L’avenir des étudiants dans les disciplines artistiques en question

Projection exceptionnelle et non essentielle organisée par le collectif "Séance Zéro"
A l’heure où, lors de mouvements d’occupation de théâtres et d’actes de mobilisation ayant pour objectif d’interpeler les pouvoirs publics sur la gravité de leur situation, des artistes et techniciens du spectacle vivant demandent l’amélioration des droits des intermittents et la réouverture des lieux culturels, "Séance Zéro", un collectif d’étudiants en art dramatique et en cinéma, souhaitant alerter de son côté sur un avenir incertain, lance un appel à se rassembler, jeudi 1er avril 2021, pour une séance spéciale qui se déroulera devant un écran blanc et vide.

Communiqué du collectif "Séance Zéro"
Nous sommes un groupe d’étudiants révoltés.

Nous organisons, jeudi 1er avril à 16H, place de l’Hôtel de Ville à Paris 4e, la séance zéro – une séance sur un écran vide – symbole de notre colère au vu de la place qu’accorde notre gouvernement à la culture, notre colère face aux salles fermées, et à tous les autres écrans vides.

Si ça vous parle, rejoignez-nous !

Un guichet fictif sera à votre disposition pour prendre votre ticket (gratuit, bien sûr) – gel, masques et respect des règles sanitaires seront de mise.

Explications
Pour exprimer leurs revendications et leurs craintes face à l’avenir de la vie culturelle en générale, du cinéma et du spectacle vivant en particulier, les membres du nouveau collectif Séance Zéro prévoient une action sous la forme d’une performance qui recréera une salle de cinéma en plein air avec écran, fauteuils, guichet, billetterie, etc. Une salle ouverte à tous dans le strict respect des normes sanitaires en vigueur mais qui ne projettera rien, le vide sur un écran blanc.
Membre du collectif et élève en scénario à La Fémis, Anna Wajsbrot a eu la gentillesse de bien vouloir expliquer les raisons et l’historique de la création de ce nouveau collectif ainsi que son but.

Séance Zéro est né de la rencontre d’élèves du Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD), d’élèves de La Fémis ou d’autres écoles et universités de cinéma ainsi que d’étudiants et étudiantes en arts plastiques et en photographie. Lors des assemblées générales qui ont eu lieu pendant de la récente occupation du théâtre de la Colline, en mars 2021, les différentes prises de parole des uns et des autres ont amené certains des intervenants ayant des profils différents à prendre conscience de leur convergence de pensée, de préoccupations légitimes partagées face à l’avenir, ce qui a conduit à l’envie d’une lutte commune. Actuellement, le collectif se compose d’élèves du CNSAD, de La Fémis, de Nanterre, de Paris 8, rejoints par d’autres étudiants et étudiantes de tous bords ainsi que de jeunes professionnels, notamment des jeunes techniciens t techniciennes du cinéma.

Outre l’envie de se rassembler, de se rencontrer au sein d’un espace commun, le collectif est porté par un ensemble de revendications qui font état de la peur d’une forme de repli sur soi culturel généralisé. La situation sanitaire et les outils numériques ont fait évoluer la représentation des œuvres, il y a une angoisse très forte que les lieux de représentation ne rouvrent jamais. La salle de projection est un espace de formation pour les étudiants en cinéma mais aussi pour les autres étudiants, voire pour toute la population.

Que les musées soient fermés quand les galeries d’art sont longtemps restées ouvertes, que l’on ferme les bibliothèques mais pas les librairies, entre autres exemples, cela montre que le profit est placé au-dessus de la culture. Ce qui est consommable est privilégié, au risque de la facilité face à des œuvres plus difficiles d’accès et dont le caractère frontal et la sacralité tendent à disparaître. Le collectif refuse cette tendance et prône la transdisciplinarité face à une sectorisation vécue comme une régression dont on redoute qu’elle s’installe durablement, y compris après la crise.

Au-delà de la question des salles – que la situation sanitaire de ces derniers jours oblige par ailleurs à relativiser – le collectif souhaite faire entendre un malaise plus profond car le sentiment que l’État ne fait pas assez pour soutenir l’avenir des étudiants en disciplines artistiques, voire leur met des bâtons dans les roues, y est largement partagé. Les artistes d’hier sont révérés mais les artistes de demain ne sont pas du tout pris en compte, rien n’est fait pour faciliter et leur donner envie (par exemple les aides au court métrage divisées par deux). La santé mentale des étudiants et étudiantes est une autre revendication, ce n’est pas un repas à un euro qui compensera le manque absolu d’accompagnement et de soutien suite à l’année passée, surtout pour les plus jeunes.

Pour se faire entendre sur ces sujets cruciaux, Séance Zéro a donc imaginé d’organiser la séance sur écran vide de ce jeudi 1er avril, en coordination avec le pôle juridique du théâtre de la Colline occupé pour veiller au strict respect des mesures légales et sanitaires.

Léo Hinstin, AFC

En vignette de cet article, Cinema Aperto Palestina, de Sislej Xhafa – Photo Léo Hinstin © Galeria Continua 2016.