L’Œil de l’astronome

Eté 1610. Une des premières lunettes astronomiques inventées par Galilée arrive enfin à Prague. Jean Kepler, astronome de l’empereur Rodolphe II, aura dix nuits pour découvrir dans le ciel des choses que personne n’y a jamais vues et explorer les mystères de la nouvelle invention. Dix nuits où l’astronomie bascule dans la capitale d’un empire qui vacille.

L’Œil de l’astronome est un film nocturne. Un film éclairé seulement par les rayons de la lune et les flammes des lampes à huile et des bougies… Pour travailler en lumière naturelle comme le souhaitait Stan Neumann et capturer de telles ambiances, nous devions trouver un outil nous permettant de travailler à 2 500 ISO au minimum. Au moment du tournage, parmi les outils compatibles avec l’économie du film, seuls les appareils photos semblaient proposer de telles sensibilités (les capteurs 800 ISO de l’Alexa ou de la Red Epic n’existaient pas encore).

Des essais furent réalisés avec le Nikon D3S (dont les fichiers se sont révélés incomplets sur le prototype dont nous disposions), le Canon 5D (capteur 24 x 36 qui ne pouvait, à l’époque, tourner à 24 ou 25 i/s), le 7D (capteur 22 x 15 APS-C de la taille du Super 35, générant beaucoup de bruit en haute sensibilité) et finalement le 1D Mark IV qui fut disponible 10 jours avant le tournage. On a le télescope de Galilée qu’on mérite…
Le Canon 1D possède un capteur 28 x 18 (APS-H) qui, en surface, est à mi chemin entre celui du 5D et celui du 7D. Il nous a semblé générer le bruit le plus tolérable à forte sensibilité. Une semaine de tests nous a permis de peaufiner nos réglages. Nous tournerons donc le film à 3 200 ISO et à 2 ½ Ø… Nous nous sommes même permis de tourner certains plans à 12 800 ISO !
Légèreté illusoire. Ergonomie désastreuse. Retard de l’affichage dans la visée. Forte compression des images… Ces outils sont sans avenir pour le cinéma ! Cependant, les performances de ces nouveaux capteurs " grand-format " de plus en plus sensibles nous permettent d’entrevoir les révolutions à venir.

Nous voilà donc partis avec une cargaison de bougies, quelques maigres projecteurs et un générateur de " flicker " dans une mine désaffectée du nord de la France.
Stan Neumann voulait une image très construite et formelle. Cela tombait bien : la très faible profondeur de champ de notre " dispositif " nous imposait des places précises et des mouvements soignés et contrôlés. La machinerie fut donc très classique (rails, dolly et grue) et les plans très précis et répétés.

Les bougies furent parfois notre seule source de lumière pendant des journées entières… Parfois, nous n’en mettions qu’une… Parfois même, nous la cachions derrière une plaque de Depron pour la diffuser !
Pour la lune : une " mandarine " perchée au plus haut de notre décor (8 mètres) nous éclairait encore trop. Nous devions l’habiller d’une diffusion, d’un ND 0,6 et d’un peu de bleu pour obtenir la teinte désirée et le bon niveau.
La voûte céleste faisait défaut. Des plans tournés sur fond vert nous ont permis de l’incruster en postproduction. La pauvreté des fichiers H264 générés par le Canon 1D a parfois rendu cette opération délicate.

La constance de notre éclairage nous ayant permis d’obtenir une qualité de fichiers régulière, il fut très agréable de rechercher une " matrice " d’étalonnage qui convienne à peu près pour tout le film.
Une légère réduction du bruit coloré fut la dernière étape de l’étalonnage.
Des chenilles shootées sur Arri-Laser par le laboratoire Eclair nous ont rassurés sur la fiabilité de notre chaîne.

L’Œil de l’astronome est un film atypique. Un film étrange et envoutant où Denis Lavant omniprésent habite de sa silhouette désarticulée une obscurité étoilée. Une longue nuit où la science devient poésie.

Toutes les images composant le portfolio sont des photogrammes issus de L’Œil de l’astronome photographié par Matthieu Poirot Delpech

Crew

Assistant opérateur : Marie Demaison
Chef électricien : Laurent Bourgeat
Electricien : Nicolas Rapin
Chef machiniste : Témoudjine Janssens

Technical

Caméra : DSLR Canon 1D Mark IV
Objectifs : Zeiss photo
Trucages : David Haddad et Jean-Baptiste Lefournier
Etalonnage numérique : David Haddad