L’approche de la lumière d’Alfonso Cuarón

Par Léo Brezot

Alfonso Cuarón est venu mardi présenter Roma, son dernier film, une fiction en noir et blanc 65 mm tirée de l’histoire de Cleo, bonne de la famille du réalisateur pendant son enfance.

Le film possède une rigueur formelle mise en place dès le départ, un cadre balayant les décors d’un regard objectif qui réduit les personnages à des corps parmi d’autres, des points insignifiants au milieu du monde qui s’agite en arrière-plan. Il y a également la puissance de ces plans-séquence, dont Alfonso Cuarón n’est pas à sa première démonstration, mais laissons à d’autres le soin de (bien mieux) parler de ce film.
Si Alfonso Cuarón était présent à Bydgoszcz, c’est parce qu’il était également le chef opérateur de son film. Là encore, d’autres commenteront bien mieux son travail mais j’aimerais cependant revenir sur un point particulier de son approche de la lumière. À la fin de la conférence, il nous a montré des images de ses installations, pour illustrer ses explications, et notamment pour une scène d’incendie, dans un bois, de nuit. Afin d’éviter l’artifice de projecteurs imitant le scintillement du feu, il a fait construire des structures enflammées, certaines alimentées par des rampes à gaz pour contrôler leur puissance, et placées de manière à éclairer les comédiens (des projecteurs de feu, en somme). Puis, pour obtenir le même effet de scintillement sur les arbres en arrière-plan, ils ont placé à leur pied des écrans LED diffusant l’image des flammes, pour avoir un mouvement accordé à celui de la face.
Il reprend donc une idée qui découle de la fameuse boîte à lumière de Gravity : pour éclairer des comédiens qui font face à la Terre depuis l’espace, il suffit de les mettre en présence de la Terre depuis l’espace. La technologie impliquée est peut-être très sophistiquée mais l’idée de base est fabuleuse de simplicité : pour obtenir un effet sur un objet, il faut mettre l’objet en présence de l’effet.

Un état d’esprit qu’avait déjà Nestor Almendros quand, pour ne citer qu’un exemple, il recréait la réflexion d’un écran de cinéma sur des spectateurs en braquant sur eux un projecteur et en retirant l’objectif pour ne garder qu’une densité globale de chaque image. Et c’est en tout cas une conception de la lumière à laquelle on peut de plus en plus prétendre grâce à l’avancée des technologies (on pense à la sensibilité des caméras numériques) et peut-être que le véritable changement apporté par les projecteurs LED sera celui-là.

Léo Brezot est étudiant en 3e année à l’ENS Louis-Lumière, spécialité Cinéma.