusement délocalisé à Prague, m’a réappris à quel point le studio (un vrai, avec deux étages de passerelles, des galeries latérales et des ascenseurs pour y monter le matériel) et tous ses composants périphériques (à Barrandov, il suffit de traverser un couloir ou une ruelle pour rejoindre l’atelier déco, l’atelier SFX, les costumes, les loueurs, le laboratoire, la salle de projection, etc.) peuvent être une superbe machine à fabriquer des films.
J’ai apprécié aussi la qualité des techniciens et ouvriers tchèques, habitués à travailler dans ce studio et sachant en exploiter tous les avantages (David Kriz, mon chef électricien utilisait un système qui, à partir d’un Mac, nous permettait de dimmer, allumer ou éteindre chaque lampe des " space-light " et autres sources du plateau).
Je souhaite à la Cité du Cinéma, nouvellement construite, de devenir une telle " usine à films ". Alors, peut-être, n’aurons-nous plus besoin de nous exiler pour faire des projets de ce genre.

Merci à toute l’équipe tchèque et française. Reconnaissance particulière à Franck Schwarz pour les décors, à Olivier Bériot pour les costumes, à Marjolaine Mispelaere pour l’étalonnage et à Thierry Delobel pour les VFX.

Équipe

1er assistant caméra A : Dan Balzer
2d assistant caméra A : Jan Prokes
Opérateur caméra B : Martin Stepánek
1er assistant caméra B : Martin Maryska
2e assistant caméra B : Hynek Pantucek
Opérateur Steadicam : Jaromír Šedina
Data Loader : Martin Schmarc
Chef électricien : David Kriz
Chef machiniste : Roman Hodek
Dolly Grip : Raphaël Jourdan

Technique

Matériel caméra : Vantage Film Prague, Arri Alexa ProRes 4:4:4, objectifs Hawk anamorphiques Squeeze 1.3x, zooms Angénieux Optimo 24-290 mm Squeeze 1.3x
Format 2,35 :1
Machinerie : Panavision Prague
Matériel électrique : Enzo Cine (Prague), Transpalux (Paris)
Studios : Barrandov, Prague
VFX : Thierry Delobel, Eclair Group
Etalonnage : Marjolaine Mispelaere, Digital Factory